Marc Lefèvre1 m’envoie ce texte poignant de lucidité sur Israël et le Moyen-Orient. Comment penser après le massacre du 7 octobre, sinon en faisant le tour de la violence, des pièges, des illusions, des « erreurs stratégiques ineptes », des divisions internes, et même d’une énergie qui peut se retourner contre elle-même ? Il n’y a ici, comme il le dit, « ni conseils ni recommandations » mais, au moment le plus amer de l’analyse, les yeux grands ouverts, « juste des interrogations et un espoir » .
Mon engagement
Je suis français de naissance et israélien par choix depuis plus de 50 ans. Un choix animé par le besoin de participer à la continuation de l’histoire du peuple juif, à son rebondissement par la renaissance d’un nouvel État d’Israël. Un choix guidé depuis le début par la conviction que construire une justice pour le peuple juif, et réparer l’injustice des crimes et des massacres endurés depuis si longtemps, ne pouvait se faire en tolérant qu’une autre injustice se développe à ses côtés.
J’étais conscient des difficultés et des obstacles ; ma conduite était guidée par la recherche constante et déterminée d’un nécessaire compromis politique et territorial avec un peuple palestinien qui habitait aussi cette terre. La lutte contre un développement territorial imposé par la force, qui génère injustice, ressentiment et fanatisme chez le voisin palestinien, et qui concourt à ce que les haines générées soient le ferment d’un conflit sans issue, a toujours été pour moi une évidence. Cette conviction et cette nécessité m’ont toujours nourri dans les vicissitudes ; elles ont sous-tendu mon engagement continuel contre les ravages du fanatisme chauvin, instrumentalisé par une référence dévoyée à la tradition religieuse du judaïsme.
Mais, en même temps, au cours de ces années d’action, la préférence donnée par l’adversaire palestinien à un terrorisme indiscriminé plutôt qu’à une lutte politique a régulièrement montré que l’occupation israélienne était loin d’être seule responsable de la perpétuation et de l’aggravation continue du conflit. Notre difficulté à faire accepter l’idée et le risque d’un partage du territoire par une majorité en Israël était entretenue par le refus d’un partage de ce même territoire par l’adversaire palestinien.
Écrire pour surmonter l’horreur
Là-dessus est arrivée l’horreur semée par l’invasion barbare du 7 octobre.
La douleur, la colère et la confusion parmi les victimes et leurs proches, mais aussi dans l’esprit et le corps de tous les Israéliens et de ceux qui leur sont proches, nous ont submergés. Il fallait canaliser ses sentiments et ordonner ses pensées pour éviter qu’ils nous démembrent. Écrire était nécessaire pour ne pas procrastiner, et pour continuer à avancer. Écrire pour comprendre comment nous en sommes arrivés là, mais sans nous perdre dans les méandres des complexités et des causes multiples, ni risquer de nous égarer à absoudre les égorgeurs et les violeurs.
Mais, dans la confusion et l’émotion du spectacle de la barbarie, il fallait d’abord donner cours à l’empathie, et ne pas se réfugier dans des analyses distanciées qui éloignent des victimes et de l’horreur. Comment à la fois résister à la tentation de la simplification, et ne pas dissoudre l’empathie dans la prise en compte de la complexité et des recherches explicatives sur des causes ?
La sidération bloquait la pensée et l’écriture. Et puis, la noyade dans l’information permettait de résister à la solitude. Alors, avec le temps, la place se fait aux réflexions et aux analyses. Des réflexions alimentées par les avantages que procure une bi-culturalité et un parcours personnel particulier. Des dizaines d’années vécues en Israël comme étudiant, enseignant, mais aussi comme travailleur et comme entrepreneur m’ont permis d’appréhender une société multiple, communautariste autant que communautaire où secteurs, cultures et traditions se côtoient sans toujours se connaître et se comprendre. Un pays complexe et rude où cohabitent des secteurs cloisonnés et imperméables aux influences extérieures, pendant qu’une autre partie de la population amène les richesses et les intelligences de pays et de cultures de provenances multiples. Ressentir ces sensibilités et ces diversités, les fréquenter en les confrontant aux perceptions de sociétés occidentales différentes, peuvent affûter et enrichir les réflexions si l’on ne s’y perd pas.
Le constat. Punition
Israël est puni.
Un État dont la création a été laborieusement acquise ; car la barbarie de la Shoah empêchait toute autre issue que la voie étroite d’un nouveau petit pays étroitement imbriqué dans un environnement hostile.
Un pays, un Peuple que le sang et la violence de sa naissance n’auront jamais quitté. Un pays toléré, mais toujours scruté et examiné. Un pays toujours jugé, mais difficilement compris et accepté.
Un pays reconnu et estimé par beaucoup, mais sans doute aussi jalousé par d’autres, ou les mêmes, dans ses qualités, sa vitalité et ses succès.
Un pays dont les erreurs, les excès et les fautes sont beaucoup moins tolérés que ceux d’un autre État.
