Nombreuses sont les publications qui se donnent pour but d’aider leurs lecteurs à ne plus faire aucune « faute » en matière de langue. Mais, se contentant de dresser un catalogue, elles interrogent rarement la notion même de « faute », comme si les fautes en question allaient de soi, comme si leur nature ou leur gravité n’étaient pas ce qui importait. Pour se demander ce qu’est une faute, et en proposer une amorce de typologie, il pourra être utile de partir de l’examen de quatre volumes publiés sous l’égide de l’Académie française entre 2014 et 20171. Nous verrons qu’il y a faute et « faute » : on gagne parfois à placer le terme entre guillemets.
Confusions
Il y a des fautes incontestables, celles qui résultent d’une confusion entre deux mots (ou deux locutions) qui se ressemblent par leur forme et qu’on appelle des paronymes. Si un auteur vous dédie un de ses livres, vous y attacherez plus de prix que s’il vous le dédicace. L’adhérence des pneus à la route est distincte de l’adhésion d’un militant à une cause. Si vous avez la chance d’avoir un professeur à la fois compréhensible et compréhensif, vous pourrez apprécier chez lui deux qualités bien différentes. On parlera de l’acception d’un mot mais de l’acceptation d’une condition ; on préférera en général un compte rendu partiel à un compte rendu partial. Ou bien encore on se perdra en conjectures sur les causes de telle ou telle conjoncture. Et on évitera de dire qu’un élément dénote (au lieu de détonne) dans un ensemble. Par ailleurs, on n’oubliera pas que d’ailleurs ne doit pas être confondu avec une locution qui lui ressemble ; on veillera aussi à ce que mettre à jour ne remplace pas indûment mettre au jour.
L’homonymie (la paronymie peut être définie comme une homonymie incomplète) donne lieu également à des erreurs : ne pas écrire qu’un air est emprunt de mélancolie. La satire est loin des satyres et les gènes de la gêne. Le plus grave a lieu lorsque la logique (dont nous reparlerons) n’a pas été en mesure d’empêcher la confusion née de l’homophonie. La plupart des jeunes gens écrivent aujourd’hui : Je ne pourrais assister au cours cet après-midi, alors même que le conditionnel n’a rien à faire là-dedans. Parfois aussi, on n’associe pas à un verbe qui admet des sens et des constructions différentes la préposition que requiert le contexte. Participer peut se construire avec deux prépositions, à et de, mais combien de fois la seconde se substitue illégitimement à la première ! Un autre verbe (moins utilisé) provoque des erreurs, c’est ressortir : on lit Cela ressort de ses attributions à la place de Cela ressortit à ses attributions (on peut d’ailleurs éviter ce verbe difficile et employer relever de) ; je vous sais gré de le noter (et non je vous suis gré). En résumé, l’homophonie et la paronymie produisent bel et bien des fautes, qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause en tant que fautes.
Maladresses
D’autres fautes sont des maladresses d’expression. Parmi elles, les pléonasmes se taillent la part du lion. Évitons de dire ou d’écrire que la température est chaude (élevée), que Brahms était un compositeur de musique, que mon interlocuteur s’est borné seulement à me répondre quelques mots, ou qu’il m’a souhaité ses vœux. Mais on rencontre d’autres genres de maladresses. Au chapitre des prépositions mal employées, l’un des volumes que j’ai épluchés critique la construction suivante : Il est plus grand par rapport à moi. Mais j’avoue que je n’ai jamais entendu cette formulation. Il y a longtemps, en revanche, que la locution au niveau de remplace malencontreusement en matière de, en ce qui concerne. Plus récemment, la locution adverbiale au final a supplanté le préférable finalement (ou en définitive). Depuis peu, le déroulé remplace assez curieusement le traditionnel déroulement. Dans un registre encore plus jargonnant, la modeste différence est menacée par un différentiel inattendu ; de même, le simple problème par une problématique hors sujet. La substitution de mandature à mandat ne semble pas non plus pertinente. Tout cela, plutôt que de nous ramener à la question des paronymes, traduit une tendance au néologisme2 inutile, à l’extension au langage courant de termes plus techniques à l’origine (spécifique, par exemple, l’emporte aujourd’hui sur particulier).
Combats d’arrière-garde
Mais il est un vaste domaine où nous suivrons moins volontiers les auteurs de ces volumes dans leur dénonciation de prétendues « fautes ». En premier lieu, on ne s’étonnera pas que le « bon usage de la langue française » soit réfractaire à l’importation de nombreux mots étrangers, anglais en particulier puisque c’est bien là que le « problème » se pose. Sont incriminés, parmi beaucoup d’autres : best-of, burn-out, buzz, cash, coach, deadline, listing, pitch, single, timing, le verbe twitter… À propos de speed, il nous est dit : « évitons absolument de faire du nom anglais speed un adjectif français ». Quant au verbe relooker, il serait le « fruit des amours monstrueuses d’un verbe anglais et d’un préfixe […] français » ; mais il n’est pas nouveau que les emprunts « se francisent […] en adaptant leur forme à la physionomie de notre langue3 ». S’il est vrai que certains anglicismes paraissent inutiles (dispatcher quand on a répartir ; step by step pour pas à pas), il serait dommage de les écarter tous et de se priver ainsi du côté délibérément lapidaire qu’ont beaucoup d’entre eux. Les puristes n’ont pas assez confiance en notre langue : elle n’a rien à craindre, au fond, de ces divers emprunts.
