À l’issue de la période de confinement strict, Philosophie Magazine m’a demandé de choisir et de commenter une pièce musicale évoquant pour moi la libération. J’ai saisi l’occasion de commenter l’étonnante ouverture de l’opéra Zaïs de Rameau (1748), qui fait entendre « le débrouillement du chaos » et construit sous nos oreilles, mais aussi avec elles, un monde musical comme système articulé. La musique, en se constituant, s’y libère du bruit, et l’oreille, en devenant réflexive, s’y libère d’une écoute immédiate et narcotique.
Extraits de l’article (propos recueillis par Yseult Rontard) :
« Avec cette ouverture de Zaïs, nous assistons à la mise en place du monde comme monde sonore. La musique s’y libère du bruit. Elle s’en distingue en libérant les sons de l’indicialisation ; le son s’émancipe de ce dont il est le son : il se libère de son origine pour entrer en relation réglée avec les autres sons. Il prend valeur musicale dans une structure. »
[…] « C’est nous […] qui mettons en relation les sons entre eux. Notre oreille construit et comprend le système sonore qui rend la musique possible. Ainsi, nous entendons la musique dans sa condition de possibilité. L’oreille est frappée, mais elle n’est pas seulement passive : elle comprend pourquoi elle entend la musique comme musique ; elle perçoit sa propre capacité à organiser le son. »
On peut écouter l’ouverture de Zaïs (Les Talens lyriques, dir. Christophe Rousset) et lire le commentaire dans son intégralité sur le site Philomag.
Lire aussi :
- sur Mezetulle « La musique imperturbable : un monde sans partition » ; « Fête de la musique, la bêtise du tout-musical« .
- sur le site Concert Classic, « Modernité de Rameau, une interview de Catherine Kintzler« .