Des regards extérieurs prêts aux critiques obsessives, trop souvent empreintes d’arrière-pensées.
Une compassion et une empathie vite effacées et oubliées dans une arithmétique simplifiée des pertes humaines respectives.
Deux Israël ont été massacrés le 7 Octobre :
- l’Israël du travail, du dévouement noble et silencieux à la construction et à la défense de son pays, représenté par les établissements agricoles face à Gaza, et par ces villes de développement jamais accoutumées aux bombardements de roquettes de leur voisin ;
- mais aussi l’Israël d’une jeunesse festive, hédoniste et insouciante, avide de saisir toutes les opportunités de s’évader d’une réalité âpre et incertaine.
Horreur et injustice, ces enfants, ces femmes, ces mères, ces hommes, ces pères, jeunes et moins jeunes, n’avaient fait de mal à personne et ne voulaient de mal à personne. Ils existaient, ils essayaient de vivre et de construire. La plupart d’entre eux appartenaient et s’identifiaient justement à ce segment important de la société israélienne qui s’était mobilisé durant ces derniers mois pour défendre leur système juridique démocratique et empêcher les dérives autoritaires, sectaires et intolérantes d’une fraction inquiétante de la société israélienne.
Par tradition et par engagement, beaucoup appartenaient à cette partie du pays qui sait avec lucidité que sa sécurité et son avenir ne seront garantis que par un accord de paix avec les voisins qui partagent cette terre. Ils étaient conscients pour beaucoup qu’une recherche, certes difficile et incertaine, de compromis territorial et politique, était néanmoins la seule garantie de leur futur dans leur pays.
C’est cet Israël-là qui a été attaqué et massacré avec la plus extrême barbarie par des voisins qui ne font pas la différence, et pour qui l’anéantissement de tous les Israéliens est l’unique objectif.
Des pièges tendus depuis l’origine
Que faire face à la barbarie et à la haine ? La rage, le dégoût et le désarroi ne font pas pour autant oublier la complexité. Que n’aurions-nous pas vu ?
Dès les lendemains de la victoire salvatrice de 1967, de jeunes soldats israéliens sortaient de cette guerre, en échangeant, en écrivant2 et en mettant en garde : dans l’ivresse du soulagement de la victoire, un piège pouvait se refermer sur nous si cette occupation devait perdurer, avec sa propre dynamique difficilement contrôlable.
Et nos ennemis temporairement battus et affaiblis ont fait le choix stratégique de nous tendre ce piège et de nous y laisser tomber dès les « trois non » de Khartoum de l’été 19673.
Graduellement, insidieusement, les contraintes imposées par un maintien de l’occupation des nouveaux territoires conquis en 1967 ont produit leurs effets pervers : incapacité à voir dans l’adversaire un être égal dans ses droits ; tolérance grandissante à l’intolérance ; affaiblissement de nos valeurs morales ; excès de confiance pour masquer les incertitudes.
Des erreurs stratégiques au chaos
Nous payons ces pièges. Nous avons vécu dans l’illusion que nous avions toujours l’avantage de l’initiative, alors que nous n’avons fait que réagir aux initiatives de nos adversaires :
- piège de la guerre d’usure sur le Canal de Suez qui nous a faussement rassurés et empêchés de voir arriver le jour de Kippour de 1973 ;
- pièges des guerres successives au Liban ;
- pièges des violences induites par la perpétuation de l’occupation ;
- pièges de l’extension méthodique et effrénée de la colonisation.
Avec le sentiment de son honneur retrouvé après 1973, c’est Anouar El Sadate qui a pris l’initiative de nous délivrer une deuxième fois de l’Egypte en échange de la paix. Les rares fois où nous avons pris l’initiative, comme lors de l’avancée politique des accords d’Oslo à la suite de la première Intifada, les extrémistes des deux camps se sont retrouvés pour créer les conditions de l’assassinat d’Itzhak Rabin, lui qui portait avec prudence le flambeau de l’espoir après avoir conduit le flambeau de succès militaires depuis 1948. L’espoir d’un autre avenir nous a quittés le jour où Itzhak Rabin a été assassiné, non par un terroriste palestinien mais par un citoyen de son propre pays. Le pays ne s’est pas remis de cet acte.
Malgré quelques tentatives courageuses, nous vivons depuis une lente descente vers le chaos. Le piège continue de se refermer sur nous. Israël continue de se singulariser par son dynamisme, sa créativité et sa vivacité, mais sur le damier, le noir côtoie le blanc. Abnégation, don de soi et créativité d’une jeunesse cohabitent avec une autre jeunesse violente, raciste et enfermée dans ses fausses certitudes.