Faut-il, d’autre part, résister à toute force au développement de la polysémie ? Les mots n’ont pas ne varietur un nombre d’acceptions déterminé. Ce n’est pas tant qu’ils changent de sens ; ils en acquièrent de nouveaux. C’est pourquoi les auteurs ont probablement tort de refuser qu’improbable puisse vouloir dire insolite ; de ne pas tolérer qu’on renseigne des formulaires aussi bien que des personnes ; que quelque part signifie d’une certaine façon ; qu’on parle d’un restaurant confidentiel ; qu’avatar soit, dans certains cas, synonyme de péripétie ; qu’un retour soit aussi une réponse, une réaction ; qu’évident soit devenu un concurrent de facile, et ultime de suprême ; qu’on dise que la météo (au lieu du temps) a été mauvaise la semaine dernière : par métonymie, cela peut très bien se justifier. Toutes ces acceptions nouvelles, l’usage, seul maître en la matière, les a consacrées – et le dictionnaire le suit.
Même chose pour le caractère transitif ou non des verbes. Les puristes voudraient qu’échanger ne puisse jamais être intransitif, mais l’usage les dément depuis un bon moment : Nous avons échangé tout l’été, nul besoin d’un complément d’objet. Inversement, les mêmes puristes souhaiteraient qu’exploser demeure intransitif, mais malheureusement pour eux il est désormais possible qu’un athlète explose un record. Peut-on se rappeler de quelque chose ? Si l’on s’arrête au sens du verbe rappeler, la préposition ne paraît pas à sa place. Mais l’usage a balayé cette considération ; les deux verbes pronominaux se rappeler et se souvenir étant synonymes, une construction unique s’est imposée : on se rappelle de quelque chose comme on se souvient de quelque chose. Le même type d’analogie syntaxique est né du rapprochement des emplois de pallier (à) et de remédier à. Quand l’oral exige des locuteurs un effort trop grand pour qu’une règle soit observée, c’est que cette règle a cédé à un usage contraire : l’oreille doit nous guider, et non l’application d’un savoir livresque. En matière de langue, il est erroné de prétendre qu’une faute sans cesse réitérée n’en demeure pas moins une faute. La summa divisio, pour revenir à elle, entre verbes transitifs et intransitifs doit donc être assouplie : « nous répugnons à murer les verbes dans deux catégories isolées4 ». En voici une autre illustration, soulignée par le linguiste Aurélien Sauvageot :
« On entend et on lit encore : au commencement de sa carrière, au début de sa carrière, et la synonymie des deux locutions est telle qu’on entend même employer désormais le verbe débuter comme équivalent de commencer : ‟Quand débutez-vous vos conférences ?” Cette innovation, qui provoque naturellement l’indignation des puristes, est la preuve que le sujet parlant ne fait plus de différence entre commencer et débuter parce qu’il n’en fait plus entre commencement et début5. »
Les puristes sont également hostiles à toute forme de conversion : pour eux, un mot appartient à une catégorie grammaticale déterminée et il ne doit pas en changer. Pourtant, ces déplacements sont incessants dans la langue : par exemple, un adjectif devient un nom ou un adverbe (le périphérique, il chante faux). On s’étonne donc du rejet par nos auteurs du mental comme nom (« cet emploi substantivé est fautif ») ou de celui de citoyen comme adjectif (un engagement citoyen) ; ou encore de leur refus que les participes passés vécu ou ressenti puissent être admis parmi les substantifs.
Logique de la langue et logique tout court
Y a-t-il une limite à partir de laquelle il est légitime de résister aux innovations langagières ? Si une telle limite existe, il semble qu’elle doive être de nature logique. Mais de quelle logique s’agit-il ? Deux logiques bien distinctes peuvent être ici mises en avant : une logique intrinsèque à la langue ; et une logique extrinsèque, la logique tout court. Prenons un exemple : est-il logique que le participe passé employé avec l’auxiliaire avoir s’accorde avec le complément d’objet direct lorsque celui-ci l’a précédé dans la phrase ? La décision que j’ai prise ne les a pas enchantés. Si l’on disait et que l’on écrivît : La décision que j’ai pris ne les a pas enchanté, on ne se ferait pas moins bien comprendre ; l’accord du participe passé, comme le notait en 1929 le linguiste suisse Henri Frei, « n’est nullement indispensable à l’intelligence de la phrase6 ». La règle en question, même si elle est bien établie aujourd’hui, n’a pas toujours été en vigueur ; elle a sa logique – et son charme – mais c’est une logique purement grammaticale.
