La question clé de la philosophie politique. Légitimité et autorité

Sur le livre de Charles Larmore « What Is Political Philosophy ? »

Il ne se passe peut-être pas un seul jour sans que soit évoquée dans les médias l’affirmation de Max Weber selon laquelle l’État détient le « monopole de la violence physique légitime ». Il semble qu’on tienne cette « définition » pour acquise alors que toute la question est de savoir ce qui rend légitime cette violence ou, au moins, le caractère contraignant des règles édictées par l’État. C’est à cette question que cherche à répondre, dans son dernier livre, What Is Political Philosophy ?1, le philosophe américain Charles Larmore.

Deux conceptions de la philosophie politique

Selon une conception dominante, à laquelle Charles Larmore ne souscrit pas, la philosophie politique serait une branche de la philosophie morale, elle serait de la philosophie morale appliquée. Il est vrai que ces disciplines se demandent l’une et l’autre comment nous devrions vivre ensemble. Mais, pour l’auteur, le rapprochement s’arrête là. La philosophie politique est une discipline autonome, avec des problèmes – conflit, désaccord, pouvoir, autorité – qui lui sont propres : « Les questions politiques, par opposition aux questions morales, sont des questions qui concernent le pouvoir et son exercice légitime. »

La vision que rejette Larmore se préoccupe surtout de la justice sociale comme idéal moral, conçu indépendamment des réalités pratiques. Elle s’intéresse aux objectifs de la vie politique plus qu’à sa nature. Pour John Rawls, par exemple, auteur très influent de la Théorie de la justice, la justice est « la première vertu des institutions sociales, comme la vérité l’est des systèmes de pensée ». Selon Larmore, la justice, comme la vérité, est certes la vertu suprême, mais ce n’est pas la première vertu. Il critique également le philosophe canadien G. A. Cohen (1941-2009) pour qui la justice sociale ne dépend d’aucune caractéristique de la condition humaine : « la justice transcende les faits du monde ». Pour Larmore, au contraire, les principes, comme nos raisons, sont toujours fondés ultimement sur des faits ; c’est en nous confrontant au problème de savoir comment les gens doivent vivre ensemble que nous entrons sur le terrain de la philosophie politique.

Ces deux conceptions s’opposent, écrit Larmore, comme Aristote, d’un côté, s’oppose à Hobbes et à Weber, de l’autre – on aurait pu penser aussi, mais ces auteurs sont absents du livre, à opposer, par exemple, Thomas More à Machiavel. Pour Aristote, ce n’est qu’en société que nous pouvons parvenir à une existence heureuse (eudaimonia) alors que Weber n’envisage la politique que sous l’angle des moyens. Quant à Hobbes, il souligne qu’il y a autant de conceptions de la vertu qu’il y a d’hommes ; en conséquence, seule la loi peut fournir un « critère commun » (communis mensura) pour vivre ensemble.

La permanence du conflit

Tout le problème de la philosophie politique vient en effet des désaccords qui peuvent se manifester entre les membres d’une société : « La philosophie politique devrait s’appuyer sur le fait que le conflit est une caractéristique profonde et omniprésente de la vie sociale. » Et ce qui interdit à la philosophie politique de constituer une subdivision de la philosophie morale, c’est le fait que certains de ces conflits sont relatifs aux éléments de la moralité elle-même : la solution ne peut pas résider dans le problème ! En particulier, la justice est un sujet controversé. Quelle doit être la base de la répartition des ressources matérielles : le mérite individuel, le bien commun, l’égale dignité des citoyens ? Ce qu’a montré l’époque moderne, d’après Charles Larmore, c’est que la raison ne conduit pas à l’unanimité. Si deux personnes se disputent sur ce qu’est la vie bonne, cela ne veut pas dire que l’une d’elles est dans l’ignorance ou dans l’erreur. Le « désaccord raisonnable » (reasonable disagreement) est le produit de raisonnements libres et consciencieux qui n’ont pas abouti à la même conclusion parce qu’ils sont légitimement partis de prémisses différentes.

Autre exemple de désaccord : on s’oppose aujourd’hui, dans les démocraties occidentales, sur ce que peut être l’identité d’une nation, sur la question de savoir s’il faut se protéger des influences étrangères, etc. Selon Larmore, ce n’est pas en recourant à des vérités morales supposées que ces conflits pourront être tranchés. La question à laquelle il faut répondre, la question clé de la philosophie politique, est la suivante : « Étant donné le désaccord qui existe sur la réponse moralement appropriée à donner à un problème social exigeant une solution d’autorité, c’est-à-dire une solution qui recevra une large acceptation, à quelles conditions des règles exécutoires destinées à prendre en charge le problème peuvent-elles être légitimement imposées aux membres d’une société ? »

Qu’est-ce que la légitimité ?

Pour étudier la question de la légitimité, Charles Larmore s’appuie sur les analyses de Bernard Williams qui, comme lui, optait pour le « réalisme » contre le « moralisme » en matière politique. Selon Williams (approuvé par Larmore), la conception réaliste identifie « la première des questions politiques en termes hobbesiens comme étant l’établissement de l’ordre, de la protection, de la sécurité, de la confiance et des conditions de la coopération ». Larmore énonce ce qu’il considère être les trois composantes de la légitimité : le droit de l’État d’exercer un pouvoir coercitif ; les domaines de la vie sociale où ce pouvoir peut s’exercer ; les personnes sur lesquelles s’étend sa juridiction.

Il importe, selon lui, de distinguer les concepts de légitimité et d’autorité. L’autorité est une condition nécessaire mais non suffisante de la légitimité. Consistant en une simple perception de la légitimité, l’autorité se distingue de celle-ci comme le fait s’oppose au droit. La confusion entre les deux concepts a pu naître de l’adoption par certains auteurs d’une conception subjective de la légitimité.

Pour asseoir son pouvoir, l’État doit développer un récit le légitimant (legitimation story). En effet, souligne Charles Larmore, ce que pensent les gens à propos de la légitimité de leur État est très largement le produit des efforts de l’État lui-même pour la leur faire admettre. Suivant les régimes, il pourra s’agir d’une fondation mythique, de l’idée qu’un monarque représente Dieu sur terre, du consentement de tous les citoyens aux institutions de leur pays, du charisme d’un leader, etc. (et les citoyens peuvent faire reposer la légitimité de l’État sur d’autres raisons que celles qui leur sont « proposées » : sur l’idée, par exemple, du moindre des maux possibles). Dans le pire des cas – celui où l’État organise lui-même un conflit au sein de sa population –, de la folie d’un régime se présentant comme seul capable de protéger ses « sujets » contre une minorité prétendument menaçante.

Bernard Williams attache une grande importance à ce qu’il appelle une « exigence fondamentale de légitimation » (basic legitimation demand), qu’on peut décliner en trois versions différentes : que l’État fournisse une justification de son pouvoir ; que cette justification soit acceptée par la population (ce qui confère l’autorité) ; que la justification soit réelle et pas seulement perçue (ce qui assure à l’État sa légitimité). Selon Williams, l’État ne doit adresser sa justification qu’à ceux dont il recherche l’allégeance. De certains membres de la communauté (les résidents étrangers, par exemple), l’État entend obtenir la soumission, non l’approbation. Il n’est pas nécessaire, d’autre part, que chacun des citoyens reconnaisse la légitimité de l’État : pour Williams, une partie substantielle de la population suffit. Selon Larmore, l’assentiment de tous, visé par Rousseau, est impossible. Le problème, remarque-t-il, est que cette « partie substantielle » de la population confère l’autorité, pas la légitimité. Larmore émet l’hypothèse que la conception défendue par ailleurs par Williams selon laquelle les seules raisons que peut avoir une personne sont des raisons « internes » aurait pu le mener à ignorer cette distinction entre autorité et légitimité.

La question du consentement (Larmore cite le « plébiscite de tous les jours » dont parle Renan dans « Qu’est-ce qu’une nation ? ») n’est d’ailleurs pas très claire. Beaucoup des membres de la communauté n’ont jamais donné un consentement exprès. Quant à l’idée d’un consentement hypothétique, elle ne nous mène pas très loin selon l’auteur. On invoque le territoire, mais les frontières changent et sont souvent le résultat de la conquête ; le fair play et la gratitude des citoyens ne sont pas des critères tellement plus convaincants. Mais il ne faudrait pas déduire de ce qu’aucun État n’a jamais été pleinement légitime qu’aucun ne l’a jamais été le moins du monde ! « Que la légitimité soit une question de degré est une vérité très importante, quoique négligée. »

Larmore adhère à la thèse de Williams selon laquelle la légitimité est une catégorie essentiellement historique. La nature de la légitimité dépend de la situation historique considérée, ses critères changent avec le temps. L’auteur prend l’exemple de l’esclavage dans l’Antiquité, qui était considéré comme une nécessité économique ; il serait insensé de tenir pour illégitimes les régimes qui y recoururent alors.

Un réalisme corrigé

En revanche, Larmore rejette une autre thèse de Williams, celle en vertu de laquelle il n’y aurait pas de moralité antérieure à la politique. Certes, on a vu que l’auteur prenait parti pour Hobbes contre Aristote : selon lui, le premier « rend compte de manière beaucoup plus éclairante de la nature de la société politique, pas seulement à l’époque moderne mais tout au long de l’histoire humaine ». Mais, entre réalisme et moralisme, Larmore opte pour une voie médiane : tout en se distinguant de la philosophie morale, la philosophie politique doit « s’ancrer dans des principes de nature morale gouvernant l’usage légitime de la contrainte ». Ces principes ne relèvent pas de la justice entendue comme un idéal moral mais de la justice entendue politiquement. En particulier, la légitimité ne peut pas être comprise en des termes purement procéduraux (tel serait le cas d’un État qui se contenterait d’exercer son pouvoir en conformité avec la loi).

L’auteur se réclame du libéralisme politique, un courant – qu’il pense d’ailleurs très menacé aujourd’hui par le capitalisme globalisé – dont le concept de légitimité est selon lui le caractère distinctif. Du point de vue libéral, le but d’un gouvernement n’est pas de défendre telle ou telle vision de la vie bonne, mais d’établir des règles et des institutions justes qui permettront aux citoyens de poursuivre leurs fins diverses. Il faut donc séparer rigoureusement les droits des opinions. Larmore cite Benjamin Constant : « Que [l’autorité] se borne à être juste ; nous nous chargerons d’être heureux ». Le « désaccord raisonnable » que nous avons évoqué tient une grande place dans cette philosophie. Quand nous commençons à réfléchir, remarque Larmore, sur des notions aussi « consensuelles » apparemment que la liberté ou la justice, nous nous rendons compte assez vite de nos différends (y compris avec nous-même). « Raisonnable » signifie ici justifié, c’est une notion – une vertu – essentiellement épistémique.

La fondation morale recherchée pour la légitimité réside, selon Charles Larmore, dans une certaine idée du respect pour les personnes. Contrairement aux règles morales ou à une simple pression sociale, les règles politiques sont contraignantes, elles s’accompagnent de l’usage ou de la menace de la force, elles ne laissent aucun choix aux citoyens2. C’est pourquoi la question fondamentale pour les libéraux est celle de savoir à quelles conditions le recours à la coercition est justifié. La notion de personne fonde l’idée libérale de la légitimité politique. Il s’agit de traiter les gens, dans leur qualité d’êtres rationnels et réflexifs, comme des fins et non comme des moyens. Pour cela, affirme Larmore, les principes politiques – au moins les plus fondamentaux – doivent pouvoir être justifiés auprès des personnes à partir de la perspective propre de celles-ci. Si l’on agit différemment, on traite les gens sur un mode instrumental. Cette idée de respect des personnes n’a pas, selon Larmore, à être fondée elle-même sur une valeur supérieure. « À un certain point, la justification parvient à un terme, et nous devons reconnaître que certains principes parlent ultimement pour eux-mêmes. » L’idée de respect a donc un rôle « fondationnel »3.