Pendant ce temps-là, nos voisins observent, apprennent, souvent dans nos prisons, à nous comprendre mieux que nous ne les comprenons, et attendent…
Le 7 octobre nous a éclaté à la figure la démonstration sanglante et barbare des erreurs stratégiques des différents gouvernements d’Israël, ainsi que d’une majorité de la population qui voulait s’y raccrocher :
« Les Palestiniens se soumettront à nos politiques de maintien de l’ordre sous toutes leurs formes, même les plus brutales. »
« À côté de notre prospérité économique dont ils récolteront quelques miettes, ils se satisferont d’une relative suffisance économique pour oublier toute revendication nationale. »
« Toute tentative de recherche de solution au conflit national sera annihilée en continuant à affaiblir encore plus une Autorité palestinienne corrompue et décrédibilisée et en aidant leurs adversaires islamistes radicaux dont nous croyons pouvoir contrôler et, au passage, instrumentaliser la menace. »
« Pendant ce temps-là, nous créons des faits accomplis en continuant de coloniser la Cisjordanie occupée, et en misant sur une indifférence des régimes arabes de la région. »
Les illusions perdues
Depuis la démonstration douloureuse de l’ineptie de ces illusions stratégiques, le pays dans son immense majorité fait face avec énergie. À la différence des pays occidentaux les plus proches culturellement et politiquement, la guerre n’a jamais quitté Israël, quelles que soient les générations. Ce sentiment de vouloir vivre en ignorant quels seront les lendemains nourrit l’énergie qui caractérise la société israélienne. Mais on ne pourra plus s’appuyer sur ces fausses certitudes stratégiques qui ont permis l’invasion du pays, la mort de milliers d’Israéliens et le déplacement de dizaines de milliers de réfugiés.
Et, même si ce n’est pas l’heure, le désarroi existentiel est là, puisque toutes les options politiques ont été rendues impossibles.
Cependant, en préalable – et ceci est valable pour Israël dans toutes ses composantes et ses sensibilités –, il est impensable qu’une invasion territoriale du type du 7 octobre se reproduise au Sud et encore moins au Nord. La priorité est donc de se défendre, de détruire, ou à tout le moins de réduire significativement, les menaces terroristes et militaires aux frontières.
Mais si nous admettons que c’est nécessaire et inévitable, sommes-nous réellement prêts à jeter aux orties la politique et la stratégie qui nous ont amenés là où nous en sommes aujourd’hui ? Et, surtout, en sommes- nous capables ?
Israël isolé, fracturé, affaibli
Le Hamas connaissait les conséquences humanitaires de ses actions sur la population et il refuse de les assumer. Et les réseaux mondiaux fréristes, la frilosité de gouvernements craintifs des affrontements intercommunautaires chez eux, la bêtise, l’inculture politique et un antisémitisme sous-jacent accomplissent ce que le Hamas escomptait : c’est Israël qui est tenu pour le seul responsable du bourbier humanitaire dans lequel les populations otages du Hamas se trouvent.
Donc le combat de la compassion est perdu. Et Israël se retrouve maintenant sur la pente dangereuse de la perte de sa légitimité.
Des jeunes fanatisés et pogromistes oublient que le judaïsme qu’ils revendiquent est en fait un judaïsme idolâtre de la Terre. Ils attisent une hystérie et un obscurantisme messianiques d’une fraction grandissante de la population israélienne.
Anticipant l’idée d’un nouveau Moyen-Orient qui intégrerait Israël, les pays sunnites plus modérés, les monarchies et émirats du Golfe ne sont certainement pas mécontents de se retrouver face à un pays affaibli politiquement. Son excès de confiance les dérangeait, et ils redoutaient à terme sa possible hégémonie économique et technologique.
Un Israël affaibli militairement, politiquement, et à terme économiquement, arrange en fait tout le monde : que ce soient les démocraties occidentales fatiguées de l’arrogance des gouvernements israéliens successifs, ou un Moyen-Orient peut-être résigné à une intégration à terme d’Israël, mais pas à n’importe quelles conditions.
Un chemin après la barbarie ?
Après les horreurs des viols et des massacres, après les sacrifices humains de cette guerre, toutes ces vies de soldats données pour la défense du pays, comment ce même pays saura-t-il défendre ses intérêts et sa survie par la sagesse de la raison ? Comment saura-t-il ne pas tomber dans le piège des passions ? Comment va-t-il affronter le spectre d’une guerre civile quasi inévitable contre ses extrémistes suicidaires ? Comment va-t-il pouvoir préserver en même temps un des seuls éléments encore encourageants dans cette période de désarroi et d’incertitudes – la quiétude relative des relations entre citoyens arabes et juifs à l’intérieur de l’État d’Israël ?
L’ordre va-t-il sortir du chaos ? Le chaos des divisions internes à la société israélienne, des affrontements presque irréconciliables entre des conceptions antagonistes de ce que doit être un État juif ? Un État démocratique et respectueux des droits et aspirations des minorités ? ou suprémaciste ? Respectueux de nécessaires contre-pouvoirs mis en place, ou soumis au populisme, aux intransigeances religieuses et à la démagogie ?
Pendant ce temps, nos adversaires, nos voisins, ceux qui ne se sont jamais résolus à l’établissement au sein du Moyen-Orient d’un État à majorité non musulmane, qu’ils soient des opposants audibles ou silencieux, attendent notre décomposition. Ils ont le temps, ils ne sont pas pressés. La désagrégation peut être lente, minée par un rétrécissement continu de la compréhension internationale, et par nos propres déchirements internes, répétition de la destruction du deuxième Temple ; elle peut être plus rapide, dans l’hypothèse d’un échec militaire majeur.