D’autres règles sont dictées, non plus par la convention, mais par la raison elle-même. On aura beau faire et beau dire, il faudra attendre longtemps avant de pouvoir se déplacer en vélo. C’est un non-sens d’affirmer qu’on commémore un anniversaire (au lieu d’un événement). L’homme dont on envie les succès ne devrait jamais être remplacé par l’homme dont on envie ses succès – on rejoint ici la maladresse du pléonasme (C’est de lui dont je vous parle appartient à la même catégorie). Redoublements intempestifs, rentrer et rajouter ne devraient pas se substituer si souvent à entrer et ajouter. Si dire deux fois la même chose est maladroit (voire impropre), dire deux choses qui se contredisent est carrément fautif : choisir au hasard, par exemple, pose problème, ou encore s’avérer faux. Et puis il y a des distinctions auxquelles il serait dommage de renoncer. En voici un exemple intéressant (même s’il n’est pas très souvent appliqué) : Elle est la plus timide des filles de sa classe (on la compare à d’autres) ; C’est le jour de l’examen qu’elle a été le plus timide (on la compare à elle-même en d’autres circonstances).
Il me semble qu’il faut résister à certaines fautes logiques (sans oublier cependant qu’il y a dans le langage « quelque chose d’irréductible à la logique7 ») et tenir aux distinctions utiles. D’ailleurs, la langue fait souvent triompher la logique du sens sur celle de la grammaire. Si vos filles vous adressent une carte postale – ou un texto, c’est plus vraisemblable –, préférons qu’elles écrivent : On est bien arrivées plutôt que On est bien arrivé. Le rejet de cet indéfini impraticable s’opère pourtant au mépris des règles grammaticales les plus élémentaires. (Les puristes pourront faire remarquer que, dans ce cas, il vaut mieux employer le pronom personnel nous, mais c’est alors l’usage qui se trouve méprisé.)
Un cas intéressant est celui de la locution conjonctive après que. L’usage la fait suivre du subjonctif mais la grammaire exige l’indicatif, pour des raisons qui ne sont pas dépourvues de toute logique : l’indicatif est le mode de la réalisation, et puisque, par hypothèse, on mentionne une chose qui s’est effectivement produite… Après avant que, le subjonctif, mode de l’éventualité, s’impose au contraire. Mais le « malheur » est que ces deux locutions sont trop proches l’une de l’autre pour que l’usage accepte de les faire obéir à deux régimes distincts. Comme pour se rappeler (de), les efforts que demande l’emploi « correct » de la locution après que sont un peu trop grands pour qu’on tienne absolument à la faire suivre de l’indicatif. En pareil cas – où le respect de la règle relève de ce que les linguistes appellent l’hypercorrection – il vaut mieux céder, tolérer au moins que les autres se conforment à l’usage et en tout cas ne pas y voir de faute.
Il y a déjà plusieurs siècles qu’on admet l’accord dont la phrase suivante offre un exemple : Ce réalisateur est l’un de ceux qui a eu le plus de succès cette année. Cette tolérance peut sembler curieuse grammaticalement. Pour ce qui est du sens, c’est comme si, après avoir considéré un individu comme faisant partie d’un ensemble, on oubliait cet ensemble et qu’on ne retînt, dans sa singularité, que celui sur lequel on veut attirer l’attention. De même, ce n’est ni la grammaire ni la logique générale qui explique qu’on puisse écrire l’une comme l’autre de ces phrases sans commettre de faute : Les spectateurs ont laissé leur manteau au vestiaire ; Les spectateurs ont laissé leurs manteaux au vestiaire. Certes, il n’y a qu’un manteau par spectateur, mais, selon le regard qu’on porte sur la situation, la pluralité pourra être préférée à la première façon de voir les choses.
Les auteurs de ces volumes nous déconseillent d’employer promettre (au lieu d’assurer) pour quelque chose qui appartient au passé : Je vous promets que j’ai fait le nécessaire la semaine dernière. On pourrait leur opposer ce qu’en disait Henri Frei : « En réalité, promettre pour assurer est une figure, et rejeter une figure comme illogique, c’est rejeter toute figure, car toute figure est illogique par définition8. »
Registres
Reste la question des niveaux (ou registres) de langue : il n’est pas possible de voir des fautes là où l’usager recourt simplement à une langue orale plus qu’écrite, à un registre familier plutôt que soutenu. C’est d’abord oralement qu’une langue existe. Contrairement à ce qu’affirment nos auteurs, la voiture à Julie n’est pas une expression fautive, elle est seulement populaire. La locution prépositionnelle histoire de (histoire de voir ce que ça donnera) est parfaitement valable, et on ne voit pas pourquoi on ne pourrait pas dire, par exemple : c’est plié. À propos de la locution en mode, les auteurs critiquent un énoncé qui est non seulement correct mais savoureux : Il lui a répondu en mode « cause toujours ». Et lorsqu’ils recommandent de visiter un pays plutôt que de le faire (Nous avons fait la Grèce l’été dernier), ils semblent négliger que la connotation, si ce n’est la signification, n’est pas la même dans les deux cas. Il y a près de deux ans, une « primaire de la droite et du centre » avait opposé en finale deux candidats qui s’exprimaient différemment l’un de l’autre. Le premier pouvait dire : (Y) faut pas oublier ; le second (je ne sais pas si c’est l’une des raisons de sa défaite) parlait une langue qui n’est en usage nulle part : Il ne faut pas-z-oublier. Comme l’écrivent les auteurs d’un livre déjà ancien : « À la tradition normative est liée […] la confusion de la langue française avec la seule langue littéraire et écrite9 ».