Charles Larmore formule de la façon suivante la conception de la légitimité qu’il a finalement dégagée et qu’il associe au libéralisme politique :

Les principes fondamentaux de la société politique, étant coercitifs par nature, doivent être tels que tous ceux qui y sont sujets puissent, à partir de leur perspective, voir la raison (pas nécessairement la même raison) d’y adhérer sur l’hypothèse – éventuellement inopérante pour certains – que ces principes sont conformes à l’idée de respect pour les personnes et donc à la soumission de l’association politique à des principes qui puissent recueillir l’accord raisonnable des citoyens.

Mentionnant d’ailleurs un peu plus loin la théorie de Carl Schmitt de l’ami et de l’ennemi, Charles Larmore précise ainsi (« éventuellement inopérante… ») que le principe qu’il a défini pourra être rejeté par certains membres de la communauté, ceux, par exemple, pour qui la conformité à la volonté de Dieu a priorité sur le respect dû à la raison humaine. C’est inévitable : il n’existe pas de société politique qui n’exclue d’une manière ou d’une autre. Le tout, écrit Larmore, est de pratiquer la « bonne » sorte d’exclusion.

[Note de la rédaction] Je me permets d’attirer l’attention des lecteurs sur la discussion très nourrie et de grande qualité dans les commentaires sous l’article.

Notes

1Charles Larmore, What Is Political Philosophy?, Princeton University Press, 2020.

2 – Charles Larmore n’envisage pas le cas d’une loi qui n’aurait pas de caractère contraignant (qu’on pense, par exemple, à la loi française sur le « mariage pour tous », qui crée des droits et n’en détruit pas, qui n’impose rien à personne) ; une telle loi échapperait logiquement, aux yeux des libéraux, à l’exigence de justification frappant les lois coercitives.

3 – Ce point m’a fait penser à l’obligation inconditionnée envers tout être humain dont parle Simone Weil dans L’Enracinement.

49 thoughts on “La question clé de la philosophie politique. Légitimité et autorité

  1. Incognitototo

    Bonjour,

    Merci, c’est très intéressant… et très américain. Il serait un peu long de développer pourquoi je dis cela, mais il me semble que nous sommes aux antipodes de ce que notre devise constitutionnelle française nous permet de justifier (notamment à propos des privations de libertés ou de la légitimité), sans avoir besoin de faire appel à la morale, aux croyances, aux compromis, au respect, et cetera…

    Montesquieu, Rousseau, Condorcet, Desmoulins, Robespierre, Jaurès … et même Hugo pourraient répondre aux questions que se pose Charles Larmore et je suis étonné qu’il ne les convoque pas.

    Bien cordialement.

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  2. Braize

    Bonjour
    Merci pour cette fiche de lecture très intéressante.
    Mais ne manque-t-il pas chez l’auteur ainsi commenté une dimension essentielle ? Je pense que oui à la lecture de la présentation qui en est faite.
    En effet, en régime démocratique, la violence légitime n’est pas exercée par l’Etat dans une sorte d’ « in abstracto » politique qui se cherche… et encore moins pour le plaisir.
    Elle est toute entière finalisée sur l’objectif de faire assurer le respect de la règle de droit dont s’est dotée démocratiquement la collectivité (nationale, voire supranationale) considérée.
    C’est en effet parce que le droit se distingue de la morale par la sanction de son non respect que la violence doit nécessairement pouvoir l’accompagner (pour faire assurer précisément son respect) et que cette dernière est, de ce fait (et je dirai de ce seul fait qui est suffisant), légitime.
    Est-il utile ce chercher ailleurs la justification de cette violence possible et sa légitimité ?

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    1. BRAIZE

      Je me complète sur deux points :

      1° En effet très américain comme dit excellemment Incognito mais il aurait pu élargir à tout le monde anglo-saxon sans risquer le hors sujet.

      Mon commentaire répond au sien même si je ne l’avais pas vu.
      Au delà de la glose anglo-saxonne sur la violence légitime ainsi que des propos philosophiques des auteurs auxquels Incognitoto nous renvoie à juste titre, j’y ajoute pour ma part, s’agissant de la violence ou contrainte légitime exercée par l’Etat, le renvoi aux penseurs du droit puisque c’est bien de cela dont il s’agit (de la légitimité de l’Etat à faire respecter la règle de droit par la contrainte et la violence au besoin). Cela me paraît plus prudent pour ne pas risquer de sombrer avec Charles Larmore bien loin de nos bases.

      2° Au delà de la légitimité (naturelle) de l’Etat à faire respecter, au besoin par la violence, la règle de droit, la société politique est elle (tout aussi naturellement) légitime à accoucher de cette règle qui s’impose à tous et qui tient sa légitimité du seul fait qu’elle est l’expression, en régime démocratique, de la volonté générale exprimée par décision majoritaire de nos représentants ou du peuple s’exprimant par référendum.

      Voilà ce que sont plutôt nos bases pour ne pas trop s’égarer, enfin me semble-t-il.

      Bien cordialement

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      1. Incognitototo

        Bonjour,

        Moi aussi, je découvre votre commentaire et, comme d’habitude, nous sommes sur la même longueur d’onde.

        Cette philosophie politique anglo-saxonne, issue de leurs penseurs libéraux, a constamment besoin de se poser la question du bien et du mal (ce qui n’est pas étonnant, car très issue de la morale chrétienne), dans une espèce de cafouillis idéologique où la hiérarchie des valeurs est en conséquence constamment à géométrie variable.

        Tandis que nous, nous avons résolu ce problème en prenant pour devise : « Liberté, égalité, fraternité ». Ces trois termes sont contradictoires, antagonistes, antinomiques, et pourtant ils créent une dynamique essentielle (et toujours en tension) pour nous indiquer la voie à suivre. La clairvoyance de ceux (Desmoulins, Robespierre puis d’autres) qui l’ont conçu est vraiment remarquable,

        Prenons un exemple simple et d’actualité : l’obligation du port du masque dans les lieux clos. Comme d’habitude, une frange (majoritaire ?) de la population y voit une restriction des libertés et même parfois une dictature. Cependant, la « liberté » de ces « rebelles » s’arrête là, où elle empiète sur la mienne qui consiste à ne pas vouloir mourir parce que des irresponsables inconscients se croient plus fort que tout. Ou autrement dit, qu’ils mettent en danger leur vie, c’est déjà grave, mais qu’ils mettent aussi les autres en danger, ça, c’est totalement criminel et condamnable.
        C’est la « fraternité » qui justifie cette privation de liberté, et pour la respecter il faut se soumettre à quelques contraintes.
        Cerise sur le gâteau qui rend supportable cette contrainte, « l’égalité » est là pour nous rappeler que la loi n’est pas arbitraire et qu’elle s’applique pour tous de la même façon. Cela fait sens : la loi que nous respectons, tous la supportent également et cela rend (en principe) la contrainte imposée plus intégrable ; et on peut même, si on ne perd pas de vue les objectifs de la loi, ressentir un certain plaisir à obéir pour le bien d’autrui et le sien.

        Aucune morale là-dedans, aucun compromis, aucune question en termes de hiérarchie des valeurs ne vient troubler le raisonnement, à part celle de la préservation de la vie qui est placée, pour ce contexte, au-dessus de tout.

        Il me semble bien voir comment Charles Larmore essayerait de résoudre ce simple problème. Il ferait appel à une notion morale de respect du bien (celle de préserver la vie dans ce cas), puis se retrouverait dans une contradiction parce qu’elle s’opposerait à la liberté de chacun de faire ce qu’il veut de sa vie ; et dans la hiérarchie des valeurs anglo-saxonnes, la liberté étant plus importante que tout, il chercherait donc un compromis. Finalement après n’avoir rien fait, il prendrait comme décision de « conseiller » le port du masque. C’est exactement le processus que les USA ont suivi, parce que leur conception de la « liberté » n’est pas du tout la même que la nôtre : elle n’inclut pas de limites, telles qu’elles sont définies par notre constitution à l’article IV de notre Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

        Finalement, j’aurais fini par dire pourquoi je pense que cette philosophie politique est très américaine… 🙂

        Bien cordialement.

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  3. CHAMPSEIX

    Très et donc trop rapidement, je saisis ici l’occasion de faire part de mon étonnement déjà très ancien devant la célèbre expression de Max Weber de « violence légitime ». Outre qu’elle pourrait être considérée comme contradictoire (en quoi la violence pourrait-elle être légitime et la légitimité violente ?), j’ai du mal à saisir son lien avec les institutions politiques de quelque manière qu’on les considère, qu’elles aient un fondement ou, plus simplement (uniquement ?), des corrélations morales. Ne sont-elles pas, en effet, ce qui fait tout de même obstacle, y compris par la force, à des relations qui ne seraient que de violence ? Hobbes et bien d’autres n’insistent-ils pas sur l’idée fondamentale suivante : l’ordre civil est ce qui empêche, surmonte et permet finalement de dépasser la toujours possible guerre de tous contre tous ? N’est-ce pas ce qui, entre autres, fait sa légitimité ? Max Weber ne confond-il pas la notion de violence avec celles de force ou de contrainte ? Une contre-épreuve pourrait être envisagée : lorsque les forces de l’ordre, ici ou là, font preuve de violence, elles deviennent contestables, moralement et, plus directement, légalement. Ses composantes sortent, alors, de leur fonction avec parfois, il est vrai, et reconnaissons-le, l’aval, si ce n’est plus, de leurs supérieurs. Il me semble que la seule objection que l’on pourrait me faire consisterait à estimer que le pouvoir politique demeure lui-même violent, qu’il ne peut pas en rester à la simple contrainte. Cette objection me paraîtrait, toutefois, dure à tenir car elle reviendrait à estimer que les hommes sont incapables d’un minimum de raison dans leurs relations. Si, objectivement du moins, l’ordre civil permet quelque chose comme des relations civilisées, c’est-à-dire plutôt rationnelles et donc proprement humaines, on voit mal comment il pourrait être considéré à la base comme la source d’une violence fût-elle qualifiée de légitime. N’est-il pas, d’abord et au contraire, un élément de paix ?

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  4. Catherine Kintzler

    Je proposerais volontiers à la méditation de Charles Larmore le texte de Condorcet que j’ai copié à la fin de ce commentaire.
    Il se trouve que la philosophie politique classique a posé une grande partie des questions qui intéressent Larmore, et en des termes assez voisins – en tout cas en des termes qui distinguent nettement le domaine juridique et le domaine moral. Il semble que, comme l’ont noté plusieurs commentateurs ci-dessus, Larmore, soit ne connaît pas ces références classiques, soit les écarte délibérément.
    Les déclarants de 1789 se sont posé la question de la légitimité notamment sous la forme de la pertinence et du champ d’application de la loi : sur quoi est-il nécessaire de faire des lois (et comment ?), sur quoi serait-il illégitime d’en faire ? Le texte de la Déclaration de 1789 énonce ce que la loi a le droit de faire, ce qu’elle a le devoir de faire et surtout ce qu’elle n’a pas le droit de faire. Comme on le verra dans le texte ci-dessous, le problème de la légitimité appelle, pour Condorcet, une réponse argumentée (et même probante) et il ne lui serait pas venu à l’idée de parler d’un « récit » ou d’une « legitimation story ».. ! Il me semble assez proche des critères de Williams pour satisfaire l’exigence fondamentale de légitimation, surtout en ce sens que, aux yeux de Condorcet, il ne suffit pas qu’un pouvoir politique émane du peuple pour satisfaire la demande de légitimation : il faut encore que ce pouvoir soit en mesure de prouver la légitimité des règles qu’il prétend imposer., c’est-à-dire d’établir rationnellement qu’elles relèvent d’une forme de nécessité pour l’organisation d’une cité (elle-même susceptible du critère de nécessité).

