Jamais un tel score-fleuve en quart de finale Coupe du monde de rugby n’avait atteint celui qu’a encaissé le XV de France face aux All Blacks ce soir du 17 octobre à Cardiff : 62 à 13 ! Mais, à la différence des politiques, personne ne vient nous dire « le désastre vient de ce qu’on n’est pas encore allés assez loin dans cette voie, il faut persévérer car il n’y a pas d’autre politique possible ».
Ce match était pathétique, consternant. On croyait voir des cyclistes égarés sur un circuit de formule 1 : les Néo-Zélandais pouvaient se permettre de se déplacer en considérant que leurs adversaires étaient pratiquement immobiles ; ils se sont promenés, renversant tout sur leur passage par leur force, leur fraîcheur, leur rapidité, leur technique, leur virtuosité. Et on avait hâte d’entendre le coup de sifflet final pour arrêter le cauchemar. Déjà dans la précédente rencontre perdue contre l’Irlande, on avait attendu ce vilain soulagement de fin de match mettant un terme à une débandade naissante – mais c’était seulement dans les dix dernières minutes… on n’avait pas encore touché le fond.
Comment peut-on prendre une équipe finaliste de Coupe du monde il y a 4 ans, cette vice-championne du monde battue d’un point seulement par les mêmes All Blacks sur le score étriqué 8 à 7, et la mener vers un tel gouffre moral et physique ?
La copie n’est même pas à revoir. Il faut la déchirer et tout remettre à plat.
Et c’est là que la compétition sportive se montre comme révélateur et comme rapport à une forme de vérité aux antipodes du discours politique où sévissent les pompiers incendiaires.
Car lorsque les politiques échouent, nous avons toujours droit à un couplet du genre « oui on a échoué, mais c’est parce qu’on n’est pas allés assez loin, assez fort dans cette direction »… L’Europe, la sempiternelle réforme scolaire, le chômage ? Vous en reprendrez bien une louche car « il n’y a pas d’autre politique possible » et « il faut continuer dans la même voie, persévérer, ça finira par porter ses fruits ». En trente ans d’une telle « persévérance » dans la casse, il est même étonnant que la République française ait encore quelques beaux restes.. Alors, mettons les choses à leur place : au rugby, ce sont seulement 4 ans d’errements et de plongeons, et personne ne vient susurrer « persévérons » ! Une autre politique est donc possible.
© Mezetulle, 2015