Mais les décennies passent et les puristes demeurent, en dépit des linguistes qui ont su faire entendre un autre son de cloche. Voici comment l’auteur que j’ai déjà cité deux fois exposait sa démarche en 1929 :
« Adoptant l’état d’esprit de l’observateur qui se refuse à corriger ce qui est, je me suis penché sur la vie des signes avec le seul souci de l’objectivité, pour rechercher en quoi les fautes sont conditionnées par le fonctionnement du langage et comment elles le reflètent, car il est bien improbable, ami lecteur, que vous fassiez des fautes pour le simple plaisir d’être incorrect10. »
Henri Frei, pour qui les fautes servent dans de nombreux cas « à prévenir ou à réparer les déficits du langage correct », s’attachait dans ce livre à « déterminer les fonctions que ces fautes ont à satisfaire », fonctions qu’il déclinait en besoin d’assimilation, besoin de différenciation, besoin de brièveté, besoin d’invariabilité et besoin d’expressivité.
Trente ans plus tard, Pierre Guiraud concluait ainsi l’un de ses ouvrages :
« Si un jour on devait dire : des vitrails, vous disez, du bon tabac11, la cravate que j’ai mis ou même je sais pas, tous ces monstres qui violent une oreille façonnée par l’école et par la mode contribueraient à faire du français une langue plus simple, plus pure et plus universelle12. »
Mais le conservatisme est plus puissant en matière de langue que partout ailleurs. Événement comporte deux accents aigus et combatif ne prend qu’un t ; certains des locuteurs qui ont appris ces règles (ou ces exceptions) ne veulent pas (même après la réforme de 1990) qu’on y renonce. Plus une graphie est bizarre et plus elle leur est chère : ils ont le sentiment d’en garder jalousement le secret. Les auteurs des volumes que nous avons examinés ont parfois raison d’invoquer le « génie » – c’est-à-dire le caractère propre – de la langue française. Mais si – en rejetant systématiquement les emprunts, les acceptions et les constructions nouvelles, ainsi que les tours plus familiers – on y recourt sans discernement, on oublie que le génie d’une langue comprend aussi la façon dont elle évolue.
Notes
1 – Dire, ne pas dire. Du bon usage de la langue française, éd. Philippe Rey.
2 – « Néologisme » signifie mot nouveau mais aussi acception nouvelle.
3 – Albert Dauzat, Le génie de la langue française, Paris, Payot, 1943, p. 121.
4 – Ibid., p. 268.
5 – Aurélien Sauvageot, Portrait du vocabulaire français, Paris, Larousse, 1964, p. 78.
6 – Henri Frei, La grammaire des fautes, Presses universitaires de Rennes, 2011 [1929], p. 229.
7 – Benedetto Croce, « La philosophie du langage », in Essais d’esthétique, Paris, Gallimard, 1991, p. 234.
8 – Henri Frei, op. cit., p. 303.
9 – Émile Genouvrier et Jean Peytard, Linguistique et enseignement du français, Paris, Larousse, 1970, p. 85.
10 – Henri Frei, op. cit., p. 8.
11 – En prononçant le c.
12 – Pierre Guiraud, La syntaxe du français, Paris, Puf, coll. « Que sais-je ? », 1962, p. 126.
© Thierry Laisney, Mezetulle 2018.
Permettez, Cher Monsieur, quelques remarques.
Peut-être n’ai-je pas saisi à leur juste intention vos propos, mais je crois comprendre que selon vous, il faudrait une sorte de tolérance (bienveillance, tellement à la mode), et que l’usage l’emporte sur la règle ! au fond, n’est-ce pas ainsi que les choses ont toujours fonctionné… Il y a quand même une difficulté, saisissable dans l’illustration la plus discutable de votre propos. Si l’usage -qui passe pour une invitation à baisser la vigilance- prévaut pour finir par être la norme, il ne faut point s’étonner que le français soit de nos jours envahi sans la moindre raison valable par des termes anglais pour lesquels nous avons des (je tiens à ce pluriel), des équivalents, antérieurs souvent à l’incursion de ces mots ‘magiques’ ; je parle ici de nos conversations les plus courantes, des slogans publicitaires, des vitrines de nos rues, tous devenus ‘anglicisés’ ce dont, je peux vous l’affirmer, les anglophones sourient en nous plaignant. En quoi ‘flyer’ est-il acceptable, quand nous avons ‘prospectus’, ‘dépliant’, ‘imprimé’… au hasard. L’argument de l’efficacité n’a aucune pertinence. Je lui préfère celui de la précision : quand on dispose de plusieurs termes, on dispose des nuances qu’ils portent. Aussi, contrairement à tout ce qui se dit et se répand et se répète, les expressions pseudo anglaises, sans la moindre légitimité, en lieu et place des françaises disponibles, n’apportent rien, mais ôtent beaucoup. En quoi une ‘deadline’ l’emporte-t-elle sur une ‘date limite’ etc…. c’est à longueur de phrases, il n’y a plus de ‘soldes d’été’ mais des ‘summer sales’ … Mais je dois être une ‘puriste’, terme que vous répétez à l’envie… ce qui, pour moi, fait sens.