    « La loi ne peut avoir pour objet que de régler la manière dont les citoyens d’un état doivent agir, dans les occasions où la raison exige qu’ils se conduisent, non d’après leur opinion et leur volonté, mais d’après une règle commune.
    Dans toute autre circonstance, le vœu même unanime de tous les citoyens, un seul excepté, ne peut imposer à celui qui n’y a point adhéré une obligation légitime d’agir contre ce qu’il croit raisonnable et utile.
    Ainsi, lorsque je soumets ma volonté à une loi que je n’approuve pas, je n’agis point véritablement contre ma raison, mais je lui obéis ; parce qu’elle me dit que dans cette action, ce n’est pas ma raison particulière qui doit me guider, mais une règle commune à tous, et à laquelle tous doivent être soumis. Ainsi, la loi n’exige réellement aucun sacrifice de la raison ou de la liberté de ceux mêmes qui ne l’approuvent pas. Elle ne devient une atteinte à la liberté, que lorsqu’elle s’étend au-delà des objets qui, par leur nature, doivent être assujettis à une règle générale…
    Il y a deux parties bien distinctes dans toute législation : décider quels sont les objets sur lesquels on peut légitimement faire des lois ; décider quelles doivent être ces lois.
    Si tous les hommes ne s’accordaient pas sur ce que doit être l’objet des lois, si cette détermination n’était pas susceptible d’être établie sur des principes vraiment démontrés, il deviendrait alors raisonnable et juste de décider cette question à la pluralité. Mais il en résulterait dans l’ordre de la société quelque chose d’arbitraire, et une institution qui ne serait juste que parce qu’elle serait nécessaire.
    Si, au contraire, comme je le crois, la détermination de ce qui doit être l’objet des lois est susceptible de preuves rigoureuses, dès lors il ne reste plus rien d’arbitraire dans l’ordre des sociétés. …
    Une loi est donc proprement une déclaration que (relativement à telles actions qui doivent être soumises à une règle commune) l’assemblée générale des citoyens, ou tel corps chargé par eux d’exercer cette fonction en leur nom, a décidé à la pluralité, regardée comme suffisante, que la raison exigeait que cette règle fût telle.
    Ainsi, la proposition : telle chose doit être réglée par une loi ; et la proposition : telle loi sur cette chose est conforme à la raison et au droit, peuvent être regardées comme deux propositions qui peuvent être vraies ou fausses ; et l’intérêt général est de faire en sorte qu’il soit très probable qu’elles seront presque toujours vraies. »
    Extrait de Condorcet, Lettres d’un Bourgeois de New Haven à un citoyen de Virginie sur l’inutilité de partager le pouvoir législatif entre plusieurs corps (1789 Lettre I)

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    1. Incognitototo

      Limpide ce texte de Condorcet, où tous les mots sont importants, comme d’habitude… je me sens tellement bien avec sa « logique mathématique » que c’est à chaque fois une belle découverte ou redécouverte. Il y a juste un point qui m’interroge de quelle « raison » parle-t-il quand il fait appel à elle pour légitimité la loi ? Cela suppose qu’il y aurait une « raison » également partagée par tous, et là, j’ai des doutes…

      Ce qui devient de plus en plus clair, c’est que les Anglo-saxons appliquent des valeurs morales (érigées en principe) en les hiérarchisant (en se perdant, en conséquence, dans leurs contradictions) ; tandis que nous, nous appliquons des principes de droit (qui comportent chacun leur propre limite) en les combinant de façon presque mathématique pour appliquer des règles.

      Ils disent ce qui est bien ou mal selon une hiérarchie des valeurs morales (mais la morale n’est pas la loi). Nous, nous disons juste ce qui est interdit selon la combinaison de nos principes de droit (sans jugement moral) pour établir des règles communes.

      C’est vraiment énorme comme différence, car au final, à mon sens, c’est bien nous qui sommes les plus libres. C’est ainsi quand, sans perdre les objectifs de notre devise, on peut se reposer sur la loi pour faire tout ce qui n’est pas interdit, au lieu de supporter sans cesse un moralisme culpabilisateur à géométrie variable.

      Je comprends mieux d’ailleurs à la suite de toutes ces réflexions d’où proviennent nos nombreuses différences procédurales et de droit.

      Charles Larmore a probablement eu une « absence » quand il a voulu traiter son sujet en ignorant les penseurs des lumières et sans faire de droit comparé.

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      1. Alain CHAMPSEIX

        Bien que la question s’adresse particulièrement à Catherine Kintzler, on pourrait aussi dire qu’elle concerne tout un chacun. Décidément, cette discussion se présente vraiment comme en étant une. Lorsque vous invoquez une « logique mathématique » chez Condorcet, il me semble que vous donnez les éléments de la réponse. Il n’y a qu’une logique parce qu’il n’y a qu’une raison. « Logique » provient d’ailleurs du grec « logos » que l’on peut traduire, entre autres, par « raison ». Pourquoi n’y a-t-il qu’une raison ? Non parce qu’elle est toujours considérée par tous – loin s’en faut – mais parce qu’il est dans sa nature d’être universelle. Sans cela, il ne serait même pas possible de discuter lors même qu’il s’agit de s’entendre pour reconnaître que l’on ne parvient pas à s’entendre. En matière de droit et de politique (en sciences, c’est nettement moins évident), je pense que vous n’avez pas tort de soutenir que la raison, notamment à l’occasion de la Révolution, a plus été employée en France qu’ailleurs mais il ne s’ensuit pas que la raison soit française. Ce qui est précisément marquant avec 1789 et les années qui ont suivi, c’est que notre pays a su dépasser son point de vue purement particulier. Il a été l’auteur de la « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen » et non de la « Déclaration des droits des Français ». Les autres nations – même anglo-saxones ! – peuvent donc s’y référer sans pour autant devenir françaises.

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        1. Incognitototo

          Merci pour vos explications qui appellent d’autres questions…

          Pour un familier des inéquations, des simplex, de l’analyse booléenne, de la théorie des ensembles… ou de l’analyse systémique, ce que vous apportez comme définition est parfaitement logique. Une proposition est vraie et/ou fausse (la physique quantique rajouterait aussi : indéterminée), il y a donc bien une seule raison et un ou plusieurs résultats incontestables en fonction des paramètres.

          C’était d’ailleurs un des domaines d’étude de Condorcet qui a produit « l’arithmétique politique », qui a apporté de nombreuses réponses, dont malheureusement nous ne nous sommes pas assez inspirés notamment pour notre système de légitimation démocratique. Je pense d’ailleurs que s’il avait connu les théories mathématiques qui ont été créées après sa mort, le monde politique et le droit auraient bénéficié de ses lumières, et que certaines « errances » et irrationalités ne se poseraient plus depuis longtemps.

          Cependant, on sait bien que la raison et la logique sont insuffisantes pour faire face aux « opinions et volontés » ; et personnellement, je rajouterais aussi : aux croyances.

          Condorcet constate alors : « … il deviendrait alors raisonnable et juste de décider cette question à la pluralité. »
          Il le déplore parce qu’il est sûr : « … je le crois, la détermination de ce qui doit être l’objet des lois est susceptible de preuves rigoureuses, dès lors il ne reste plus rien d’arbitraire dans l’ordre des sociétés… »

          Malheureusement, il me laisse sur ma faim parce qu’il ne dit pas comment concrètement on peut se baser sur la « raison » pour déterminer le droit et la loi. Et cela donne nos combats politiques français sans fin, où la rhétorique prend le pas sur la raison.

          Les cultures scandinaves n’ont pas du tout la même façon que nous de faire de la politique. Il y a un large consensus parmi la population et les politiques sur les objectifs sociétaux à atteindre (les mêmes que les nôtres). Leurs seules « disputes » politiques consistent à discuter des moyens pour les atteindre. Ça fait une énorme différence en termes de rationalité, parce que le résultat d’une politique, c’est analysable et quantifiable, donc les politiques sont jugés au vu de leurs résultats en fonction des objectifs à atteindre (que la grande majorité partage), pas à leur bagou idéologique pour convaincre.

          Je ne me résous pas à ce qu’en France, il soit encore si compliqué de faire appel à la raison. Je me demande même si ça n’empire pas au vu de ce que je constate chez nos jeunes qui semblent avoir raté leurs cours de logique.

          En fait, je cherche des réponses qui n’existent probablement pas…

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          1. Alain CHAMPSEIX

            La question que vous soulevez, celle qui concerne la relation, ou le rapport, entre politique et raison est l’une des plus difficiles qui soit. Je m’en voudrais, toutefois, de la fuir en raison même de l’embarras qu’elle suscite et que vous exprimez on ne peut mieux alors que je suis bien conscient, aussi, que l’on ne saurait la traiter en trois coups de cuiller à pot. Je m’efforcerai de l’aborder à partir de votre réponse qui, me semble-t-il, traite de deux points assez différents l’un de l’autre.

            La première partie traite des lois. Je ne lis et ne comprends pas le texte de Condorcet communiqué par Catherine Kintzler de la même manière que vous. En effet, le conditionnel qu’il emploie expose une situation irréelle, celle où il y aurait un abîme entre le vote de la loi et la raison. Si tel était le cas, on ne voit pas comment la majorité, voire la quasi unanimité pourrait être source de légitimité. Un seul peut avoir raison contre tous. L’auteur est très net sur ce point. S’il n’en va pas ainsi, en général, c’est que les lois ont un objet bien défini : non pas la réglementation de la vie individuelle par exemple (comme le style de coiffure que tout un chacun devrait adopter) mais celle des relations des membres de la société entre eux, par rapport aux pouvoirs publics, etc. compte-tenu de l’intérêt de l’existence sociale. Ainsi est-il légitime car rationnel d’interdire le vol si l’on veut qu’existe quelque chose comme la propriété privée, de même pour le meurtre qui va évidemment à l’encontre de toute vie commune (de tous avec tous). Les conséquences en sont les suivantes : ce qui fait qu’une loi est une loi ce n’est pas, seulement, qu’elle est votée par le peuple ou ses représentants mais c’est qu’elle est en accord avec la raison : je lui suis donc soumis mais sans me rendre l’esclave d’une règle arbitraire. En tant qu’être moi-même doué de raison, je ne saurais m’y opposer sans aller à l’encontre et de ma raison et de ma volonté, donc de ma liberté de citoyen. Ainsi même s’il prenait la fantaisie aux députés et aux sénateurs de voter à la majorité la loi selon laquelle il sera obligatoire de se voler les uns les autres sous peine de sanction, outre qu’il y aurait de fortes chances qu’une telle décision soit cassée par le Conseil Constitutionnel ou l’Union Européenne, elle serait de facto nulle et non avenue parce qu’irrationnelle. Elle serait contraire à la volonté générale. Ainsi encore une loi peut cesser d’être une loi quand plus personne ne juge qu’elle est nécessaire à la société. Tout le monde avait oublié qu’il était interdit aux femmes en France de porter un pantalon depuis le XIXème siècle jusqu’à ce que l’Assemblée nationale, il y a peu, crut bon de devoir abolir cette loi alors qu’il lui aurait peut-être suffi de considérer qu’elle était tombée en désuétude. D’une façon générale, les représentants se réunissent en commissions, procèdent à des auditions d’experts, demandent des rapports avant de voter. Si une loi heurte non pas de simples désirs mais la raison commune, elle risque de rencontrer des obstacles insurmontables : des oppositions sans fin mais, aussi, des difficultés d’application techniques. Il n’est pas rare, alors, que l’on fasse une autre loi, que l’on modifie tel ou tel de ses articles. Le fait même que la législation puisse se boursouffler ne fait que montrer que les hommes, fussent-ils élus, ne font pas ce qui bon leur semble avec elle. Alors, certes, il arrive que même une majorité s’égare, que l’on souhaite légiférer au nom du bien en général sans s’en tenir à l’objet des lois – on le voit par exemple avec ces textes qui prétendent porter sur les événements historiques du passé – mais on produit, alors, plus un simulacre de loi qu’une loi effective.

