Il y a une quinzaine d’années, Pierre Macherey concluait ainsi un article consacré à la fameuse controverse qui opposa Ferdinand Alquié et Martial Guéroult au colloque de Royaumont :
« Mais peut-être la grandeur de Descartes est-elle d’avoir prêté occasion à de telles lectures alternatives et irréconciliables, ce qui fait qu’on n’a pas fini de disputer et de se disputer à son propos, signe qu’il s’agit d’une pensée toujours vivante qui, au-delà des limites dans lesquelles son discours est historiquement enfermé, continue à faire réfléchir parce qu’elle n’a toujours pas livré ses ultimes secrets »1.
Les deux livres que Françoise Pochon-Wesolek vient de publier coup sur coup2 illustrent ce propos et permettent de mesurer à quel point la pensée de Descartes est vivante, en tout cas au sens où l’entend Macherey. La visée de l’auteur est assurément polémique et pourrait même s’apparenter à une entreprise de démolition car il n’y a guère de commentateurs de Descartes qui échappent à ses critiques acérées : les interprétations d’Alquié, de Guéroult, de Laporte, de Gouhier, de Rodis-Lewis, de Beyssade, de Marion, de Scribano sont critiquées, contestées, passées au crible, pour ne pas dire à la moulinette, d’analyses précises et rigoureuses, et aucune n’en sort indemne. C’est cependant à Jean-Luc Marion, auquel Françoise Pochon-Wesolek ne reconnaît manifestement pas le droit d’enrôler Descartes dans la querelle de l’onto-théo-logie, que sont portés les coups les plus décisifs. On abordera ce point à propos du second volume.
1 – Premier volume : Descartes à la lumière de l’évidence
Le premier volume s’intitule Descartes à la lumière de l’évidence et porte comme sous-titre Exercice spirituel et controverses. Le titre indique l’idée directrice de la lecture de Descartes proposée par l’auteur et le sous-titre la structure du livre. La première partie, l’exercice spirituel, est en effet un commentaire des Méditations métaphysiques qui restitue le parcours de Descartes dans toute sa dimension d’expérience existentielle. La seconde partie confronte ce cheminement aux interprétations qu’en ont données les commentateurs les plus réputés.
On peut ramener les thèses de Françoise Pochon-Wesolek aux deux propositions suivantes :
- 1 – Il n’y a absolument rien qui échappe à la radicalité du doute cartésien.
- 2 – Il n’y a aucun doute qui puisse résister à la radicalité de l’évidence, dès lors qu’on ne confond pas celle-ci avec la certitude. Un premier corollaire de cette proposition est qu’il ne peut y avoir de hiérarchie des évidences chez Descartes. Un second corollaire est qu’il n’y a aucune contradiction, mais au contraire une parfaite continuité entre le Discours de la méthode et les Méditations métaphysiques.
Radicalité et universalité du doute cartésien
Certains commentateurs se sont employés à limiter ou à relativiser la portée du doute chez Descartes. Ainsi, dans La pensée passive de Descartes, Jean-Luc Marion, se fondant sur l’irréductibilité de meum corpus aux alia corpora, élargit au corps propre l’indubitabilité du Cogito, l’excluant ainsi du doute : de son existence, c’est-à-dire de l’existence de la chair, Descartes n’aurait jamais douté alors qu’il doutait de celle des corps du monde. Contre cette interprétation, Françoise Pochon-Wesolek montre qu’en deçà de l’argument du malin génie, celui du rêve permet déjà de douter de l’existence du corps propre. C’est encore Jean-Luc Marion qui, dans ses Questions cartésiennes, soutient que seules les natures simples matérielles sont soumises au doute hyperbolique. Selon Françoise Pochon-Wesolek, c’est dès le Discours de la méthode que le doute s’exerce à l’encontre des vérités mathématiques et qu’il a la même portée que dans la Première Méditation : la similitude entre la formulation du Discours et celle du § 5 des Principes de la philosophie en fournit la preuve. Quant à Ferdinand Alquié, c’est non pas l’universalité du doute cartésien, mais plutôt sa radicalité qu’il prétendait limiter en introduisant une césure entre le doute « métaphysique » de la Première Méditation et celui du Discours de la méthode, qui relèverait simplement de la prudence du savant et du refus de la précipitation. Françoise Pochon-Wesolek montre qu’au contraire on trouve dans les deux textes la même « volonté » de penser que tout est faux, donc que le doute est déjà porté à son extrémité en 1637.