Et je ne parle même pas de l’usage -cette fois illégal- de l’anglais -majoritairement- dans certains espaces publics. On nous dit par exemple qu’on appâte le touriste s’il lit « Let’s Grau’ à l’entrée du Grau-du-Roi. Je ne dis pas que vous allez aussi loin ; justement, et paradoxalement, c’est un peu là que le bât blesse, car n’y allant pas, vous laissez le champ libre.
Je sais que mes propos ne plaisent pas, je sais que, dans le meilleur des cas, vous allez dire que je suis ‘dure’. J’ai l’habitude ; mais je m’aperçois, chaque jour, que lorsque je pointe cela, quand je montre l’inintérêt, parfois le ridicule, voire la saturation, je suis entendue. Et je vous parle là, désolée, j’insiste, du quotidien, des conversations ou situations les plus courantes. Je ne recours pas dans ce cas -ce dont je pourrais me prévaloir- à telle ou telle référence académique, ni même livre ou essai quelque soit sa pertinence intellectuelle, sa reconnaissance universitaire, c’est pourtant mon bocal. Et je vous assure que ‘ça marche’… pour le dire vite.. Un ‘best-of’ c’est ‘le meilleur de…’ si vous faites (?) un ‘burn-out’ vous êtes ‘cramé’, ou en dépression, ou saturé ou… et un ‘coach’ n’est-ce point un … entraineur, et un ‘listing’ une liste, une énumération, un ‘pitch’ un résumé etc…. il n’y a quand même pas offense à parler français. !Simplement, tout simplement. Sans être…. puriste! Il y a, contrairement à ce que vous dites, beaucoup à craindre de ces emprunts à l’anglais, qui sont tout sauf des emprunts, qui remplacent des termes existants, dont l’usage, qui vous semble un bon critère, va devenir la norme… Or, c’est exactement ce qu’il faut combattre -je revendique le mot- la banalisation. Tendez l’oreille partout, parcourez les rues commerçantes, arrêtez-vous devant les panneaux publicitaires…. Je serais puriste, si je me lamentais qu’on ne parlât point, ou plus, le français d’il y a seulement 50 ans. Il ne s’agit pas de cela ici (mais ailleurs, autrement, il y a bien des questions à poser).
J’ajoute qu’affirmer qu’il n’est plus en usage nulle part (?) de dire, dire, » il ne faut pas-z-oublier! » et bien si! et pas seulement des puristes, c’est encore l’usage. Et de dire ‘trois cents- z-euro’ (sans ‘s’ s’il vous plait, à l’écrit, là oui, comme je commence à m’agacer, je joue intentionnellement la puriste) et même ‘trois-z- euro’ tout court, comme on dit, n’est-ce pas,’ trois-z-ans’, et pas ‘troi-ans’….
Autre point que j’aurais aimé développer, mais trop long, et requérant un peu plus de ‘technique’ ; le français, dites-vous, est une langue orale, j’en conviens avec la question des liaisons -que vous semblez passer par pertes et profits- ce qui pourtant est -a minima- un bon indicateur pour le sens. Mais, justement, nous sommes bien en lien direct avec l’écrit, je dis l’écrit, qu’il n’est pas question de confondre avec la littérature… ce qui est toujours fait, permettant ainsi de fustiger les puristes.
Pas un mot de la défaillance de l’apprentissage du français et de ses règles, qui, bien que compliquées, ne le sont pas plus que certains apprentissages manuels, ou disciplinaires (mathématiques par ex) pour de jeunes enfants. Nous n’en serions pas à demander la tolérance (!) si l’ordinaire de l’usage était intériorisé, instinctif, habituel, choisissez. Il n’y aurait plus que des fautes d’étourderie, d’inattention que sais-je! rien qui ne me mît en peine.
Pour le dire autrement, quoique….
(il vaut mieux lire dans cet ordre)
http://pascalebussonmartello.over-blog.com/2018/07/le-grand-jeu-de-l-ete-n-3-changement-de-style.html
http://pascalebussonmartello.over-blog.com/2018/08/corrections-et-commentaires-du-jeu-n-3.htm
Chère Madame,
Merci pour vos remarques.
En écrivant cet article, où je ne pouvais pas tout aborder, je m’en suis surtout pris à une certaine tendance dont témoignent notamment beaucoup de livres ou de « guides » consacrés à la langue : on énumère des « fautes » sans s’interroger sur leur nature, sans se demander si, parfois, un usage contraire à ce qui a pu être prescrit pendant un temps ne les a pas transformées en règles.
D’autre part, j’avoue être gêné par un certain maniement académique de notre langue à l’oral. Mais on n’est pas obligé de partager ce qui est plus un sentiment qu’un argument. Et, bien sûr, je ne repousse pas toutes les liaisons !