            Si l’on force un peu votre réflexion, on pourrait aller jusqu’à se poser la question suivante : puisque la législation est une affaire de raison, pourquoi ne pas la considérer comme l’objet d’une science, pourquoi voter à la limite ? Ne risque-t-on pas de faire interférer les opinions avec la raison? Question forte : qu’est-ce qui garantit le lien entre la raison et le vote ? Rien n’est garanti dans l’absolu mais il se trouve qu’il y a, qu’on le veuille ou non, tout de même un rapport bien précis entre la raison et la politique. En effet, au sein de la société civile se trouvent rassemblées des personnes qui ne voisinent pas nécessairement (Aristote notait déjà qu’il y a une différence entre la Cité et le village ou la famille), qui peuvent avoir des traditions, voire des langues différentes (c’était, par exemple, le cas au moment de la Révolution française et ça l’est dans de nombreux pas), qui professent des religions fort distinctes les unes des autres ou pas de religion du tout, qui n’ont pas les mêmes traditions (un Breton n’est pas un Provençal), qui peuvent être animées par des intérêts concurrents voire opposés et l’on ne saurait négliger les obédiences idéologiques. Il ne reste donc que la raison qui peut les unir. Un peuple est par définition de nature rationnelle. C’est, d’ailleurs, ce qu’ignorent profondément les communautaristes et ces traditionnalistes que sont les nationalistes. Ils ne voient de lien social que dans l’immédiateté de l’expérience, dans l’apolitisme au fond.

            Dans votre deuxième partie, vous traitez moins des lois que de ce que l’on appelle une politique, plus du gouvernement que du législateur. Je me bornerai, sur ce point, à proposer une idée. Qu’est-ce qui peut faire qu’un gouvernement (ou, donc, une politique) peut être apprécié ? Je ne vois qu’une solution : qu’il permette d’un même mouvement que le peuple se considère comme peuple et le citoyen comme être humain indépendant. Si, par exemple, il ne voit en ce dernier qu’un consommateur ou un producteur, un incapable de comprendre l’intérêt commun – seule une élite de technocrates étant au fait des problèmes, un sujet plus qu’un citoyen par conséquent, il n’est guère étonnant qu’il contribue à son avilissement et, en même temps, perde de vue jusqu’à sa propre légitimité. Il parle, alors, volontiers de « gouvernance » comme si gouverner c’était gérer (les choses, les situations et les hommes). Nous sommes, alors, en présence d’une rationalité mutilée, ni réellement scientifique ni morale. C’est sans doute là que je me séparerais, sans doute de manière provisoire, de vous : oui, la politique doit être rationnelle mais la rationalité politique n’est pas essentiellement de nature scientifique. La science est rationnelle mais la raison, ce n’est pas que la science. Un gouvernement digne de ce non se trouverait donc dans la situation paradoxale de rendre le peuple démocrate, ce qu’il n’est pas spontanément et de lui-même.

          2. Incognitototo

            Merci pour ces riches apports. Le seul souci que cela continue à me poser, c’est qu’il semble que vous ayez un raisonnement dans « l’absolu ».
            Pour faire simple, bien sûr je partage vos visions de la « raison » telle qu’elle devrait être selon les contextes.
            Seulement, ce n’est pas du tout ainsi qu’elle est appliquée, ni ce qui se passe en réalité. D’ailleurs, je pense même que la France a toujours eu des difficultés à être un État de raison et de droit, et on pourrait même démontrer que cela empire.

            Prenons un exemple simple (qu’on pourrait multiplier et étendre à bien d’autres domaines) : la « théorie du ruissellement » issue du corpus idéologique du néo-libéralisme. C’est elle qui justifie depuis des décennies que la majorité des États occidentaux baisse les impôts des plus riches (et leur crée des droits spéciaux), et en conséquence paupérise toujours plus une large frange de la population, avec (entre autres) de moins en moins de services publics et des dettes publiques qui explosent.
            Or depuis des décennies plusieurs études économiques irréfutables, démontrent que cette théorie est totalement fausse, et même les très conservateurs et néo-libéraux FMI et OCDE ont fini par l’admettre (il y a seulement 5 ans) : jamais, on n’a pu démontrer qu’en donnant plus aux riches (il faut préciser dans notre contexte mondialiste), ceux-ci en feraient profiter le reste de la population, par leurs investissements et leurs actes économiques. Pire, plus on donne d’argent aux riches plus celui-ci partira à l’étranger pour rapporter plus, privant ainsi progressivement le pays de ses ressources.

            Cela fait des décennies que ceux qui s’intéressent un peu à l’économie le savent et on ne peut pas penser que nos élus l’ignorent. Pour autant depuis Reagan et Thatcher, c’est toujours à cette fable que nos politiques (de droite comme de gauche du moins pour le PS) font appel pour justifier leurs choix d’en donner toujours plus aux riches…

            Où est la raison, là-dedans ? Et comme je suis l’actualité juridique par habitude (à cause de mes anciennes fonctions professionnelles), je peux vous assurer que 80 % des lois et décrets qui sont produits par nos gouvernements et législateurs ne reposent sur absolument aucune « raison ». C’est de la pure idéologie (généralement néo-libérale), dont on peut démontrer sans aucun problème qu’elle est fondée sur des ignorances, des croyances, ou pire sur des mensonges délibérés qui ne défendent que des intérêts particuliers.

            Comme, me semble-t-il, Condorcet, je suis néanmoins porté à penser qu’en réalité, oui, on pourrait élever le droit et la politique au niveau d’une science presque exacte. Sauf qu’il ne nous dit pas comment faire, et si chacun peut plus ou moins le savoir pour lui-même, je reste interrogatif sur la traduction pratique et concrète que cela pourrait prendre dans notre Constitution et législativement ; les instances et mécanismes que vous rappelez restant largement insuffisants pour atteindre un tel objectif.

            L’analyse systémique et la zététique apportent quelques réponses pour que la raison l’emporte, mais à ma connaissance personne n’a encore démontré comment ces « sciences » pourraient un jour devenir la base des décisions politiques et du droit. C’est cet espoir que me donnait le texte de Condorcet en me privant néanmoins de réponses concrètes.

            P.-S. : j’ai beaucoup apprécié votre phrase de conclusion, oui un peuple n’est pas spontanément démocrate (toutes mes expériences des groupes sociaux l’étayent), et on pourrait rajouter : et malheureusement pas plus ceux qui prétendent parler en son nom.

  5. Braize

    Bonjour cher Monsieur,
    Vos interrogations intéressantes, en démocratie et dans l’Etat de droit tels que les nôtres, trouvent leur réponse : la « violence légitime » dont on parle est à la fois contrainte, force et violence. Cette « violence légitime », comme je l’indiquais dans mon commentaire précédent, s’attache de manière générale à la règle de droit qui se distingue de la morale par la sanction qui peut s’attacher à son non respect et en toute légitimité parce que la loi, expression de la volonté générale, le commande.
    Je dirai en outre que le sujet est consubstantiel à la chose publique bien au delà des questions du maintien de l’ordre public (« violence légitime » physique pour par exemple disperser une manifestation illégale ou qui dégénère) ou des sanctions pénales (peine privative de liberté en cas de manquement aux obligations sanctionnées pénalement).
    En effet, le sujet irrigue notre droit au delà du maintien de l’ordre public ou du domaine des sanctions pénales car tout notre droit public donne aux autorités publiques des prérogatives qualifiées « d’exorbitantes du droit commun ».
    Il s’agit, et c’est fondamental de comprendre que c’est aussi du domaine de la « violence légitime », de la capacité juridique de nos autorités publiques chargées de faire appliquer la loi d’avoir recours à ce qu’on appelle l’exécution forcée contre les volontés particulières récalcitrantes alors que les citoyens que nous sommes doivent pour obtenir le même effet de contrainte sur un tiers ou un adversaire une décision juridictionnelle. L’administration dispose sans intervention d’un juge du « privilège de l’exécutoire » permettant l’exécution forcée.
    La « violence légitime » dont dispose l’appareil d’Etat et ses démembrements est donc le bras (au besoin armé) qui assure à la volonté générale (exprimée par la loi) son effectivité. Comment envisager de s’en passer dans un Etat qui ne s’est pas encore complètement dissous dans une forme de pensée bisounours ou de contractualisation généralisée à l’anglo-saxonne ?
    Notre garantie démocratique face à la « violence légitime » est que toute action publique (et d’exécution forcée en particulier), quelle qu’elle soit, est placée sous le contrôle du juge quand ce n’est pas un juge lui-même qui en décide comme en matière pénale. Sous le contrôle du juge et par un outil d’excellence démocratique, le recours en excès de pouvoir ouvert à tous et dispensé d’avocat.
    Fondamentalement, on pourrait dire que la violence légitime, c’est la Loi. Nous ne sommes pas anglo-saxons et tout n’est pas du domaine du contrat, domaine dans lequel la reine est la volonté des parties, pas la contrainte , la force exécutoire, ni encore moins la « violence légitime ».

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  6. Alain CHAMPSEIX

    Je me demande si Charles Larmore, comme bien d’autres, ne pense pas que la philosophie politique est essentiellement une question de tradition. Il n’est pas impossible qu’il aurait du mal à percevoir le sens universel de la réflexion de Condorcet malgré sa démarche démonstrative. Pour le dire autrement, ce n’est pas entre les Français et les anglo-saxons qu’il y a à choisir. Il fait comme si les questions qui le préoccupent, de manière très juste d’ailleurs, n’avaient pas déjà été traitées avec toute la radicalité souhaitable par les plus grands esprits. Comment, par exemple, ne pas songer à Kant lequel permet de tenir les deux bouts de la chaîne ? Premier bout : le droit résout non pas une question morale mais un problème quasi physique. Puisque les conflits de tout ordre existent entre les hommes, puisque la société dont ces derniers ont pourtant besoin ne va pas de soi, il faut des lois pour régler leurs relations. En d’autres termes il faut faire cohabiter les libertés. Les lois, à la différence de la morale, ne concernent pas les intentions mais seulement les actes. Je peux bien vouloir acquérir une automobile de luxe rien que pour humilier mon voisin, j’en ai le droit. Au demeurant vouloir instituer un ordre moral serait précisément contraire à la nature autonome de la moralité. La contrainte, et non l’obligation morale, est donc le moyen des lois : elles n’existeraient pas si les individus pouvaient n’en faire qu’ à leur guise. L’absence du port du masque dans un endroit public fermé est donc très légitimement passible d’une amende et, en tout cas, justifie une interdiction d’entrer. Restriction de la liberté ? Mais la liberté des autres, c’est aussi ma liberté. La loi est la même pour tous. Mais il est bon, aussi de considérer le second bout de la chaîne. Il se trouve, en effet, que l’existence d’un état civil entre les hommes (c’est cela être civilisé), même s’il n’est pas moral est cependant conforme à la morale car il implique la considération des relations humaines sous l’angle de l’universalité. Conséquence : l’ordre juridique est, certes, nécessaire et utile mais il est également légitime. La preuve en serait qu’ à titre tout personnel, je suis moralement obligé (par moi seul) d’obéir aux lois. Petit exercice d’application. Si je vois quelqu’un passer la barrière du métro sans payer, je n’ai pas à lui faire une leçon de morale car ce n’est pas la question, je n’ai pas, non plus, à le dénoncer car dans un état de droit, c’est à des agents publics de faire appliquer les lois, mais il me sera difficile de ne pas le désapprouver intérieurement. Si c’est moi qui commets une telle infraction, il y a des chances pour que la plupart ferme les yeux non par lâcheté mais en raison de la différence entre la nature du droit et la morale, il est même possible que l’on sourit de mon audace ou de mon anticonformiste mais je suis vraiment un niais si je me figure que je ne suis pas intérieurement méprisé.