Concilier l’inconciliable
Les fondateurs du mouvement sioniste et les premiers dirigeants de l’État d’Israël avaient l’intelligence du monde d’où ils étaient issus et où ils s’étaient formés. Ils ont su montrer le juste équilibre entre l’ambition de l’objectif, la prise en compte et l’utilisation de nos contraintes et de nos limites.
On voit aujourd’hui les ravages de l’excès de confiance et de la méconnaissance des mondes extérieurs par une fraction trop importante de ceux qui sont aux manettes de l’État, qu’ils soient politiques ou militaires. L’intelligence du monde contemporain, le contact et les échanges avec l’altérité, sont le privilège de certains secteurs intellectuels, académiques, artistiques et du monde de la haute technologie (quand il ne s’agit pas de fournir des technologies de surveillance aux dictatures).
Cela est-il suffisant ?
Le sentiment d’insécurité physique, le désarroi existentiel, la perception d’un isolement et d’une incompréhension grandissants ne sont pas les meilleures conditions pour entendre, comprendre et prendre en compte les altérités qui ébranlent les certitudes, même quand ces altérités sont bienveillantes. Le risque étant qu’au bout du compte un Israël qui se referme sur lui-même soit abandonné. Et les signes annonciateurs de cet abandon sont déjà là.
Israël sait qu’il se sauvera uniquement par sa vitalité viscérale. Une énergie d’un peuple qui ne tient pas en place, et qui n’a jamais été capable ni désireux de se tenir à une place qui lui aurait été assignée. Cette vitalité dérange le monde, l’agace. Non seulement nos échecs et nos erreurs, mais aussi nos succès et nos réussites suscitent hostilité et jalousie.
Comment utiliser cette vitalité pour qu’elle ne se retourne pas contre nous ?
Au-delà de nos capacités propres, qui sont les seules vraies armes sur lesquelles nous pouvons compter, saurons-nous également reconnaître les bienveillances extérieures et les utiliser à bon escient pour sortir des pièges tendus ?
Il n’y a ici ni conseils ni recommandations, juste des interrogations et un espoir.
Notes
1– Marc Lefèvre est expert en sécurité nucléaire et membre du parti israélien Meretz (Gauche socialiste)..
2– Siah Lokhamin « Ahdut » Octobre 1967 The Seventh Day “Penguin books” 1971.
3– Réunis après la défaite de juin 1967 les principaux pays arabes dont l’Égypte, la Jordanie et la Syrie, ont ratifié une résolution connue comme les « trois non » de Khartoum qui a constitué la base de leur politique jusqu’à la guerre de Kippour de 1973. Elle stipulait :
- pas de paix avec Israël,
- pas de reconnaissance d’Israël,
- pas de négociation avec Israël.
Merci pour ce pathétique témoignage qui nous vient du coeur même d’une tragédie en cours. Rappelons que déjà pour les Grecs une tragédie, c’est une histoire dont les protagonistes ont tous leurs raisons d’avoir tort et tort d’avoir (leurs) raison(s).
Marc Lefèvre est conscient qu’une “injustice ne doit pas se réparer par le développement d’une injustice voisine”. Conscient qu’un développement territorial imposé par la force ne peut que génèrer “injustice, ressentiment et fanatisme chez le voisin palestinien, et qui concourt à ce que les haines générées soient le ferment d’un conflit sans issue”. Conscient de son “engagement continuel contre les ravages du fanatisme chauvin, instrumentalisé par une référence dévoyée à la tradition religieuse du judaïsme”… MAIS qui semble avoir oublié que la création même de l’Etat d’Israël n’a comme fondement existentiel sur cette terre que cette référence à une tradition religieuse. Conscient que “l’occupation israélienne était loin d’être seule responsable de la perpétuation et de l’aggravation continue du conflit”, mais reconnaissant, dans l’expression même, la responsabilité d’Israël dans la perpétuation et l’aggravation continue du conflit. Conscient que le refus mutuel du partage d’un même territoire par deux peuples ne peut qu’entraîner conflits, guerres et malheurs. (Je vous écris d’Alsace dont la tragique histoire illustre jusqu’à quelles horreurs et absurdités peuvent pousser des antagonismes nationalistes voisins et revanchards)
Marc Lefèvre est conscient (mais l’est-il suffisamment ?) que, pour avoir survécu à la barbarie génocidaire d’une Shoah, un peuple pouvait être mal inspiré de vouloir trouver son salut en s’installant, de force, dans un “environnement hostile”, (où une génération de pionniers avait déjà subi d’odieux pogroms précédemment, on pensera notamment au massacre d’Hébron en 1929).