La puissance irrésistible de l’évidence
La thèse centrale qui guide la lecture de Descartes proposée par Françoise Pochon-Wesolek est qu’il est absolument impossible de douter de la vérité de ce qui se donne à nous dans l’expérience de l’évidence. Encore faut-il ne pas la confondre avec celle de la certitude. Celle-ci est une adhésion subjective, une adhésion qui s’origine dans le sujet. Au contraire, dans l’expérience de l’évidence, c’est l’objet même qui s’impose irrésistiblement à l’esprit, si du moins celui-ci consent à y être attentif. Le doute mis en œuvre dans la Première Méditation ne porte pas sur l’évidence, dont l’expérience n’a pas encore été faite, mais sur ce que les autres hommes et moi-même nous croyons savoir, c’est-à-dire sur des certitudes. Mais alors, si l’évidence est absolument indubitable, pourquoi Descartes reprend-il l’hypothèse du Dieu trompeur au début de la Troisième Méditation ? Henri Gouhier, tout en reconnaissant que les évidences ne peuvent être trompeuses, affirme que le doute peut les atteindre indirectement, « de l’extérieur, en tenant suspendue au-dessus d’elles la menace d’une falsification originelle »3. Or cette hypothèse est explicitement rejetée par Descartes dans les Secondes Réponses aux Objections. L’évidence est absolument indubitable aussi longtemps qu’elle dure, mais elle ne dure qu’aussi longtemps que l’esprit ne s’en détourne pas pour s’occuper à quelque autre pensée. On comprend donc par-là que l’on n’a pas besoin de Dieu pour garantir l’évidence, qui se soutient d’elle-même, mais pour que le souvenir d’une évidence puisse me donner la même certitude que l’évidence elle-même. Descartes le dit très explicitement dans un autre passage des Secondes Réponses4. Cela n’échappe pas à Alquié, mais, note Françoise Pochon-Wesolek, celui-ci commente ce passage sans en tirer la conséquence qui s’impose : « Ce texte est embarrassant. Descartes semble y accorder que l’évidence actuelle peut se passer de la garantie de la véracité divine, cette garantie n’étant nécessaire que pour l’évidence remémorée »5. Alquié trouve ce texte « embarrassant » parce que Descartes « semble » y dire ce qu’il dit on ne peut plus clairement !
Non seulement l’évidence, comprise en sa vérité, n’a besoin d’aucune garantie, mais cela vaut pour toutes les évidences sans qu’on puisse donc établir entre elles une quelconque hiérarchie comme prétendait le faire Alquié en opposant le Discours de la méthode, où toutes les évidences semblent être sur le même plan, aux Méditations métaphysiques où elles résisteraient plus ou moins au doute parce qu’elles se situeraient à des niveaux ontologiques différents. Françoise Pochon-Wesolek montre que c’est de la même manière que les évidences résistent au doute dans les deux textes. De même, à Jean-Luc Marion qui soutient que seul le Cogito échappe au doute, à la différence des autres évidences, Françoise Pochon-Wesolek oppose que le début de la Troisième Méditation a pour objet de montrer à partir du modèle du Cogito que tout ce qui a le même statut est nécessairement vrai au moment où je le pense. Seul le souvenir de ces évidences requiert l’existence d’un Dieu vérace, et cela vaut pour le Cogito lui-même.
On ne peut enfin pas davantage opposer Descartes à Pascal sur la question de l’évidence. L’ « extrême évidence » de certaines définitions se trouve chez lui aussi. Et surtout, la rationalité discursive n’est pas pour lui la forme supérieure de la vérité : non seulement l’évidence ne lui doit rien, mais c’est elle qui la dirige et la valide, le cas échéant. On pourrait parfaitement dire de Descartes ce que Marion dit de Pascal, que chez lui l’évidence éblouit ou déroute la raison. Françoise Pochon-Wesolek peut ainsi conclure ce premier volume en affirmant que le « rationalisme cartésien » est un mythe si l’on entend par là un constructivisme : Descartes invite au contraire l’esprit à se faire attentif à une lumière qui est à la fois en deçà et au-delà de tous les efforts constructifs de la raison.
2 – Deuxième volume : Descartes, penseur pré-critique ou platonicien ?
Dans ce second volume, Françoise Pochon-Wesolek poursuit son examen critique des grandes interprétations de la métaphysique cartésienne en s’attachant d’abord à la question du Cogito, puis à celle de Dieu avant de répondre plus précisément dans la troisième partie à la question qui donne son titre à l’ouvrage.