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    1. Claustaire

      Votre exemple de la transgression, infraction, me rappelle le mythe de Prométhée et d’Épiméthée, lorsque Zeus explique à Hermès qu’il faut doter tous les hommes (laissés « sans qualités » par Épiméthée) à la fois du sentiment de justice et du sentiment de honte (vergogne) :

      « Répartis-les [ces sentiments de justice et de honte] entre tous, et que tous y prennent part ; car il ne pourrait y avoir de cités, si seul un petit nombre d’hommes y prenaient part, comme c’est le cas pour les autres arts ; et instaure en mon nom la loi sui­vante : qu’on mette à mort, comme un fléau de la cité, l’homme qui se montre incapable de prendre part à la Vergogne et à la justice. »

      Or, il semblerait que nous soyons entrés de plus en plus dangereusement dans un monde où le sentiment de honte de ce qu’on aurait fait (impliquant la reconnaissance que nous pourrions avoir fauté et donc mériter réprimande ou remarque) est en train de disparaître. Or, comment faire cité avec des gens qui n’auraient jamais été éduqués à cette vergogne qui permet de prendre quelque distance avec l’égoïsme éhonté sinon hilare sur lequel semblent fonctionner de plus en plus de gens ?

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      1. Alain CHAMPSEIX

        C’est, toutefois, Protagoras et non Socrate qui évoque ce mythe. Est-il si éclairant ? La pudeur, le sentiment de honte sont de toute façon tout personnels. Peuvent-ils pour cette raison même fonder l’ordre social ? Un auteur comme Kant renverse la perspective : c’est parce que le droit est inévitable qu’un éveil de la conscience morale est toujours possible. Il permet, en effet, de donner corps à l’universalité mais, même à ce point de vue, il ne garantit pas le caractère moral de l’existence qui ne dépend que de soi, qui ne saurait provenir de l’extérieur. Même l’éducation, à ce point de vue, ne peut être que négative : ce n’est pas elle qui insinue le sentiment moral. Tout au plus, elle peut attirer l’attention sur lui. Heureux celui qui, alors, peut l’éprouver en lui-même, malgré l’ordre (ou, plutôt, le désordre), souvent injuste de la société.

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  7. Alain CHAMPSEIX

    Je crois comprendre pourquoi vous tenez à maintenir la notion d’usage légitime de la violence à côté de celles de contrainte ou de force. L’ exécution des lois ne suppose pas seulement (si j’ose dire) la possibilité de mettre en prison ou de limiter la possibilité d’obtenir des plaisirs par des peines financières, elle peut impliquer aussi la répression manu militari d’une manifestation non autorisée ou qui dégénère. Une certaine brutalité peut s’ avérer nécessaire avec les moyens humains et matériels que cela implique. Seulement, même en ce cas, le droit de personne n’est violé, pas même celui des récalcitrants : la loi autorise les protestations publiques en ce qu’elles peuvent être bonnes pour la démocratie ou – pour en rester au strict domaine du droit – par ce qu’il est conforme à la liberté de chacun de pouvoir s’associer à d’autres pour exprimer publiquement et à l’adresse du public un mécontentement mais au nom même de la liberté personne n’est autorisé à monopoliser les voies communes, voire à dégrader les biens publics. Il peut donc y avoir des blessés même si au bout du compte l’usage de la force ne vise qu’ à contrecarrer une autre force et si la finalité des forces de l’ordre est de procéder à des interpellations si possibles judicieuses. Le fait d’avoir été blessé pour un manifestant ou de blesser pour les membres de la police (sauf abus bien entendu) ne légitime pas l’usage du terme de violence. Personne n’est ainsi contraint de jeter des pavés sur les forces de l’ordre mais si un individu le fait on ne voit pas comment il pourrait se plaindre, ensuite, d’avoir reçu un coup de matraque. Si l’on touche un tison, on se brûle. Il n’y a pas violence pour autant. Il y a donc bien, me semble-t-il, une différence entre la force et la violence. Si comme on a pu l’expliquer ailleurs, le droit est légitime, le recours à la force (et non à la morale) que son existence entraîne, ne peut être considéré comme de la violence. Le fanatique qui s’apprête à se faire exploser au milieu de la foule est violent, pas le policier qui l’abat. Ce n’est pas heureux, mais c’est comme ça. La guerre, par contre, est violente car les belligérants n’enfreignent aucune loi commune si l’on veut bien laisser de côté un instant la question du droit international.

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    1. Braize

      Cher Monsieur,
      Nous n’avons donc qu’un désaccord sémantique et j’en suis ravi. Mais il me dérange un peu tout de même.

      En effet, le sujet, s’agissant de l’Etat, est celui, si l’on prend le soin de considérer l’expression complète « le monopole de la violence légitime » (et pas seulement le mot « violence »), du droit d’exercice monopolistique de la contrainte physique et, ce, jusqu’au droit, dans l’intérêt général exprimé par la loi, de priver quelqu’un de ses libertés pourtant constitutionnellement garanties. Je ne parle même pas du temps révolu chez nous, et c’est heureux, de la peine de mort qui donnait à l’Etat, et à notre République puisque la justice est rendue en son nom, le pouvoir de disposer de la vie.

      Ce « monopole de la violence légitime », expression qui exclut que toute autre violence le soit, constitue un progrès fondamental consubstantiel à nos démocraties et à nos Etats de droit. Ne rien faire (même sémantiquement) qui conduise à le réduire ou à le contester est pour moi un impératif.

      Quant à la guerre comme exemple dans votre propos d’une violence véritable, dans un monde de droit elle ne peut pas être considérée sans le droit international qui la régie depuis des décennies et comme ce sont les Etats qui les conduisent on peut y voir, à l’international, le prolongement du « monopole de la violence légitime » dont ils sont titulaires, dans ce cas jusqu’au delà de leurs ressortissants et de leur territoire.

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      1. Alain CHAMPSEIX

        Je ne saurais trop marquer ma reconnaissance pour votre réflexion approfondie et votre désir d’en faire part. Je suis, par ailleurs. enclin à admettre que le terme de « monopole » est en effet essentiel tant l’ État n’est pas un pouvoir comme un autre. Il est souverain. Il est vrai que je n’avais guère traité de lui ci-dessus m’étant volontairement restreint au seul concept du droit. Il reste qu’il est tout à fait vrai que le droit et l’ État sont inséparables par principe pour trois raisons au moins. 1) Il faut bien « quelque chose » Impose à tous des lois communes. Pas d’ état de droit sans État. 2) L’ État lui-même n’est autre que la volonté générale telle que Rousseau l’a analysée. C’est parce qu’ obéir à l’ État comme individu, c’est obéir à soi-même comme membre du souverain que la soumission qu’on lui doit est le contraire d’un esclavage qui, qu’on le veuille ou non, sera toujours illégitime. 3) L’ État supposant donc la liberté (une société d’esclaves étant tout sauf un pouvoir souverain, un peuple et même une société), ce n’est pas au titre d’une bienveillance « généreuse » ou par simple idéalisme moral que l’ État a à s’accorder avec les droits de l’homme mais parce qu’il ne peut être légitime sans eux. Avancer cette idée fut une véritable révolution. Du coup, malgré le terme de « monopole », je vois le contraire de la violence dans tout cela. Non pas la plate non violence mais la volonté commune de vivre selon d’autres règles que celles de la violence quitte à user de la force s’il le faut soit à l’intérieur soit à l’extérieur si une autre puissance se permet de remettre en cause cette volonté.

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        1. Braize

          Je comprends que l’on puisse juger préférable, comme vous le proposez, de parler d’usage de la force et donc d’usage de la force légitime par l’Etat pour désigner le « monopole de la violence légitime par l’Etat », mais je trouve qu’on y perd du sens car on n’oppose plus alors sémantiquement la violence privée par définition illégitime dans nos régimes civilisés et le monopole de la violence légitime par l’Etat. A affadir les termes on affadi le sens. Enfin me semble -t-il. L’essentiel étant que nous mettions derrière des mots différents des contenus identiques à la virgule près.
          Très cordialement et en vous remerciant de cet échange.

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          1. Alain CHAMPSEIX

            Il me semble en effet que nous sommes d’accord sur bien des points cruciaux. Toute la difficulté tient à deux choses. a) Le sens même de la notion de violence que nous n’avons pas précisé. C’est donc à titre prévisionnel que j’ avancais l’ idée selon laquelle il n’y a pas deux types de violence, une légitime et une qui ne le serait pas. Quand l’État est violent (tyrannies de toutes sortes), sa violence n’est pas plus légitime que celle d’un particulier. Elle l’est même moins car il contredit alors et sa nature et sa fonction. Dans les faits, ce n’est pas rare… b) Mais si l’on se recentre sur l’argumentation de Charles Larmore, on voit bien pourquoi tant de penseurs répètent ad nauseam l’expression de Weber : ils s’imaginent qu’il y a une contradiction insurmontable entre la liberté et la légitimité de l’ État. Or quelqu’un comme Rousseau avait précisément montrer que c’est la liberté et rien d’autre qui, d’un même mouvement, fait l’intelligibilité et la légitimité de l’ État.

  8. Braize

    Vous semblez considérer qu’il n’y a pas que deux sortes de violence. Mais est-ce bien exact?
    En effet, si l’Etat est violent, ou use de la force, hors du droit sa violence, ou son usage, n’est dès lors pas plus légitime que la violence privée et il sort par définition du cadre de la violence légitime qui est son apanage… D’ailleurs, dès lors qu’il commet ce que le droit administratif appelle une « voie de fait » (c’est à dire un acte illégal insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir réglementaire) il perd de facto son privilège de juridiction (le juge administratif) et relève dès lors du juge ordinaire, comme tout un chacun. J’y vois là l’indice qu’il n’y a que deux sorte de violence en droit : celle qui est légitime et celle qui ne l’est pas. Et chacune à son juge.

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    1. Alain CHAMPSEIX

      Ce que vous écrivez me fait penser à une chose : au strict niveau juridique, il importe sans doute assez peu de chercher à faire une différence entre contrainte et violence. Je conçois même qu’une discussion à ce propos puisse paraître sans grand intérêt, c’est-à-dire purement verbale ou d’ordre seulement sémantique comme vous l’avancez. Je soutiendrai volontiers, sans doute avec vous bien que je ne sois pas un spécialiste, que ce sont les textes qui comptent dans le droit, que c’est à eux qu’il convient de se référer pour différencier non pas le bien du mal mais le le légal de l’ illégal, ce qui relève des lois et ce qui n’en relève pas. Ces textes s’appuient sur des concepts qui, à la manière de ceux des mathématiques, ont un sens spécifique, bien déterminé, à la différence des notions communes. Ainsi le mot « crime » n’a-t-il pas la même signification dans la bouche d’un magistrat et dans celle d’un journaliste, excepté s’il a des compétences en la matière. C’est heureux car c’est notamment ce qui permet au système judiciaire d’ échapper à l’arbitraire, la pire des choses. Mais autant le dire, la réflexion que j’ai faite n’avait pas la prétention d’ être d’ordre juridique, elle portait sur l’affirmation non d’un juriste mais d’un philosophe ou, du moins qui se prétend tel. Ce qu’il y a de problématique chez Weber, c’est sa désinvolture par rapport à la tradition philosophique pour qui le droit est le contraire, si ce n’est la négation de la violence. Certes, en philosophie, il est toujours sain de ne pas se contenter de la tradition mais il y a une différence entre s’interroger sur elle, la critiquer, voire la remettre en question (Descartes ne s’est pas gêné) et ne même pas y songer. Pourquoi le droit peut-il être considéré comme le contraire de la violence ? Parce qu’il repose sur l’analyse, la discussion, la réflexion, la preuve, la confrontation des points de vue, la délibération. Or une chose me paraît certaine, c’est que la violence, quelle qu’elle soit, ne veut pas de ça ! Violence, viol, violation sont des termes de même famille. La violence s’affronte à ce qu’il y a de possiblement rationnel en l’homme. Au sens propre elle est inhumaine. Non pas ahumaine car c’est toujours l’homme qui peut tuer l’homme en lui-même.