Il est juste de rappeler que les victimes de la barbarie commise par le Hamas le 7 octobre” n’avaient fait de mal à personne et ne voulaient de mal à personne. Ils existaient, ils essayaient de vivre et de construire.” MAIS peut-on ignorer que, même “innocentes, bienveillantes et juste tentant de vivre et construire” leur petit home (voire leur sam’suffit) de pays, elles étaient membres d’un Etat qui, malgré sa reconnaissance et sa légitimation internationale par l’ONU depuis 1948, n’a jamais été accepté par les pays voisins (où des expatriés palestiniens victimes de l’idéologie nationaliste juive ont dû se réfugier) et qui depuis 1967 développe une drastique politique de colonisation de terres conquises par la guerre, au mépris du droit international ? Même les mobilisations contre “les dérives autoritaires, sectaires et intolérantes d’une fraction inquiétante de la société israélienne” se sont montrées impuissantes voire ont renoncé, depuis l’assassinat d’Itzhak Rabin, à construire une crédible opposition et moins encore à pouvoir offrir une alternative politique à l’insupportable dérive ethnoreligieuse de l’Etat d’Israël.
C’est avec émotion qu’on voit Marc Lefèvre noter que “Le 7 octobre nous a éclaté à la figure la démonstration sanglante et barbare des erreurs stratégiques des différents gouvernements d’Israël, ainsi que d’une majorité de la population qui voulait s’y raccrocher”. Avec émotion aussi on le voit exprimant son “désarroi existentiel” devant “toutes les options politiques rendues impossibles”, MAIS c’est avec inquiétude qu’on le voit conclure, tout en étant conscient qu’Israël s’engageait ainsi sur la perte de sa légitimité, que seule l’option militaire (détruire l’ennemi essentialisé en terroriste) est conséquemment possible.
Si la communauté internationale (dont les pays arabes), toutes intelligentsias confondues, s’était tout de suite et vivement indignée des atrocités inhumaines commises par une barbarie de voisinage contre un pays dont l’existence légale au sein de la communauté internationale est reconnue depuis 75 ans, peut-être qu’Israël n’aurait pas eu à aller chercher lui-même les auteurs de cette barbarie, ni ne serait tombé lui-même dans une barbarie pire en imaginant pouvoir éliminer des barbares au milieu d’une population civile incapable de s’en distinguer.
Mais, lorsqu’on va soi-même chercher, chez lui, celui qui vous aura, préalablement, menacé de mort voire aura tenté de vous tuer, on n’est plus en état de légitime défense. Mais de vengeance. Laquelle ne peut jamais être justice ni légitimée par quelque droit international. On sait bien que le gain d’une guerre peut dépendre d’une attaque préventive de l’ennemi mobilisé contre vous (ce qu’Israël a réussi en 1967), mais ce n’est guère une stratégie que l’on peut espérer voir applaudie par le droit international. Quant à qui croirait encore (avec Machiavel ?) que la manière la plus sûre de ne pas avoir à redouter la vengeance ou l’irrédentisme d’un ennemi, c’est de le détruire entièrement, lui et sa possible descendance, il oublierait que dans le monde contemporain cela n’est plus guère concevable tant sont nombreuses et vastes les alliances et les confraternités religieuses ou idéologiques.
On comprend que, même avec la conscience de vivre une tragédie (où, rappelons-le, les choses ne peuvent que mal finir pour la plupart des protagonistes, sinon pour tous), on veuille ne pas vouloir désespérer de pouvoir vivre malgré tout. MAIS l’histoire nous enseigne que le Royaume chrétien de Jérusalem (conquis par la guerre et selon ce qu’on estimait le saint dessein de Dieu) dura moins d’un siècle. Et même quand on se saurait (fût-ce inconsciemment) membre d’un peuple élu par Dieu (justification existentielle de la notion de nation juive), on a le droit de douter et de Dieu et du destin de peuples prétendument élus par leur dieu.
On aura compris, je l’espère, que je n’exprime ici ni conseils ni recommandations, mais juste des interrogations… et un désespoir.
Mezetulle a reçu la réponse de Marc Lefèvre :
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Le ton et les argumentations développées dans ce commentaire ne font qu’éclairer mes propos sur l’isolement grandissant des Juifs israéliens et l’incompréhension dont ils font l’objet (mais dont ils se remettront).
Oser parler d’un fondement existentiel à la terre, en référence à une tradition religieuse est l’indicateur d’une profonde ignorance de l’histoire d’un mouvement sioniste, qui s’est toujours voulu un mouvement politique s’inscrivant dans la dynamique des mouvements d’identité et de libération nationales qui animaient l’Europe de la fin du XIXe siècle, et en opposition aux diverses tendances religieuses encore prédominantes dans les communautés juives de l’époque. On peut se replonger dans l’essai utopique Altneuland de Théodore Herzl pour mieux comprendre la nature nationale et laïque des fondements du mouvement sioniste.
Il suffit de relire les minutes des premiers congrès sionistes pour comprendre que la préférence donnée à la colonisation dans la Palestine turque plutôt qu’en Ouganda était un choix pragmatique qui voyait la référence historique comme plus attractive mais sans plus.