Le Cogito, l’ego, la substance pensante
Françoise Pochon-Wesolek s’oppose fermement à toutes les interprétations qui prétendent limiter ou relativiser le caractère purement intuitif du Cogito, aussi bien celle de Ferdinand Alquié qui oppose le Cogito « logique » du Discours au Cogito « existentiel » des Méditations, que celle de Martial Guéroult qui, tout en concédant que le Cogito n’est pas un raisonnement, fait de la formule « pour penser, il faut être » sa condition ou son préalable. C’est au contraire l’expérience singulière du Cogito qui permet, à partir de sa singularité, de prendre conscience du principe plus général « pour penser, il faut être » et de le faire apparaître. C’est ce que Descartes répond à Burman : si cette majeure d’un hypothétique syllogisme est implicitement présupposée, c’est sa conclusion que je connais d’abord. L’erreur commune à toutes ces interprétations réside, selon Françoise Pochon-Wesolek, dans une méconnaissance de ce qui caractérise l’évidence chez Descartes.
C’est la lecture que Jean-Luc Marion a proposée de Descartes qui fait l’objet des critiques les plus nombreuses et les plus acérées. Nous nous limiterons ici à celle qui porte sur la question du rapport de Descartes à l’ontologie, parce qu’elle est exemplaire du rôle que Marion veut faire jouer à Descartes dans sa propre critique de l’onto-théo-logie. La lettre à Mersenne du 11 novembre 1640 dans laquelle Descartes justifie le titre latin des Méditations, qui ne comporte pas l’épithète métaphysiques, est invoquée par Marion comme indiquant le passage d’une primauté de l’étant à une primauté de la connaissance – et même une disparition de l’étant comme tel. Ce primat de l’ordre de la connaissance sur la métaphysique signifierait que Descartes renonce à la philosophie en tant qu’ontologie. À cela, Françoise Pochon-Wesolek oppose qu’il ne peut y avoir de primauté de la pensée sur l’être dès lors que l’être qui se donne en premier comme indubitablement existant, c’est l’ego et qu’il n’y a pas de pensée qui ne soit pensée par l’ego. Et bien loin que la découverte de l’ego signifie la clôture de la question de l’esse (« dès que l’ego paraît, l’esse disparaît comme question »6), c’est la question du degré d’être de cet ego, conscient de son imperfection dans l’expérience vécue du Cogito, qui va ouvrir la question de l’esse dans sa perfection.
Dieu
Selon Jean-Luc Marion, la causalité est érigée par Descartes au rang de principe et raison onto-logique puisque Dieu étant causa sui relève de la causa. Autrement dit, Descartes fait de Dieu « un étant de droit commun »7. Cependant Descartes n’affirme nullement que toute existence relève de la causa. Dans les Réponses aux premières objections, il dit qu’il n’y a aucune chose de laquelle il ne soit permis de rechercher si elle a une cause efficiente et il ajoute : « ou si elle n’en a pas, (de) demander pourquoi elle n’en a pas besoin ». On voit d’une part que la question de la causa s’inscrit dans une perspective heuristique ou épistémologique, d’autre part que la possibilité qu’une chose n’ait pas de cause n’est pas exclue : il faudra alors rechercher la raison pour laquelle elle n’a pas besoin de cause. C’est ce qui apparaît de façon encore plus explicite dans ce passage des Axiomes ou Notions communes suivant les Secondes réponses : « cela même peut se demander de Dieu ; non parce qu’il ait besoin d’aucune cause pour exister, mais parce que l’immensité même de sa nature est la cause ou la raison pour laquelle il n’a besoin d’aucune cause pour exister ». Si donc Descartes affirme qu’il ne faut pas excepter Dieu de la recherche de la causa, c’est pour découvrir qu’il est sans causa. Si donc Dieu est sans cause, que signifie chez Descartes la formule causa sui ? Françoise Pochon-Wesolek montre que c’est pour éviter de remonter à l’infini dans la série des causes efficientes que Descartes a fondé sa première « preuve » de l’existence de Dieu sur l’idée de Dieu que nous trouvons dans notre esprit, preuve qui repose sur la reconnaissance de l’essence de Dieu comme perfection. Certes, Descartes dit qu’il n’est pas impossible qu’une chose soit la cause efficiente de soi-même, mais il le dit en contournant l’objection de Thomas d’Aquin selon laquelle la cause efficiente est antérieure à son effet. Il subvertit le concept de causa sui en le dissociant de celui de cause première, c’est-à-dire en abolissant en lui toute temporalité. Françoise Pochon-Wesolek met ainsi