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  9. Muglioni

    Je ne voudrais pas revenir sur l’accord qui s’est fait lors de la discussion entre Braize et Champseix sur la légitimité de l’usage de la force dans le cadre de la loi. Mais il me semble que depuis que l’expression violence légitime s’est imposée, cette question ne peut que donner lieu à confusion. Et j’irai donc dans le sans de Champseix.
    L’expression monopole de la violence légitime de l’Etat vient des traductions de Max Weber. Sans se prononcer sur le sens que lui donne Weber, il me semble suffisant de remarquer qu’avec le terme Gewalt et les mots de la même famille, l’allemand ne fait pas la distinction radicale que fait le français entre force et violence. Violence, comme viol, si l’on s’en tient à ce qu’on appelait naguère le bon usage, cela ne peut pas être dit légitime sans contradiction, qu’il s’agisse de la violence d’un individu ou d’un État. La force, la coercition, la contrainte exercée pour arrêter un bandit ne peut en ce sens être qualifiée de violence, même s’il faut l’abattre comme il est arrivé pour certains terroristes. Il n’y a pas alors violence, tandis que dans le cas du policier qui a étouffé George Floyd, il y a violence.
    Si tout usage de la force publique est qualifié de violence, il est inévitable qu’on confonde ces deux cas et que la moindre arrestation passe pour un acte de violence contre lequel il faut se rebeller. Car si, comme le veut notre langue, on ne peut parler de violence légitime sans contradiction, il en résulte que toute arrestation requérant la force est une violence et donc est illégitime. La justifier au nom de l’Etat n’y changera rien pour ceux qui prennent le mot violence en ce sens, et ils diront que c’est une violence d’Etat…
    Telle est l’importance des mots en matière de politique qu’une simple confusion de langue peut suffire à saper les fondements de l’état de droit. Condorcet et ses prédécesseurs nous ont appris le sens des mots et il m’arrive de penser que l’état déplorable du débat politique vient pour une très grande part de l’avachissement de la langue dans les études politiques. L’éducation civique devrait être uniquement une instruction civique, c’est-à-dire une leçon de vocabulaire. Peut-être comprendrez-vous mieux l’insistance avec laquelle je demande qu’on respecte le vocabulaire politique tel qu’il a été établi au cours des siècles jusqu’à la philosophie des Lumières, si je vous dis que dans mes meilleures classes, à la question : quel est le souverain en France ? il m’a toujours été répondu par des élèves en âge de voter : le président de la république.

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  10. Braize

    A deux contre un, je n’ai aucune chance… Malgré tout je réponds brièvement à tous les deux !

    Il me semble que tous deux vous dites que la « violence légitime » du monopole de l’Etat n’est pas une « violence » au sens propre de ce terme et compte tenu de ce qu’est l’Etat. Votre champ est celui de la philosophie. Je dis pour ma part que la « violence légitime » du monopole de l’Etat a un sens en droit en tant qu’on peut ainsi l’opposer à la violence privée qui elle n’est pas légitime et que c’est l’intérêt de cette opposition (avec le même terme) que de le montrer et le progrès par le droit que de le faire. Mon champ est celui du droit.

    Je n’écarte pas l’hypothèse que chacun, vous et moi, ayons raison chacun dans notre champ. Je crains ainsi qu’il n’y ait pas de moyen de résoudre cette opposition sauf à ce que quelqu’un renonce ce qui serait dommage et que je me garderai bien de vous demander et, pour ce qui me concerne, de faire. Ou bien, hypothèse plus satisfaisante, cette opposition se résoudra, comme parfois quand on est en présence d’un paradoxe, en se plaçant au niveau d’un métalangage adéquat qui donnerait satisfaction à tout le monde en dépassant le paradoxe…

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    1. Alain CHAMPSEIX

      Ne vous inquiétez pas ! La vérité ne relève pas du nombre de voix… Il me semble que nous pourrions être plus d’accord qu’il ne le semble dans la mesure où j’avais moi-même envisagé l’idée que vous avancez, à savoir que, juridiquement parlant, le distinguo entre la violence et la contrainte n’est pas significatif. Par contre, philosophiquement, il n’en va pas de même. De quoi s’agit-il, alors ? De penser un problème commun, si commun qu’il s’appuie sur l’usage de la langue commune et, d’après elle, toute violence est inadmissible. Raison pour laquelle, au demeurant, la philosophie n’est pas réservée à des spécialistes, tout être humain peut s’en emparer quel que soit, par ailleurs, son domaine de compétence propre. On peut faire de la philosophie que l’on soit artiste, juriste, balayeur des rues, ingénieur, chef d’entreprise, ouvrier, jeune, vieux, etc. Certes, dans les faits, ce n’est pas toujours aisé mais en droit, cela ne présente aucune difficulté.

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      1. Braize

        Merci de m’éclairer sur votre position.
        Gardez vous le champ politico-juridique d’un côté (car la question du « monopole de la violence légitime » n’est pas qu’une question de droit) et le champ philosophique de l’autre séparés et même étanches quand à la maîtrise et à la portée de leurs concepts ou bien dans votre position faites vous jouer à la philosophie (de tout un chacun au demeurant) un rôle épistémologique qui lui permettrait de dire aux autres sciences quand elles se trompent y compris sur leur propre terminologie ?
        Dans le premier cas on n’a pas dépassé le paradoxe et dans le second j’aurai du mal à y souscrire.
        Je précise que je me situe sur le terrain épistémologique (au sens de la science des sciences) et que tout ceci n’obère en rien la capacité du philosophe à donner son point de vue sur le droit comme sur tout le reste en particulier dans une discussion ou un débat.

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        1. Alain CHAMPSEIX

          Il serait évidemment monstrueux et pour les sciences et pour la philosophie de considérer cette dernière comme le directeur de conscience des premières. Il serait ainsi possible de montrer que c’est la philosophie elle-même qui a toujours reconnu l’indépendance des sciences par rapport à elle. Platon, déjà, était on ne peut plus net à ce propos. Le risque serait plutôt l’inverse car il n’est pas rare qu’une science se prenne pour de la philosophie, pour la clé de tout. On peut ainsi penser aux élucubrations de plus d’un astrophysicien, aux considérations de ces éthologues selon lesquels l’animal est la vérité de l’homme et aux différentes sciences humaines qui se disputent entre elles pour savoir qui est la plus décisive. Deux remarques à propos de vos explications. 1) Je ne pense pas que l’on puisse raisonner en termes de champs. a) Sciences et philosophie partagent une même exigence, celle de la preuve, de l’argument, autrement dit du rapport à la vérité mais il se trouve que cette exigence peut (doit) être respectée de manières différentes : il ne revient pas au même d’analyser le mouvement d’un corps et de s’interroger sur l’essence du savoir, dans le premier cas, il faut se tourner vers la physique ; dans le second, vers la philosophie. Ce n’est pas qu’une question de goût, c’est une affaire de méthode. Même lorsque Descartes explique que l’on ne peut être savant, en physique ou en mathématiques, si l’on n’est pas aussi métaphysicien, il ne considère pas que la métaphysique est de même nature que la physique. b) Les sciences portent sur des types de réalités différents – raison pour laquelle on ne parle d’elles qu’au pluriel – alors que la philosophie naît de la capacité proprement humaine de s’interroger en général, certes souvent éludée et fuie mais ça, c’est une autre question. 2) Pour ce qui est du droit, il est à la fois une pratique qui demande l’acquisition d’une compétence avec l’intelligence que cela suppose – à ce point de vue, la philosophie ne lui sert de rien – et un élément de la réalité humaine. C’est à ce titre que la réflexion philosophique ne peut l’ignorer. Elle n’a rien à lui apprendre mais elle ne peut éluder ce qui fait sa dignité, à savoir le moyen découvert par les sociétés humaines pour vivre autrement que sous le joug de la violence. Sans la considération de cette dignité, c’est l’essence même du droit qui serait perdue de vue.

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          1. Braize

            On ne peut que se retrouver sur la plupart des choses que vous dites.

            Mon dernier point d’interrogation concernera donc votre persistance à ranger la question dont nous débattons et mon approche dans le champ du droit, dans le champ juridique, et en prenant du recul d’un point de vue philosophique sur ce qu’en dirait ainsi le droit.

            Je ne pense pas que la question du « monopole de la violence légitime » soit une question juridique et que je l’approche en technicien du droit. Elle me parait beaucoup plus large que ça y compris dans ma position et relèverait plutôt, puisque c’est la question même d’un des principes fondamentaux de l’organisation en société dotée d’un Etat (au sens où aurait pu en parler Pierre Clastres), de la science politique et de la philosophie du droit.

            Dans un tel cadre, je persiste à penser que l’idée de « monopole de la violence légitime » reste féconde et que celle d’une « monopole de la contrainte » qui viendrait s’y substituer pour ne pas à avoir à parler de « violence » l’appauvrit et n’a même aucun sens en droit puisque la contrainte existe en droit privé (voir par exemple tout le droit des servitudes de notre droit civil).

            De le sorte, de mon point de vue, même après nos échanges dont je vous remercie, on peut maintenir le concept de « monopole de la violence légitime » qui décrit bien la réalité dont on parle sans souffrir d’un inconvénient qui serait lié à l’emploi du terme « violence » puisqu’il ne s’agit pas simplement de dire que l’Etat a le droit d’être violent, ce qui en effet aurait les inconvénients que vous dîtes, mais de dire avec les mots ad hoc qu’il détient un monopole pour une violence non ordinaire. Pour moi, l’idée même de « violence légitme » transfigure celle de « violence ». De leur opposition, la première s’en trouve civilisée, la seconde reste plutôt barbare.

  11. Alain CHAMPSEIX

    Monsieur (Braize),

    Je vous remercie moi aussi de votre souci constant d’argumenter. Je comprends donc que ce n’est pas d’un point de vue interne au droit que vous estimez qu’il n’est pas illégitime de parler de « monopole de la violence », ce concept relève plus, par conséquent, de la philosophie politique. Mais c’est là où le bât blesse et que nous en revenons à notre divergence de départ. Pour tout dire, je ne vois pas comment la violence peut être transfigurée pour employer le terme que vous adoptez. J’ai du mal à comprendre comment on ne peut pas suivre sur ce point la philosophie classique qui voit dans l’Etat et le droit la négation de la violence même si ni l’un ni l’autre ne suffisent à la faire disparaître (ça se saurait). En réalité, ce qui compte avec eux, ce n’est pas la suppression de la violence – la victoire du Bien si l’on veut – mais la possibilité d’une vie sociale pour les êtres humains tels qu’ils sont. Il y a évidemment de la violence dans la société mais la société elle-même – la vie commune – est en contradiction avec des rapports violents. Même le commerce le plus élémentaire suppose des rapports qui soient fondés sur autre chose que le vol : le droit commercial ne fait pas violence au vol pour le limiter mais permet le commerce qui est fondé sur l’échange. Au demeurant, un escroc est passible du tribunal où les faits seront établis calmement, où il pourra être condamné en toute connaissance de cause, dans la paix. Si le droit, c’était la violence pourquoi s’encombrer du tribunal ? Il
    suffirait de l’abattre ou, du moins, de « lui casser la figure ».