Pour conclure, je dirai que confondre peuple et nation , choix et élection, assimiler la légitime défense à une vengeance, essentialiser le terrorisme, et déplorer la mauvaise inspiration à vouloir une existence nationale sans se soumettre à la bienveillance des Gentils, montrent que le dialogue et l’échange ont leurs limites et que pour se libérer de la condescendance, les Juifs israéliens ont raison et n’ont pas d’autres choix que de d’abord compter sur eux-mêmes.
Je voudrais remercier Madame Kintzler d’avoir permis cet échange avec vous, Monsieur Lefèvre, et vous assurer que plus que de la compassion pour Israël, je me sens une véritable empathie avec cet État (dont je partage d’ailleurs l’âge) dont l’histoire, longtemps dramatique mais aussi toujours en risque de tragédie, tantôt m’enthousiasme, toujours m’émeut et, hélas, de plus en plus souvent, m’inquiète.
C’est en ami et soutien d’Israël que j’ai pris le plaisir et la peine de lire et relire votre pathétique témoignage sur ce qu’Israël est en train de vivre, de subir mais hélas aussi de faire subir. Et c’est par estime pour votre démarche tant intellectuelle qu’affective que je me suis permis de vous en proposer ma relecture et d’en pointer certaines possibles pierres d’achoppement (pour ne pas dire de paradoxaux ‘Stolpersteine’).
En guise de pièce à conviction de mon soutien à Israël, je peux vous proposer ce lien vers mon blog où, il y a bientôt quelques années, je tentais d’argumenter ma critique d’une lettre que Shlomo Sand avait alors adressée à E. Macron pour lui faire, à mon avis, un mauvais procès sur son discours, tenu en 2017 en présence de Benjamin Netanyahou, pour la commémoration de la rafle du Vél’ d’Hiv. :
https://claustaire.home.blog/2019/02/24/commentaires-2019-dune-lettre-de-shlomo-sand-2017-adressee-a-emmanuel-macron/
Avec ma plus respectueuse sympathie.
C.S. Claustaire
Texte poignant qui témoigne d’un engagement fort envers une idée émancipatrice bâtie sur une injustice et qui n’en finit pas de retrécir.
La douleur, suite au massacre du 7 octobre est palpable, et on hésite à faire des remarques. Mais la lucidité ne s’oppose pas aux « interrogations et à l’espoir ».
Comment se fait il que, dans ce texte, il soit à peine fait allusion à l’histoire de l’implantation des juifs en Palestine depuis 1900 ( Déclaration Balfour, commission Peel,…) »?
Quand Marc Lefevre écrit : »Un État dont la création a été laborieusement acquise ; car la barbarie de la Shoah empêchait toute autre issue que la voie étroite d’un nouveau petit pays étroitement imbriqué dans un environnement hostile. » Comment se fait il que l’auteur accorde tant d’importance au génocide des juifs dans la création d’Israël alors que » la voie étroite d’un nouveau petit pays » était déjà jalonnée par une histoire déjà longue d’un siècle? Comme le montre G Bensoussan, dans son livre : »UN NOM IMPÉRISSABLE. ISRAËL, LE SIONISME ET LA DESTRUCTION DES JUIFS D’EUROPE (1933-2007) » Israël n’est pas né de la Shoah et le prétendre c’est nié le rôle moteur du projet sioniste.
Enfin L’auteur conclut par un véritable ymne à la vitalité d’Israël: »Israël sait qu’il se sauvera uniquement par sa vitalité viscérale. Une énergie d’un peuple qui ne tient pas en place, et qui n’a jamais été capable ni désireux de se tenir à une place qui lui aurait été assignée. Cette vitalité dérange le monde, l’agace. Non seulement nos échecs et nos erreurs, mais aussi nos succès et nos réussites suscitent hostilité et jalousie.
Comment utiliser cette vitalité pour qu’elle ne se retourne pas contre nous ?
Au-delà de nos capacités propres, qui sont les seules vraies armes sur lesquelles nous pouvons compter, saurons-nous également reconnaître les bienveillances extérieures et les utiliser à bon escient pour sortir des pièges tendus ? »
Mais il est difficile, en lisant ces lignes, de ne pas penser à la loi du 18 juillet 2018 qui fait d’Israël l’État Nation du seul peuple juif, donc des seuls israéliens juifs. L’article 1er de cette nouvelle loi fondamentale indique que «l’État d’Israël est le foyer national du peuple juif» dans lequel celui-ci «exerce son droit naturel, culturel, religieux et historique à l’autodétermination», en précisant que ce droit à «l’autodétermination nationale au sein de l’État d’Israël est exclusif au peuple juif».
Si la vitalité dont parle Marc Lefévre passe par cette exclusivité donnée aux israèliens juifs, n’est pas là une interrogation majeure qu’on devrait faire?