en évidence à partir du texte même de Descartes que dire que Dieu est causa sui, c’est dire qu’il n’a pas besoin d’une cause extérieure pour exister parce que son essence est telle qu’il ne peut pas ne pas exister : on reconnaît ici l’argument ontologique qui est donc la vérité de la causa sui cartésienne, comme Spinoza l’a parfaitement compris si l’on veut bien relire la première définition de l’Ethique : « Per causam sui intellego id cujus essentia involvit existentiam ; sive id cujus natura non potest concipi nisi existens »8. C’est donc de façon seulement analogique que Descartes fait de Dieu une causa sui : il l’est « en quelque sorte », c’est-à-dire d’une manière qui n’implique ni postériorité chronologique ni infériorité ontologique. Jean-Luc Marion soutient que cette analogie est une « contre-analogie » puisque à travers elle l’infini se dit par référence au fini alors que, dans l’analogie théologique, c’est le fini qui se dit par référence à Dieu. Françoise Pochon-Wesolek lui oppose que l’analogie cartésienne est de même nature que l’analogie platonicienne et a le même sens. Bien loin que l’analogie cartésienne réfère Dieu au fini, elle montre que le fini ne permet pas de penser Dieu, mais ne peut que servir de « tremplin » pour s’élever vers lui.
Descartes penseur pré-critique ou platonicien ?
Descartes penseur pré-critique ?
Dans ses Questions cartésiennes, Jean-Luc Marion veut voir chez Descartes un précurseur de Kant : il y aurait déjà chez lui une « disqualification de l’ontologie ». Il s’appuie ainsi sur un extrait de la lettre à Mersenne du 11 novembre 1640, déjà citée, pour soutenir que selon Descartes la primauté des « premières choses » relève exclusivement d’un ordo cognoscendi qui ne doit rien à un ordre ontique. C’est oublier que chez Descartes l’ordre du connaître n’est pas un ordre de constitution du savoir que l’esprit imposerait au donné, mais tout à l’inverse « l’ordre imposé à l’esprit par les réalités pensées ». Selon la règle quatrième des Regulae, la méthode consiste à rendre l’esprit capable de voir, c’est-à-dire capable de recevoir les « premières choses » dans l’intuition. Contrairement à ce qu’affirme Marion, c’est bien l’ordre ontique qui détermine l’ordo cognoscendi. Pour Descartes, l’intuitus permet d’accéder à de véritables êtres et il n’y a pas chez lui un ens irréductiblement inconnaissable à la manière de la chose en soi chez Kant. La frontière chez Descartes ne passe pas entre le phénomène et le noumène, mais entre les natures simples et les natures composées : celles-là peuvent être connues telles qu’elles sont dans l’intuition tandis que celles-ci requièrent un travail de recomposition de l’esprit avec toute la part d’arbitraire que cela implique.
Descartes, penseur platonicien
Plutôt qu’un précurseur de Kant, Françoise Pochon-Wesolek nous invite à voir en Descartes un continuateur de Platon. L’un et l’autre assignent aux mathématiques un même rôle propédeutique ; la lumière naturelle de Descartes n’est autre chose que l’intuition intellectuelle de Platon ; pour l’un comme pour l’autre, il y a des « semences premières des vérités » déposées dans l’esprit humain ; Descartes assigne aux essences mathématiques un type d’être analogue à celui des Idées chez Platon. La mise en rapport de l’exemple de la duplication du carré dans le Ménon avec les Cinquièmes réponses aux objections et la lettre à Mersenne du 16 octobre 1639 fait apparaître que pour Descartes comme pour Platon, notre capacité d’acquiescement au vrai présuppose un savoir antérieur. Françoise Pochon-Wesolek met encore en perspective de façon éclairante le passage du Phédon où Socrate explique que nous ne pourrions pas percevoir que deux morceaux de bois ne sont pas parfaitement égaux si nous n’avions pas une connaissance préalable de l’égalité parfaite, c’est-à-dire de l’égalité en soi, et ce qui est au cœur de la preuve de l’existence de Dieu par l’idée du parfait qui est en moi dans la Méditation troisième, à savoir l’antériorité logique de l’infini sur le fini. Enfin une comparaison du Γνῶθι σεαυτόν et du Cogito conduit à voir qu’ils ont en commun d’être « une expérience psychique qui permet de prendre conscience du « soi-même » essentiel comme « je » dans sa pure activité de pensée, en rupture avec toute approche réflexive du moi pris objectivement et phénoménalement ». Pour Descartes comme pour Platon, il faut mourir au « moi » afin de découvrir le divin qui habite l’âme.
