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Valérie Pécresse et les caricatures : une pédagogie de l’intouchable

Valérie Pécresse, présidente du Conseil régional d’Île de France, a annoncé le 13 novembre la mise en place d’un projet pédagogique régional destiné à promouvoir la laïcité. Il s’agit notamment de sensibiliser les élèves à la liberté d’expression avec un programme pédagogique proposant aux professeurs de travailler sur des caricatures relatives aux religions. Mais, et c’est ce qui a fait grand bruit, sont exclues de ce programme les caricatures représentant Mahomet.

L’annonce a été faite lors d’une interview de Valérie Pécresse par Apolline de Malherbe sur BFM Tv. On peut certes applaudir l’initiative, non seulement parce qu’elle entend sensibiliser les élèves à la liberté d’expression, mais aussi parce qu’elle est susceptible d’encourager les professeurs à recourir à des documents et des références qui naguère (ou plutôt jadis) ne posaient aucun problème1. Mais cette sensibilisation et cet encouragement sont à géométrie variable.

En écoutant cet extrait sur le site de la chaîne,

https://www.bfmtv.com/politique/laicite-valerie-pecresse-annonce-vouloir-mettre-en-place-un-projet-pedagogique-avec-des-caricatures-a-l-ecole_VN-202411130291.html

on remarque les habiles esquives par lesquelles l’interviewée tente d’éviter ou de transformer la question réitérée par l’intervieweuse – va-t-on montrer oui ou non des caricatures représentant Mahomet ? Mais elle finit par répondre … euh non, « on ne présentera pas une caricature du prophète [sic] dans le cadre de ce programme, mais on présentera des caricatures pour montrer qu’on peut se moquer des religions dans la République de manière… j’allais dire… tout à fait… sereine ».

Bon, tout le monde a compris : il y a une exception. Il y a une religion pas comme les autres, il y a des croyants pas comme les autres, particulièrement sensibles et, qui sait, peut-être prêts à éructer la formule magique « je suis offensé » en brandissant un coutelas ; il vaut mieux les épargner, surtout ne pas y toucher. Sans doute est-ce un point de plus marqué par l’islamisme envahissant et conquérant.

Rappelons toutefois que la logique de l’intouchable est ambivalente : épargner, c’est aussi mettre à l’écart. Cela me fait penser à quelques passages du livre de Charb Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes, Les Echappés, 2015 :

« Qui sont les islamophobes ? Ceux qui prétendent que les musulmans sont suffisamment cons pour s’enflammer à la vue d’un dessin grotesque. » (p.32)

« Trop de politiques jouent contre la république en flattant le croyant supposé plutôt que le citoyen. » (p. 33)

« Cette idée suppose que les musulmans prisonniers de leur identité musulmane, ne peuvent réfléchir autrement qu’en tant que musulmans. Penser cela, c’est tout simplement prendre les musulmans pour des cons. Ou pour des spaghettis trop cuits. Pour les socialistes2, si tu plonges la fourchette dans le plat de musulmans et que tu tires, il y a tout qui vient. Ça fait bloc. Encore une fois, les musulmans sont considérés comme des musulmans avant d’être considérés comme des citoyens. » (p. 34)

Ce qui donne une nouvelle actualité à la fameuse caricature en couverture du numéro 712 de Charlie Hebdo où l’on voit « Mahomet débordé par les intégristes » se désolant : « C’est dur d’être aimé par des cons ». Mais est-ce si dur que ça pour l’école publique de se voir suggérer un traitement des élèves adapté à ce qu’on croit savoir de leur croyance supposée ? N’avons-nous pas ici un exemple, à la fois apeuré et méprisant, de pédagogie différenciée ?

Notes

1 – Combien de professeurs renoncent aujourd’hui à aborder telle ou telle question historique, tel ou tel aspect de la pensée religieuse, ou à analyser des œuvres d’art donnant à voir des nus ? Voir sur ce site l’article « Diane et Actéon » des collégiens offusqués par un tableau… sur la pudeur .

2 – Ici Charb semble un peu restrictif, mais il écrit cela juste avant son assassinat en janvier 2015. Dix ans plus tard, on peut allonger la liste…