Pierre Leyraud
Mezetulle a reçu la réponse de Marc Lefèvre :
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Ce texte ne s’est pas voulu un texte d’analyse dans une exhaustivité de rappels historiques et politiques. Il y a des moments dans l’histoire des Etats où l’émotion guide, et est une voie de salut et de clairvoyance. Par-delà le profil et le parcours de l’auteur, l’ambition était de faire partager et ressentir ce qui traverse l’âme collective d’un Peuple entier rassemblé dans l’affliction et la lutte.
Texte particulièrement lucide et profond.
Reste que pour Israel comme pour les autres (démocraties), dont les US, compte tenu des enjeux actuels, n’aura pas d’avenir sans :
– une assise morale « universaliste » servant de guide et assurant une légitimité salvatrice
– corollaire : un refus de toute forme de fondamentalisme et de la priorisation sur le communautarisme – autrement dit, des valeurs universalistes doivent passer avant toute forme de communautarisme.
La légitimité des démocraties vs les régimes autoritaires se joue à ce stade ; mais pour Israel, l’enjeu est quasi existentiel : état religieux ou démocratie universaliste ? Le premier piège est dans cette contradiction fondatrice, dans le glissement d’un statut de minorité au sein d’états divers à celui d’un état souverain appelé à assumer les contraintes de la realpolitik.
Mezetulle a reçu la réponse de Marc Lefèvre.
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« Même si certains en son sein le souhaitent, Israël n’est pas un état religieux. Ne pas confondre le sentiment d’une identité nationale avec une appartenance religieuse.
Le refus de toute forme de fondamentalisme et la priorisation des valeurs universelles par les démocraties seront d’autant plus efficaces si ces démocraties travaillent ensemble pour se défendre contre les totalitarismes politiques et religieux. »
Ping : "Israël, la compassion perdue" par Marc Lefèvre - JCall
Le texte de Marc Lefèvre est très bien. Je me permets juste de signaler un ouvrage de Schlomo Sand : « Deux peuples pour un état ? »,(Seuil, 01/2024) que je commence à lire actuellement, et où je trouve des textes bouleversants d’intelligence et d’empathie des sionistes du XIXe siècle, notamment Ahad Hamm. Le comportement des hommes (je n’ose pas dire des responsables) actuellement au pouvoir en Israel, se trouve tristement éclairé en comparaison
Mezetulle a reçu la réponse de Marc Lefèvre.
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La référence aux penseurs humanistes et généreux du début du mouvement sioniste comme Ahad’Am Martin Buber ou Gershom Sholem est certes intéressante mais leur vision d’une coexistence judéo arabe dans un seul Etat, a été balayée par la réalité sur le terrain, et en particulier par le refus constant des diverses tendances du nationalisme arabe de voir une entité nationale juive sous quelque forme que ce soit s’établir dans la Palestine mandataire. Dès le refus par les pays arabes du plan de partage de l’ONU de 1947, les tendances politiques du mouvement sioniste qui s’inspiraient des idées de Ahad’Am et Martin Buber ont abandonné leur vision d’un état binational et se sont ralliées à la perspective de deux etats séparés.
Il est paradoxal de voir quelqu’un comme Shlomo Sand dont les différents écrits sont répandus en France alors qu’il est ignoré dans son pays, pousser encore le concept d’un état binational alors que par ailleurs il essaye de démontrer avec virulence dans d’autres écrits, que le concept d’une nation juive est une ineptie.
Marc Lefèvre écrit: »« Même si certains en son sein le souhaitent, Israël n’est pas un état religieux. Ne pas confondre le sentiment d’une identité nationale avec une appartenance religieuse. » et il me semble important de lire cette phrase en pensant à la loi (fondamentale?) du 18 juillet 2018 votée par le parlement de l’État d’Israêl.
Cette loi réserve aux seuls israéliens juifs le droit de se prononcer sur les autodéterminations de l’État d’Israêl et proclame en même temps qu’Israël est l’État Nation du seul peuple juif. Les israéliens non juifs sont donc exclus des grandes consultations concernant l’avenir d’Israël. On ne peut donc pas dire que cette loi va dans le sens de l’extension de l’application des grandes valeurs universelles dont parle Marc Lefèvre. Par ailleurs même s’ils existent des juifs religieux et des juifs non religieux , c’est quand même un texte religieux qui dicte qui peut se revendiquer juif.
Pierre Leyraud
Mezetulle a reçu la réponse de Marc Lefèvre.
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Je me garderai bien de défendre et justifier la loi de 2018 sur la nation juive qui est une régression nationaliste manifeste, portant atteinte au caractère démocratique et à l’égalité des droits au sein de l’Etat d’Israël, mais néanmoins je me garderai de faire dire à cette Loi ce qu’elle ne dit pas.
Affirmer que l’Etat d’Israël est l’état Nation du Peuple Juif est en droite ligne avec la déclaration d’indépendance de 1948, et avec la base programmatique du mouvement Sioniste depuis sa naissance.
Mais affirmer que « les citoyens non juifs seraient exclus des grandes consultations concernant l’avenir de l’Etat » relève soit du phantasme, soit d’interprétations malveillantes ou de mauvaises traductions.