Si ce titre n’avait été préempté par une célèbre collection, les deux ouvrages de Françoise Pochon-Wesolek auraient pu s’intituler « Descartes par lui-même ». En effet on y voit constamment à l’œuvre la volonté de reprendre, de l’intérieur, le cheminement de Descartes, de n’expliquer Descartes que par le texte de Descartes et donc le refus assumé de toutes les lectures qui projettent sur lui des concepts ultérieurement élaborés ou des préoccupations contemporaines. Que le lecteur fasse siennes ou non les thèses de Françoise Pochon-Wesolek, il ne pourra pas ne pas être sensible à sa maîtrise du corpus cartésien, à l’acribie et à la fermeté de ses analyses, enfin au souci du vrai qui inspire de part en part ce beau travail.
Notes
1 – Querelles cartésiennes I Alquié/Guéroult Groupe d’études « La philosophie au sens large » 6-11-2002.
2 – Descartes à la lumière de l’évidence et Descartes, penseur pré-critique ou platonicien ? L’Harmattan 2018 175 p. et 238 p.
3 – Henri Gouhier Essais sur Descartes Vrin 1937, p. 153.
4 – AT IX 110
5 – Alquié Œuvres philosophiques de Descartes Garnier 1963-1973 Tome II p.564.
6 – Jean-Luc Marion Sur le prisme métaphysique de Descartes PUF 1986, p. 77.
7 – Ibid. p. 114.
8 – « Par cause de soi, j’entends ce dont l’essence enveloppe l’existence ; ou ce dont la nature ne peut être conçue comme non existante ».
© André Perrin, Mezetulle, 2018.
Françoise Pochon-Wesolek, Descartes à la lumière de l’évidence et Descartes, penseur pré-critique ou platonicien ? L’Harmattan, 2018.
Merci Cher Monsieur pour cette présentation très claire.
D’où j’extrais ce court passage. Il m’importe, car il m’a toujours semblé qu’on peut lever une difficulté -pas tant pour soi-même pratiquant le Descartes à la loupe- que pour des étudiants- si l’on fait remarquer qu’il y a tout simplement deux mots en latin pour dire être, et que le non usage de « existere » au profit de « esse » donne un indice patent du niveau auquel Descartes porte sa réflexion. En pensant je manifeste non pas tant que j’existe mais que j’existe comme être pensant, comme essence pensante, et en effet « l’esse disparaît comme question » disons comme possibilité d’être questionné, i.e mis en doute. (-ce qui ne présage en rien de la « qualité » ou de la « valeur » de ma pensée, puisqu’elle peut même m’induire en erreur, mais au moins, je pense…)
[« Et bien loin que la découverte de l’ego signifie la clôture de la question de l’esse (« dès que l’ego paraît, l’esse disparaît comme question »), c’est la question du degré d’être de cet ego, conscient de son imperfection dans l’expérience vécue du Cogito, qui va ouvrir la question de l’esse dans sa perfection. »]
» Françoise Pochon-Wesolek peut ainsi conclure ce premier volume en affirmant que le « rationalisme cartésien » est un mythe si l’on entend par là un constructivisme « .
Le rationalisme cartésien est un mythe tout court… Voir « Descartes inutile et incertain » de Revel.
Ce n’est pas du tout dans le même sens que Françoise Pochon-Wesolelk et Jean-François Revel parlent d’un mythe du rationalisme cartésien. En positiviste, Jean-François Revel reprochait à Descartes d’être resté un métaphysicien dont la physique n’était au fond que le prolongement d’une théologie. Descartes aurait, selon lui, raté la révolution scientifique de son temps parce que son géométrisme ne lui a servi qu’à tourner le dos à la physique expérimentale : pour celle-ci, il s’agit de remonter de l’expérience à des lois mathématisables. La perspective de Françoise Pochon-Wesolek n’est en rien positiviste : elle conteste la position de ceux qui, comme Marion, veulent faire de Descartes un précurseur de Kant et elle montre à cet effet que chez Descartes l’ordre du connaître n’est pas celui de la construction du savoir par un esprit qui imposerait son ordre au donné, mais un ordre qui est au contraire imposé à l’esprit par les réalités qu’il pense.