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    1. braize

      Merci d’avoir bien voulu répondre à ma question et nous sommes donc d’accord (notamment) sur le fait que notre point de désaccord n’est pas dans une question de droit mais plutôt de science politique ou de philosophie politique.
      Mais ma position n’est pas celle que vous décrivez que ce soit sur le doux commerce ou le pénal et je ne vois pas d’où vous tirez dans mes propos que je justifierai, dans les rapports de droit privé, le commerce de la force (au lieu du doux commerce) ou encore la violence privée au lieu du droit pénal et de son tribunal. Nous avons c’est l’évidence notamment tout cela en partage. Je ne vois pas non plus en quoi ma position sur le « monopole de la violence légitime » devrait conduire à devoir admettre ces hérésies.
      En conséquence pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté ou de risque de caricature, si l’on veut bien faire l’effort d’affiner un peu plus notre désaccord, il me semble qu’il tient à ce que je considère que la « violence légitime » dont l’Etat a le monopole dans un Etat de droit n’est pas, du seul fait de la qualification de légitime et de la précaution du monopole, la « violence » ordinaire dont en effet l’Etat de droit est la négation. Cette « violence légitime monopolistique » n’a même rien à voir avec la « violence ordinaire » car elle est codifiée par le droit et justifiée par l’intérêt général. Dès lors, pour moi, la contradiction que vous refusez philosophiquement et dont nous avons aussi le constat en partage, me semble s’effacer.
      Sans doute le point de désaccord est-il sur cet effacement.

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      1. Alain CHAMPSEIX

        Je ne vous prêtais aucune sombre et absurde pensée. Simplement, je prenais un exemple volontairement « soft » afin d’illustrer l’idée qu’il me semble devoir défendre, à savoir que nous sommes aux antipodes de la violence avec le droit. J’étais précisément persuadé que c’est ce que vous pensiez en ce cas. Rien ne contraint quelqu’un d’être d’accord avec quelqu’un d’autre mais je vous avouerais que j’ai du mal à comprendre ce qui fait notre désaccord. Aussi, est-ce à mon tour, que j’aimerais vous poser une question. Pourquoi voulez-vous que les notions de force et de contrainte ne suffisent pas ? Qu’est-ce qui, selon vous, rend nécessaire et légitime le recours à un concept supplémentaire, celui de « monopole de la violence légitime » de la part de l’Etat ? Sur la lancée, je pourrais même aller plus loin et vous demander quelle est la conception de l’Etat que vous vous faites dans ces conditions.

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  12. Braize

    Pas d’inquiétude. Notre désaccord n’est que sur la terminologie pas sur le fond. N’en doutez pas.

    J’ai la même conception que vous et, en effet, le droit est aux antipodes de la violence et l’Etat n’exerce aucune violence qui s’apparente à la violence privée. Donc il n’est pas violent au sens ordinaire où on l’entend. Ce qu’il exerce est spécifique quel que soit le nom qu’on lui donne (force ou contrainte, si l’on excepte avec vous le concept de violence) et est rigoureusement encadré par le droit.

    Ce que je trouve intéressant dans le concept de « monopole de la violence légitime » est qu’il comprend toute la réalité que l’on veut désigner et qu’il le fait avec le propre nom de son antinomie. Ce qui est assez fort et ce qui a sans doute fait son succès auprès des juristes, même si c’est au grand dam des philosophes. En effet, le mot « légitime » et celui de « monopole » viennent y effacer la contradiction qu’on peut trouver, s’agissant de l’Etat, à l’emploi du mot « violence ».

    « Monopole de la force légitime » ou de « la contrainte légitime » sont impossibles et n’ont même aucun sens puisqu’il en existe, comme je l’ai déjà dit, en droit privé. En renonçant à l’expression on affadit donc notre désignation de la réalité dont on parle. Ce qui est toujours dommageable. Je ne dirai jamais que l’Etat a un « monopole de la violence » puisque s’agissant de lui il ne s’agit pas de cela.

    Ne faut-il pas ramener le concept de « violence légitime » à une violence parmi toutes les violences ordinaires pour avoir une difficulté ? Alors que nous savons bien que, encadrée par le droit, ce n’est pas le cas et c’est même son opposé.

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    1. Alain CHAMPSEIX

      Madame Kintzler va finir par nous tirer les oreilles si nous poursuivons cette discussion indéfiniment mais, malgré notre accord à 99,9 %, il m’est difficile de dissimuler les deux réactions que votre réponse m’inspire. La première concerne votre référence, certes pleine de bienveillance souriante, sur la différence entre les juristes et les philosophes car ce que peuvent dire ces derniers de quelque peu valable ne consiste qu’à partir du bon sens, cette « chose du monde la mieux partagée », y compris par les juristes donc. Qu’est-ce qui est faux ? Qu’est-ce qui est vrai ? On fait de la philosophie dès que l’on reconnaît l’existence de la raison en tout être humain. Je ne dirais donc pas qu’il y a les philosophes et les autres (ou d’autres). La seconde tient au terme qui figure dans ce qui se veut une définition chez Weber, celui de « monopole » accolé à celui de « violence légitime ». Vous me permettez de mieux comprendre pourquoi cette expression, la traduction française de « Gewalt » plutôt, nous fait remarquer Jean-Michel Muglioni, a été populaire car il n’y aurait, en effet, aucun sens à parler du « monopole de la force ou de la contrainte légitime » de l’Etat pour la bonne raison qu’elle serait fausse. Il y a, ainsi, une contrainte légitime en dehors de l’Etat chez le particulier qui agit « en légitime défense » ou qui empêche ses enfants de se coucher trop tard. Pour cette raison, l’expression de « monopole de la violence légitime » à propos de l’Etat serait la seule véritablement juste. Seulement qui dit « monopole » dit « exclusivité ». Or évoquer comme un pouvoir exclusif ne revient-il pas à considérer la puissance publique comme un cas particulier ou une exception plutôt inquiétantes ? Mais l’Etat n’est pas un pouvoir quelconque au-dessus de nous, un quasi dieu, c’est objectivement le nôtre comme constituants la volonté générale : pourquoi lui attribuer une existence extraordinaire, supérieure et dotée d’un privilège auquel aucun particulier n’a droit ? Pour le dire autrement, il est permis de se demander si la notion de « violence légitime » ne perdrait pas son apparence de validité sémantique si l’on refusait de parler de parler de « monopole ». Pourquoi ne pas écrire, simplement, : « usage légitime de la force (dans le cadre de la loi) par l’Etat » ? Dans cette perspective, la force ne peut absolument pas être considérée comme de la violence car elle correspond à NOTRE volonté en tant que nous faisons partie d’un peuple. C’est, au contraire, aller contre elle qui est violent (contraire à soi).

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      1. Braize

        Avec un peu de retard dû à des difficultés techniques causées par votre serviteur à notre éditrice (en plus de tourner en rond sur notre désaccord !) je réponds cher Monsieur à vos deux questions :
        1° A propos du « monopole de la violence légitime » vous invoquez le caractère inquiétant d’un pouvoir exclusif de l’Etat et demandez pourquoi, je vous cite, « lui attribuer une existence extraordinaire, supérieure et dotée d’un privilège auquel aucun particulier n’a droit ? »
        2° Pourquoi, demandez vous aussi, ne pas écrire simplement : « usage légitime de la force (dans le cadre de la loi) par l’Etat ? ».

        1° Pour la première question, selon moi, la réponse est dans la question. Il est dans l’essence même de l’Etat, dans la conception française qui n’en fait pas un acteur ordinaire parmi tous les autres à al différence des anglo-saxons, d’être « exorbitant du droit commun ». Depuis 1875 et le célèbre arrêt Blanco du Tribunal des conflits, c’est bien l’entier droit administratif qui consacre cette exorbitance à la différence des anglo-saxons qui n’ayant pas nos conceptions du droit public ne retiennent rien de tout cela. Surveillée par son juge naturel attitré (le juge administratif), l’exercice de cette exorbitance n’a rien inquiétant, bien au contraire puisqu’elle a permis notamment le développement de la théorie du service public à la française et je ne vous suivrai donc pas là dessus non plus.
        2° Sur votre seconde question, on peut en effet préférer parler de « l’usage légitime de la force par l’Etat » mais, dès lors, on n’oppose plus, en une seule et même expression, « la violence légitime » qu’est habilité à exercer l’Etat au nom de tous, et contre un ou plusieurs au besoin, à la « violence privée » qui a préexisté et qui est désormais bannie par l’existence même de l’Etat par l’effet de la volonté générale.
        Pour une simple question de terminologie, pour moi non essentielle car encore une fois « la violence légitime » n’est pas une violence ordinaire et il n’y a pas de confusion entre les deux, nous perdrions alors le sens extrêmement fort véhiculé par l’expression weberienne.
        Merci en tous cas de cet échange nourri par lequel nous avons pu mieux cerner notre divergence sur une expression dont je pense, in fine, percevoir encore mieux l’intérêt par rapport à tout ce qui peut être proposé en alternative.
        Dès lors que l’on admet en effet que la « violence légitime » dont l’Etat a le monopole, n’est pas réductible à la violence ordinaire, qu’elle s’oppose même à elle, pourquoi s’offusquer de l’utilisation de l’expression, de la craindre et de vouloir s’en passer au risque de perdre du sens très fort que l’expression recèle ?
        Cela restera pour moi un mystère.

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        1. Alain CHAMPSEIX

          Il se pourrait fort que notre divergence tienne à la différence de nos points de départ, le vôtre étant tout à fait légitime en son ordre. En effet, vous évoquez la notion de « volonté générale ». Or il se trouve que pour quelqu’un qui s’adonne quelque peu à la philosophie, elle renvoie à son auteur, le Jean-Jacques Rousseau du  » Contrat sociale », Kant la reprenant. Pour eux, elle ne désigne pas un droit positif quelconque qu’un pays-Etat aurait repris pour son propre compte (la France de la Révolution par exemple) mais l’essence de tout État. Il ne s’agit pas, dans leur perspective, d’envisager une Constitution quelconque mais de comprendre pourquoi il n’y a pas de société humaine, les sociétés dites « primitives » étant mises à part, sans autorité publique. L’idée qu’ils développent est finalement la suivante : aucun régime politique, même très critiquable n’aurait une quelconque légitimité s’il n’existait quelque chose comme un peuple. Pour faire court, il n’y aurait ni rois ni princes ni même tyrans si l’ordre civil n’existait pas. Ce ne sont pas les gouvernants qui le créent (ils ne sont pas le souverain) car ils seraient inenvisageable sans lui. La volonté générale qui n’est autre que le peuple ou l’Etat correspond à deux choses : a) faire que l’existence sociale dont les hommes ont un impérieux besoin soit possible malgré les conflits de tout ordre, y compris entre les individus, b) au fait qu’en société, les êtres humains sont tout de même capables de faire preuve de raison au moins pour ce qui concerne les conséquences de leurs actes les uns par rapport aux autres. Les lois s’expliquent par là : personne doué d’un peu de bon sens ne peut s’y opposer précisément parce qu’elled correspondent à sa raison et donc à sa volonté. Aussi l’ordre civil ne saurait être violent. Certes, même si personne n’est opposé à la notion de loi commune, chacun étant aussi un individu particulier peut les trouver dures, chacun peut rechigner devant sa propre volonté d’ être rationnel. Qui oserait, au reste, se prétendre spontanément raisonnable ? Les pharisiens sont à vomir. Une contrainte est donc nécessaire pour faire observer les lois mais elle ne provient, au bout du compte, que du peuple lui-même dont on est membre, elle ne provient que de soi : elle consiste à nous ramener à la volonté générale, à nous-mêmes par conséquent. Qu’est-ce que la violence ? Ce qui va contre soi, non ses simples désirs car en ce cas une jeune fille qui refuserait les avances d’un homme serait violente, mais contre sa nature, ce qui conduit à perdre sa dignité et sa liberté, toutes choses que le droit et l’Etat préservent par essence. À quoi bon se soumettre à l’Etat expliquait en substance Jean-Jacques Rousseau si c’est pour perdre sa condition d’homme ? On n’en a même pas le droit. C’est à ce point de vue que l’idée d’un monopole de la violence légitime se présente comme un contresens.