Il faut rappeler que l’Etat d’Israël fait la distinction entre la citoyenneté (à consonance laïque) et l’appartenance « nationale » (à consonance plus religieuse).
Ainsi depuis la création de l’Etat d’Israël on peut faire valoir son droit à l’application de la Loi du Retour et devenir citoyen israélien en vertu de la clause dite « du grand père » c’est à dire prouver que au moins un de ses quatre grands parents est juif.
C’était le critère appliqué par les nazis pour définir une appartenance juive. Les fondateurs de l’Etat ont voulu que ce même critère de discrimination devienne un critère de protection contre des persécutions à venir.
Ainsi l’accès à la citoyenneté israélienne est décorrélé de la stricte définition religieuse, et on peut devenir citoyen israélien sans être reconnu comme Juif au sens religieux.
Accoler sans cesse une définition et une dimension uniquement religieuses à l’état d’Israël relève a minima de la méconnaisance.
Visiblement monsieur Marc Lefèvre confond le démos et l’ethos. La loi du 18 juillet 2018 n’est pas n’importe quelle régression nationaliste, puisque elle est basée sur un caractère ethnique: le fait d’être juif et le fait de faire d’Israël l’État nation du seul peuple juif, donc des seuls israèliens juifs. Pour cette raison il est justifié de parler d’ethnocratie et non plus de démocratie au sujet d’Israël.
Visiblement aussi, monsieur Marc Lefévre n’a pas lu le texte de la loi du 18 juillet 2018, sinon il aurait lu, en toutes lettres, que toutes les décisions qui concernent Israël et l’autodétermination du peuple juif seront prises par les seuls israèliens juifs. En effet l’article 1 de cette loi dit:« L’exercice du droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est spécifique au peuple juif. » Alors ? Phantasme, malveillance, mauvaise traduction ? Vraiment?.
On peut aussi y lire que « le langage de l’État sera l’hébreu » et que lÉtat d’Israêl s’engage à prévoir pour l’arabe « un statut spécial ». Ce n’est pas assez clair?
Marc Lefèvre écrit que »Affirmer que l’Etat d’Israël est l’état Nation du Peuple Juif est en droite ligne avec la déclaration d’indépendance de 1948. alors que dans cette déclaration on y lit: »…(l’Érat d’Israël) assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ; il garantira la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture…. » Où est l’erreur?
Enfin dire qu’on peut être israèlien et non juif c’est, me semble t-il, une évidence que vivent à peu près le cinquième des israéliens. Et alors? Cette situation de n’empêche l’existence de nombreuses lois qui accordent des droits spécifiques et supérieurs aux seuls israèliens juif.
Marc Lefèvre parle de « méconnaissance » de l’État d’Israël ? En effet….
Mezetulle a reçu la réponse de Marc Lefèvre.
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La loi de 2018 distingue le concept géographique et historique de « Eretz Israël » rappelé dans son article 1 et le concept actuel politique de l’Etat d’Israël auquel il est ensuite fait référence dans le reste de la Loi.
L’article 1 dispose : « Eretz Israël est la patrie historique du peuple juif où a été créé l’Etat d’Israël. »
Ensuite l’article 1 dit que l’Etat d’Israël est l’Etat Nation du peuple juif dans lequel il exerce son droit naturel, culturel, religieux et historique à l’autodétermination et que cette concrétisation du droit à l’autodétermination est spécifique au peuple juif.
Ceci étant dit il est erroné de lire dans cet article (je me réfère au texte originel en hébreu) que toutes les décisions qui concernent Israël et l’autodétermination du peuple juif seront prises par les seuls israéliens juifs.
Cela relève de l’ignorance ou de la malveillance.
Il n’y a pas et il n’y aura jamais de consultations électorales spécifiques aux Juifs.
Effectivement cette loi opère une forme de régression par rapport à la déclaration d’indépendance de 1948. Il est clair que l’intention des promoteurs de cette Loi était de créer un espace jurisprudentiel régressif par rapport aux statuts actuels des différentes populations de l’Etat. Dans les faits, la Cour Suprême de Justice veille à ce qu’il n’y ait pas de telles dérives.
Aujourd’hui les droits fondamentaux politiques, culturels, religieux et sociaux sont les mêmes pour tous et garantis par la Cour suprême de Justice, et les pays environnants du Moyen-Orient seraient les bienvenus de s’en inspirer pour garantir une même égalité d’accès à tous les droits pour leurs propres citoyens.
Je pense que tous ces pays mériteraient de votre part un examen aussi attentif et scrupuleux en particulier pour l’accès au travail pour les Palestiniens toujours cantonnés dans des camps au Liban et ailleurs.
Vous osez évoquer « des lois accordant des droits spécifiques et supérieurs aux seuls israéliens juifs »
Quelles Lois ? relatives aux élections, à l’accès à la Santé, à l’éducation, au logement?
Le seul droit spécifique est plutôt un devoir c’est celui du service militaire réservé aux citoyens juifs et aux non juifs sur la base du volontariat.