En me rendant au Lycée de Sèvres pour une rencontre philosophique, je tombe sur ce graff juste à côté de l’entrée de l’établissement :
Je m’étonne et m’offusque de ce que je prends au mieux pour la méconnaissance d’un prénom emblématique de la pensée et de la littérature, au pire pour une insulte au plus grand théoricien politique de langue française. Mais on m’explique que non, pas du tout : le graffeur a probablement fait référence à l’humoriste Gad Elmaleh, qui utilise le prénom « Jean-Jacques » pour désigner le comble du conformisme.
Arrgh, je manque de culture.
Désireuse de combler mon ignorance, je trouve sur le web un entretien publié par FranceGazette.com en 2009, où Gad Elmaleh explique ce qu’il entend par « Jean-Jacques » et la « jean-jacquisation » :
« Un Jean-Jacques est un mec qui fait bien les choses, qui ne prend pas trop de risques. Il pourrait s’appeler Bruno, Amed, Jean-Louis, Isaac, Igor. Un Jean-Jacques est un mec qui est dans la jeanjacquisation. C’est surtout ça. Je pense que c’est plus clair de le dire comme ça. C’est quelqu’un qui jean-jacquise. Des fois, des copains se marient et ils se jean-jacquisent, tu ne les vois plus trop. Ils sont Jean-Jacques… Ils veulent être tranquilles. Pardon à tous les Jean-Jacques ! »
Il n’empêche que des milliers de Jean-Jacques ont reçu leur prénom en hommage à ce Jean-Jacques qui a pris de grands risques, qui a reçu des pierres, qui n’a jamais rejoint les cohortes pantouflardes protégées, et qui a été persécuté pour avoir fait les choses un peu trop bien.
Gad Elmaleh y a-t-il pensé en demandant « pardon à tous les Jean-Jacques » ?
Et pour répondre au graffeur à la courte culture : on aimerait que les politiques aujourd’hui se jean-jacquisent sérieusement en lisant Rousseau.
© Mezetulle, 2016