Pour ce qui est des emprunts, j’ai peut-être tort mais je suis moins inquiet que vous. J’ai lu tout récemment ce propos de Cavanna dans son livre sur le français (Mignonne, allons voir si la rose…, Belfond, 1989, p. 117) : « j’estime la vitalité du français assez foisonnante pour absorber, enrober, en un mot pour franciser les intrus, leur coller un béret basque sur la tête, au bec un mégot de gitane et un accent à l’ail. L’invasion […] n’est le fait que de mots isolés, elle n’entraîne pas la grammaire, ni la syntaxe ». Et puis il y a une grande part de mode dans ce phénomène, et l’usage, là aussi, fait le tri : certains mots s’installent, d’autres ne font que passer.
Merci et bien amicalement,
Thierry Laisney
Cher Monsieur,
Je vous remercie d’avoir pris la peine et le temps de ces quelques lignes. Le principe et le format des commentaires ne permettent évidemment pas d’affiner ; mais au moins, ces nouvelles remarques :
J’ai bien compris votre démarche. Il n’empêche. Je serais presque tentée de dire que vous reprenez ce que vous fustigez, puisque, d’une ‘faute’ l’autre, vous dressez -vous aussi, si je puis me permettre- un tableau de ce qui pourrait à la rigueur (c’est la seule différence) se dire (écrire) ou ne pas se dire. Les raisons que vous avancez n’en sont pas, vous restez dans l’empirique, le descriptif, finalement l’usage. Mais ce n’est pas vraiment à quoi je voulais apporter quelque précision ;
« j’avoue être gêné par un certain maniement académique de notre langue à l’oral » Ciel ! dites-moi vite où vous vivez…. que j’aille goûter un peu, rien qu’un peu, ce ‘certain maniement…. à l’oral » . Je n’ose être désobligeante, mais écoutez-vous nos contemporains ? outre l’incapacité à dépasser les poncifs, au mot près, entendez-vous, les formulations non point ‘hors maniement académique’ on n’en est plus là, mais irrespectueuses de l’ordinaire. Et c’est là que vous me rétorquez : puriste, puriste….
Voyez-vous, je ne crois pas qu’il y ait quelle que grandeur ce soit à accepter sans cesse que le nombre et/ou la facilité l’emporte. Personne, même au XVIIème siècle ne parlait comme Vaugelas… dans la rue. Et, je ne demande pas cela. Mais que ce ne soit ni l’ignorance, ni surtout le mépris qui fasse la norme…
Et puis, mais peut-être que ceci explique cela, je n’ai pas votre optimiste. (Je m’en doutais, pensez-vous, illico, in petto….) ; la citation de Cavanna a presque 30 ans… et rien ne s’est passé ainsi. « Franciser les intrus, leur coller un béret basque… » il faut que nos cousins du Québec appelle « courriel » un « mail » pour que nous sachions que ce terme existe, mais sans l’employer…. L’invasion n’entraîne pas la grammaire, ni la syntaxe, dit-il aussi ; déjà, il y a un bel effort, « l’invasion »… mais, vous ne remarquez pas, vous ne mesurez pas, vous ne lisez pas ce qui se dit et s’écrit ? Heureux êtes-vous… en toute sincérité, vraiment. Il vous semble qu’en trente ans -je passe charitablement sur les clichés cavannesques du béret, de la gitane et de l’ail- en trente ans, la langue française a réussi -a-t-elle même tenté- à absorber, enrober ? Ecoutez-vous les actuelles et futures ‘forces vives de la nation’, leur vocabulaire, leur syntaxe?
Alors, oui, il y a deux positionnements. On peut estimer que c’est normal, ou du moins inévitable -une sorte de fatalisme- et se ranger à la raison du plus…. grand nombre ! l’usage l’emporte quoique fasse et dise l’usage, il suffira de classer les fautes en vénielles ou mortelles ( y en a-t-il ?), et réviser les classements. On peut penser aussi qu’affaiblir l’usage d’une langue -manquement au sens, à la construction, aux règles communes- et non, j’insiste, j’insiste, en avoir un usage ‘puriste’- mène, implicitement mais inévitablement, à l’affaiblissement d’une construction mentale, d’une ‘certaine idée’ de la finesse, de la distinction, je parle de la distinction sémantique, un usage du monde. Et tant pis pour la/ma grandiloquence. Qui tente de construire une réflexion, ne se laisse pas aller à ces faiblesses que vous considérez comme excusables ; ce lieu même (mezetulle) en est l’illustration parfaite. En considérant que la langue française puisse s’encanailler -non le mot est trop beau, et ne reflète pas ce que je veux dire, il est ‘parfaitement’ littéraire- ; je reprends, en considérant qu’il y a les puristes qui veulent l’épuration (merci l’étymologie) de la langue française, et …. les autres qui seraient là pour la dézinguer sans effets secondaires -une sorte quoi, de geste romantique? (alors que tout cela se fait, hélas, par ignorance), en opposant les uns et les autres par description manichéenne mais outrancière, vous participez à ce lynchage permanent et blessant dont les usagers… ab-usent, par mépris mais aussi par ‘la force des faibles’, l’expression, si l’on oublie d’où elle vient, peut paraître violente. Elle ne l’est pas, elle signifie juste que le plus grand nombre fait la masse qui fait le nombre… et n’a pas toujours raison….