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          1. BRAIZE

            J’adhère à toute votre réponse et comment d’ailleurs pourrait-il en être autrement (même Weber d’ailleurs raisonne pour tout Etat et pas seulement un Etat républicain comme le nôtre) ?.
            Mais sauf à votre conclusion qui n’en est pas la conséquence logique directe puisqu’elle suppose que l’on ne distingue pas « la violence légitime » de la violence « ordinaire » ce qui est pour moi toujours aussi étonnant. Bref le contresens que vous alléguez ne va pas de soi.
            Mais ce n’est pas très grave !

  13. Muglioni

    Peut-être le sociologue Max Weber écrivit-il monopole pour distinguer la situation de son temps de celui où un Prince ou l’église avait un pouvoir de contrainte reconnu. Mais je n’ai pas en vacances son livre pour vérifier cette interprétation
    Si elle est juste, ce serait un contre-sens de donner à sa formule un sens normatif ou même juridique. A discuter !

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  14. Braize

    Pardon mais je ne comprends pas le questionnement sur le sens normatif ou juridique que pourrait avoir l’expression « monopole de la violence légitime par l’Etat ». Cette formule n’a pas de sens normatif ou juridique par elle même. Elle n’est prescriptive de rien, elle constate ce qui existe ou non dans une organisation en société.

    Elle est en effet purement descriptive, en une formule, d’une situation politique dans laquelle la volonté générale confie à un Etat soumis au droit et à lui seul, et non pas à la personne d’un prince ou d’une religion, le pouvoir de coercition pour faire respecter le droit, le pouvoir exécutoire pour mener à bien les décisions publiques et pour faire respecter la volonté du peuple souverain jusqu’au plan international.

    Le contenu juridique et normatif ce sont la Constitution et les lois qui le prévoient et le fixent et pas cette formule qui, dirait-on aujourd’hui, relève plus du commentaire que des faits juridiques eux-mêmes.

    Mais vous nous direz ce qu’en a dit le père de la formule lui-même. Ce sera toujours très intéressant.

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  15. Alain CHAMPSEIX

    Réponse, essai de réponse plutôt, à Incognitototo.

    Vous avez tout à fait raison, je me suis placé à un point de vue absolu. Ce n’etait cependant pas pour soutenir que lui seul est à prendre compte mais pour indiquer qu’on ne pouvait pas faire comme s’il n’existait pas. Si tel était le cas, l’usage même du terme de « politique » serait dépourvu de sens, tout ne serait affaire que de rapports de forces ou d’ idéologies, autrement dit d’opinions ignorantes. Notons, au demeurant, que l’opinion que vous prenez pour exemple, celle qui soutient la thèse du « ruissellement », se réclame de la raison. Elle va jusqu’à se prévaloir du terme de  » théorie.  » Hommage du vice à la vertu, sans doute. Le reproche que l’on peut lui adresser cependant n’est pas seulement et principalement qu’elle soit scientifiquement faible, bien que je vous suive entièrement sur ce point, mais qu’elle part de l’ idée selon laquelle la raison politique est une raison scientifique. Pourquoi ? Parce que l’on ne parviendra pas à me convaincre que la politique concerne autre chose que le bien commun. Or c’est précisément ce dernier qui est constamment éludé dès que l’on estime qu’il suffit de développer la science, la vérité, si l’on veut, pour savoir ce qu’il y a à faire tant sur le plan législatif que sur le plan de l’action gouvernementale. Il se pourrait fort qu’une bonne partie de l’ideologie capitaliste, semblable en cela a à son apparent opposé, le marxisme, se caractérise par l’occultation qu’elle opère du politique par la science ou, plutôt, ce qui se voudrait tel. Vous me rétorquerez peut-être que Condorcet envisage bien une science qui soit politique et non une science antipolitique comme dans ces derniers cas mais il en indique la condition, à savoir que le bien commun, lequel inclut la reconnaissance des droits de l’homme, soit dans cesse pris en compte dans les délibérations. Je vous accorde entièrement que nous sommes très loin du compte. « Nous » : les citoyens de quelque pays que ce soit. Fatalité ? Une question au moins se pose : jusqu’à quel point une société humaine peut-elle se détourner de sa dimension politique ?

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  16. Alain CHAMPSEIX

    À Braize.

    Puisque vous contestez la validité logique de ma conclusion, il faut que je m’explique mieux en commençant par préciser tout de même un point. Je comprends bien que vous ne voulez pas que l’on confonde la violence légitime de l’Etat avec la violence au sens ordinaire, celle qui peut se produire entre particuliers car cela reviendrait à négliger le caractère extraordinaire de l’Etat, le fait qu’il n’est pas un pouvoir comme un autre. Il est le Pouvoir. Il est impossible de ne pas être d’accord avec vous sur ce point. Mais à quoi son caractère extraordinaire tient-il ? Évidemment pas à la force ou à la violence, peu importe le vocabulaire à ce niveau, mais à sa légitimité. Elle seule lui confère un caractère difficilement contestable, elle seule fait qu’il est source d’obligation. Or Rousseau est démonstratif à ce propos : il n’y a de légitime que ce qui s’accorde avec la liberté de chacun ou, mieux, ce qui la garantit. Tel est le cas de l’Etat (sans lui, adieu la liberté !). Or c’est précisément parce qu’il correspond à la possibilité toute humaine de la liberté qu’il est ce qui s’oppose par essence à la violence que l’on pourrait subir de la part des autres ou de quelque pouvoir particulier que ce soit. Lorsqu’un gouvernement exerce une quelconque violence, il se comporte comme un simple particulier et , de plus, il se rend odieux car il va à l’encontre de sa raison d’ être à savoir l’ordre politique.

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  17. BRAIZE

    En fait en avançant progressivement nous sommes d’accord en tous cas je le suis avec vous si vous dites, s j’ai bien compris, que la violence légitime dont l’Etat a le monopole n’est pas la violence ordinaire et que si l’Etat se comporte non plus sur le terrain de la violence légitime (qui est celle de l’application du droit expression de la volonté générale) mais comme un simple particulier sur le terrain de la violence ordinaire alors il sort du cadre. C’est ce que j’avais expliqué dans un commentaire précédent avec la présentation de la théorie de la voie de fait de notre droit administratif.

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  18. Alain CHAMPSEIX

    Nous avançons en effet et je ne saurais trop vous remercier de cette discussion mais notre désaccord subsiste car si je comprends bien que vous ne mettez pas sur le même plan la violence exercée par l’Etat dans le cadre du droit et la violence des particuliers qui enfreignent le droit, il n’en reste pas moins que la notion de « violence légitime » me paraît dépourvue de sens pour quelque pays que ce soit en raison de la signification courante du mot  » violence » comme je me suis efforcé de le montrer. Pure affaire de vocabulaire ? Je ne crois pas (si tant est que les mots puissent être sans portée). Très récemment, le Ministre de l’Interieur fit référence à cette expression de Weber pour justifier certaines actions de police. J’ai comme le sentiment qu’il a marqué contre son camp. Pourquoi ? Parce qu’il aurait pu tenir un autre langage, nettement plus républicain au demeurant, comme le suivant : « Il arrive que les forces de l’ordre doivent faire usage de la force quand la sécurité publique et la liberté de tous sont menacées. Tel est leur objectif suprême, leur seul objectif.  » Si l’on parle de « violence légitime », inévitablement on envisage comme une guerre, au moins en puissance, entre l’Etat et certains citoyens alors que l’ intérêt que représente ce dernier est tout autre : fédérer les volontés et, par là, assurer la paix.

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    1. Braize

      Vous suggérez que notre désaccord n’est pas que terminologique alors que nous nous accordions point par point.
      Je n’envisage absolument pas l’expression de « monopole de la violence légitime » comme une guerre. D’où sortez vous cela de mes propos ? C’est presque désagréable.
      Et ce n’est pas l’expression intellectuellement dégradée d’un ministre qui conduit ou nous condamne à devoir envisager la régulation par le droit sous le joug si nécessaire de la force publique (car c’est cela est seulement cela le « monopole de la violence légitime ») comme la guerre !
      Encore une fois l’expression est un tout non sécable – monopole, violence légitime – et vous ne pouvez pas pour la condamner ne faire référence qu’à une partie du concept au gré de ce qui vous convient. Tantôt le refus du pouvoir exclusif, tantôt celui de la violence légitime et parfois les deux.
      Donc pour ma part j’en resterai là dans cette discussion tous les arguments ayant été échangés. Nous pouvons la clore, cordialement, sur le constat de notre désaccord sur ces termes.

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  19. Alain CHAMPSEIX

    Je pense, en effet, qu’il vaut mieux que nous mettions fin à cet échange car un accord ne saurait être extorqué et le désaccord n’implique pas l’inimitié. Il est possible, je pense, de s’ écarter des moeurs communes des réseaux sociaux. Je ne comprends cependant pas pourquoi vous donnez un tour personnel à ce qui ne relève que de l’argumentation. Deux exemples. 1) Je n’ai pas soutenu que VOUS aviez une conception belliqueuse de l’ordre civil mais que l’expression de Weber, du moins dans sa traduction française, entraînait inévitablement cette conséquence. 2) Je ne me suis pas appuyé sur une conception variable, arbitraire et personnelle de la violence mais, au contraire, sur le sens courant du terme car si l’on s’en écarte, on risque fort de ne plus savoir de quoi l’on parle. Vous avez avancé vos explications, j’ai avancé les miennes. C’est à présent aux éventuels lecteurs de forger leur propre jugement. Ils sont souverains en la matière.

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    1. Braize

      D’accord avec vous sur la nécessité de ne pas sombrer dans les travers des réseaux sociaux et d’échanger tranquillement des arguments ce que nous avons fait.
      Comme je ne pense pas que l’expression de Weber – le monopole de la violence légitime – entraine, je vous cite, « inévitablement une conception belliqueuse de l’ordre civil » (et avec de nombreux autres juristes je crois, nous sommes la preuve vivante du contraire) je me suis permis de ne pas très bien prendre votre propos sans nuance à ce sujet. La manière dont un propos est reçu par ses récepteurs a aussi son importance.

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      1. Alain CHAMPSEIX

        On peut en effet admettre que le point de vue, pas seulement subjectif, du destinataire importe. Seulement, dans le cas présent, ce dernier n’est pas seulement celui des juristes mais celui de tous ou de la société toute entière. Au demeurant, vous avez vous même admis plus haut que l’expression weberienne relevait plus du métadiscours sur le droit que du domaine juridique strict. Je me permettrais bien, pour finir, une remarque mue par aucune intention polémique. Vous évoquez la plupart des juristes mais un corps pense-t-il quelque chose, que ce soit celui des juristes, celui des professeurs de philosophie, celui des artistes ou des électriciens ? Ce sont toujours des individus qui pensent peu ou prou.

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  20. Braize

    En effet ce sont toujours les individus qui pensent, discours ou métadiscours d’ailleurs, mais il arrive qu’un « sentiment » collectif soit dominant, y compris parfois jusqu’à sacrifier à des modes, et influence les pensées individuelles.
    Quant à « l’argument » tiré du supposé caractère belliciste de ma conception attachée à mon adhésion à une expression que vous discutez, je préfère l’oublier. Je n’accorde aucun crédit au mécanisme « intellectuel » qui consiste à disqualifier le point de vue adverse comme on accuse son chien de la rage à bon compte pour s’en débarrasser. Pour ma part je me suis bien gardé de vous prêter une quelconque naïveté.
    J’en resterai donc là.

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  21. Alain CHAMPSEIX

    En ce cas, je préfère oublier moi aussi que vous m’avez reproché une erreur logique élémentaire.

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  22. Ping : L’autorité politique est-elle une illusion ? ( sur un livre de M. Huemer et D. Hayman) - Mezetulle

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