Ne croyez pas, Cher Monsieur, que je vous en veuille à titre personnel. Vous avez compris que vos lignes touchent là quelque chose qui m’est intrinsèquement précieux. Puissiez-vous admettre seulement, que, si je pratique la langue française comme ‘puriste’ à l’écrit, ce dont je parle ici, et qui me blesse, concerne le quotidien, si tant est qu’il est fait de la lecture de la presse, de l’écoute de quelques stations de radio, et de l’oreille tendue et même offerte, à mes voisins, mes amis, mes copains, mes proches… La vraie vie quoi !
Je vous recommande, le mot est faible, la lecture de l’admirable livre d’Alain Borer (oui, le Borer spécialiste mondial de Rimbaud) : « De quel amour blessée » (Gallimard) . Que vous y trouviez un excès d’érudition, je m’y attends, encore qu’il vaille mieux pêcher par excès que par défaut, mais puissiez-vous sentir la lucidité de l’analyse et du diagnostic. Et qu’elle vaut mieux que le béret, la gitane et l’ail cavannesques….
Je vous prie de croire, en la sincérité de ma considération.
Bien amicalement à vous.
Les arguments de Thierry Laisney pourraient être utilisés sans difficulté pour défendre la réforme de l’orthographe. Il suffirait de changer dans son article l’adjectif « puriste » par « élitiste ». Il s’agit dans les deux cas de considérer l’usage de la langue comme un absolu puis de le relativiser : puisque l’usage de la langue prime et que tous les usages se valent, il n’y a donc pas de bon usage de la langue.
Il est de bon ton (progressiste) de nos jours de s’en prendre à l’Académie française, ignorant qu’elle-même évolue, accepte des mots et des tournures que jamais elle n’aurait validés cinquante ans plus tôt. Elle a un effet retardateur très sain en ce qu’elle ne subit pas, ainsi, la dictature des modes langagières et n’avalise que les évolutions destinées à durer : elle nous met en garde contre l’illusion de la modernité.
Les passionnants livres d’Alain Borer (De quel amour blessée, Gallimard, 2018) et de Jean-Michel Delacomptée (Notre langue française, Fayard, 2018) montrent avec brio que la langue française est avant tout une langue écrite à vocation esthétique, que l’écrit vérifie et corrige l’oral. Ainsi, « l’expression orale ne la précède pas mais la suit, la rejoignant par toutes les voies qu’empruntent les textes écrits » (Delacomptée, p. 61-62). Donner force au langage implique donc une forme de pureté (et non de purisme), d’exigence et de modestie dont le but est la clarté d’expression, la volonté d’écrire le mot juste afin d’avoir une pensée juste. L’histoire de cette langue est donc indissociable de la recherche d’intelligibilité : « nous n’avons pas une langue d’usage, mais une langue de loi, révélant et imposant un idéalisme abstrait » (Borer, p. 178) car elle « ne se satisfait pas de l’oralité, approximative et éphémère », « l’écart que l’écrit comble avec l’oral développ(ant ainsi) ce projet de précision constante » (id., p. 186 et 187).
Nous voyons pourquoi l’adoption forcée du lexique anglo-saxon techno-managérial n’est pas un développement de la polysémie, un enrichissement linguistique ou un échange culturel. Alain Borer explique (p. 297-298) que si tant de mots italiens ont enrichi la langue française au XVIe et au XVIIe siècles c’est précisément parce qu’ils ont été presque immédiatement francisés : voilà la véritable innovation. C’est exactement le contraire de ce que subit actuellement notre langue sous l’influence du globish.
Maîtriser une langue ne signifie pas ne commettre aucune faute, mais corriger ses fautes. Comment s’auto-rectifier, se perfectionner, quand on relativise les règles ? Comment ne pas aboutir à un appauvrissement du langage quand on abolit la possibilité de l’erreur, de la faute ? Enfin, pourquoi priver les futures générations, par exemple ceux dont le français n’est pas la langue maternelle, des joies de la belle langue écrite et parlée ? Le maîtrise d’une règle est en outre facteur de cohésion sociale dans le sens où elle favorise la compréhension réciproque alors que l’abolition ou l’assouplissement des règles de grammaire favorisent l’anomie sociale et politique : « Quand la grammaire se dégrade les mœurs aussi » (Octavio Paz).
Dernière remarque, ce n’est pas l’oreille qui a guidé la métamorphose radicale de la musique entre le XVIe et le XVIIe siècles en Italie (ce moment qu’on appelle le passage de la Renaissance au Baroque) où l’expression du discours musical finit par être gouvernée par la loi linguistique, mais la volonté d’imiter la structure linguistique de la poésie, c’est-à-dire d’une langue écrite que personne ne parle. Méfions-nous de nos oreilles !!!
Cher Monsieur,
Je n’ai jamais dit que je voulais abolir la possibilité de la faute. Je me suis seulement demandé si l’on ne gagnerait pas à ne plus considérer comme fautifs certains usages bien implantés, qui ont leur raison d’être et qui ne nuisent pas à la beauté de la langue. Il est toujours intéressant, quelque opinion qu’on s’en fasse par ailleurs, d’examiner le pourquoi des « fautes » les plus répandues. Contrairement à ce qu’a déclaré une personnalité éminente, expliquer ce n’est pas forcément excuser. Mais, en l’occurrence, c’est se donner la possibilité de distinguer entre ce qui est acceptable et ce qui l’est moins.
Justement ! qui « se donne » cette possibilité ? ou, à qui la donne-t-on? c’est une difficulté de votre billet, y compris ses prolongements dans les réponses que vous avez l’amabilité de nous faire (je dis nous, car je suis en accord total avec ce que dit Jorge Morales.).
Vous semblez admettre, et vous le redites, que l’usage, « certains usages bien implantés » suffisent pour critère. Si l’usage, l’habitude donc, et qui n’a point besoin d’être justifiée puisque c’est l’usage, peut (pourvu qu’on n’en soit pas encore à « doit », malheureusement je crains que si -tendez l’oreille pour l’oral et pour l’écrit passez devant les vitrines d’une rue commerçante, oui, je sais, je me répète), peut suffire, laissons faire ! qui fixera ce qui convient et ne convient pas? qui admet ce que l’usage accepte, ou rejette? un autre usage? C’est ainsi que l’on arrive, auprès de gens moins avisés, à supposer que les règles n’ont eu aucun rôle, et qu’elles ne doivent donc pas en avoir.
Les usages « bien implantés » dont, personnellement, je ne vois pas du tout la raison d’être, sont : un usage massif de globish en effet, une disparition totale de la concordance des temps et des modes, de l’orthographe, de la construction des phrases, un usage intensif des pléonasmes (se réunir ensemble, voir en visuel, prévoir l’avenir…) et un rétrécissement du vocabulaire (il n’y a plus que des odeurs, là où l’on pourrait quand même -et ce n’est pas préciosité dire parfum ou arôme-) ; usage intempestif de la préposition « sur » : on est sur un produit, on est sur Paris, sur un projet… Et je ne dis rien du sens fautif des mots : problématique pour problème ou difficulté, concept pour idée ou conception ou projet, ou ‘être choqué’ à tout bout de champ… etc…. l’abandon des liaisons les plus ordinaires etc, etc….C’est cela l’usage, on l’entend quotidiennement, et je peux vous dire qu’il nuit gravement à la beauté, la richesse et la précision de la langue française, trois termes qui ne la désignent pas accidentellement.
Quant à savoir la raison des fautes ou des erreurs, je n’ai pas trouvé que vous l’ayez donnée en estimant des degrés d’admissibilité, sans jamais (nous) dire pourquoi on en est arrivé là, sinon seulement par l’usage, ce qui n’est pas une cause mais une conséquence.
On pourrait même -je ne le ferai pas, n’étant en accord avec votre propos ni en général, ni en particulier- ne pourrait-on même suggérer que vous décidez un peu de ce que vous acceptez de l’usage, et ce que vous recalez? et si ce n’est vous, d’autres, moins bien placés le feront. Car l’usage n’est jamais qu’une version invisible et insidieuse de la loi du plus fort. Qui, comme vous savez a toujours raison… Aussi, dans l’instant, le plus grand nombre admettant que l’anglobal c’est bien, et même c’est mieux, et décidant de ce dont on peut se passer, le plus grand nombre nous tire vers le bas (n’y voyez aucun jugement moral, svp). C’est toujours ainsi que les choses se passent. Et ceux qui résistent à cette dégringolade sont caricaturés.
Vous avez mille fois raison: ne nous caricaturons pas les uns les autres!
MERCI!
Pardonnez-moi, dernière minute : je lis que la Wallonie veut imposer l’abolition de l’accord du participe quand il s’agit de l’auxiliaire avoir. On dirait et écrirait, dans ce cas, les crêpes que j’ai mangé, ce qui satisferait 1) à la facilité ; 2) à la logique, puisqu’on dit et écrit : j’ai mangé des crêpes !
Dans cette illustration ô combien édifiante du rôle du plus grand nombre qui va toujours dans le sens de la simplification (je passe charitablement sur le fait que la même Wallonie fait injonction à tous les francophones de suivre son exemple), on oublie juste que ce ‘e’ indique exactement de quoi l’on parle. Forcément, l’exemple est particulièrement mal choisi. Dira-t-on, et écrira-t-on -pour s’éviter d’avoir à apprendre aux enfants l’application d’un règle- l’amie que j’ai invité -et là, les féministes inclusivement ne se lèvent-elles pas d’un seul homme???- retour au masculin dominant ! ou, mieux, Camille que j’ai invité -c’est qui Camille??? damoiselle ou damoiseau?
Plus de distinction donc entre l’amie et l’ami, nous l’avons, indifféremment mis (!) au régime sans ‘e’.