Le prétendu « Nouveau Front populaire », avec l’usage décomplexé et réitéré des termes « islamophobie » et « islamophobe » – désignant des discours dont, selon lui, il faudrait sanctionner les auteurs – propose le retour du délit de blasphème. Cela est fondé sur un glissement sémantique qu’il convient d’analyser et de dénoncer.
Une telle proposition liberticide n’a rien d’étonnant venant d’une formation dont on connaît par ailleurs les positions, les alliances et les méthodes. Mais qui s’étonnera que cette férocité bigote trouve des appuis discrets et apeurés dans les habituels conseils de « modération » à l’égard de ceux qui exercent la liberté d’expression, comme si cette dernière se dégradait quand on s’en sert ?
« Islamophobie » : un sophisme pour rétablir le délit de blasphème
En prenant connaissance du programme diffusé par le soi-disant « Nouveau Front populaire »1, je remarque ces passages (c’est moi qui surligne) :
« Lutter contre toutes les formes de racisme, contre l’antisémitisme et l’islamophobie
Au moment où l’extrême droite menace, nous rappelons que la parole et les actes racistes, antisémites et islamophobes se propagent dans toute la société et connaissent une explosion inquiétante, sans précédent. Aucune tolérance n’est de mise face à ces menaces et à ces comportements, d’où qu’ils viennent. S’attaquer à nos compatriotes pour leur couleur de peau ou leur religion supposée ou réelle, c’est s’attaquer à la République. En voir certains quitter ou vouloir quitter notre pays est un échec collectif.
Nous nous engageons à :
– Donner à la justice les moyens de poursuivre et de sanctionner les auteurs de propos ou d’actes racistes, islamophobes et antisémites.
[…] Une autre haine [que l’antisémitisme] cible particulièrement les musulmans ou les personnes assimilées à cette religion. Elle découle notamment de l’omniprésence des discours islamophobes dans certains médias, de presse écrite ou audiovisuelle.
•Nous proposerons un plan interministériel pour comprendre, prévenir et lutter contre l’islamophobie en France, et contre ses effets sur ceux qui la subissent.»
La mise en parallèle entre « antisémitisme » et « islamophobie » est en elle-même à la fois une erreur et une faute morale. Mais, en présentant le terme « islamophobie » comme une évidence pour désigner un délit, elle suppose, en amont, un tour de passe-passe sémantique très répandu : l’analogie entre les termes comportant le suffixe -phobie (homophobie, transphobie, christianophobie, islamophobie…). C’est cette analogie qui installe le terme « islamophobie » comme une évidence comparable à certains comportements délictueux et qui, en aval, commande l’équivalence sémantique avec le terme « antisémitisme ». Je propose de remonter à cette analogie initiale pour la dénoncer par une analyse très simple accessible à tout locuteur de langue française.
Précisons d’abord que le suffixe -phobie ne signifie pas seulement « peur », « fuite », « évitement », ou même « détestation », « haine », mais peut désigner aussi une position critique.
L’analogie avec d’autres termes en -phobie est approximative car elle ne se fait que sur la considération du suffixe et non pas sur celle du mot entier, qui comprend aussi un radical. Or la nature de ce radical change bien des choses. Les trois exemples ci-dessous schématisent et balisent la gamme des variations de sens dans l’application du terme : s’applique-t-il à des personnes, à des doctrines, tantôt à des personnes tantôt à des doctrines ? On voit bien que la réponse à ces questions détermine le caractère délictueux ou non d’une position, d’un propos : s’en prendre à des personnes est un délit, alors que s’en prendre à des doctrines, à des idées n’en est pas un et relève de la liberté d’expression.
- Quand on dit « homophobie », le radical « homo- » désigne les homosexuels : donc le mot « homophobie » ne peut s’appliquer qu’à des personnes.
- Quand on dit « christianophobie » cela peut s’appliquer à une doctrine, le christianisme, ou/et à des personnes adeptes de cette doctrine, les chrétiens.
- Quand on dit « islamophobie », cela ne peut s’appliquer qu’à une doctrine et jamais à des personnes. En effet en français on appelle les adeptes de l’islam « musulmans », et jamais leur nom n’est formé sur le radical « islam ». Donc l’islamophobie n’est en aucun cas un délit. Se déclarer anti-musulman en est un.
Ne nous laissons pas piéger par une analogie qui ne s’appuie que sur la moitié d’un mot. Accepter l’analogie entre « homophobie » et « islamophobie » c’est accepter un sophisme destiné à produire la proposition fausse : « l’islamophobe hait les musulmans comme l’homophobe hait les homosexuels ». L’islamophobie ne peut jamais s’appliquer à des personnes et Philippe Val2 en se déclarant islamophobe, Henri Pena-Ruiz en déclarant naguère qu’« on a le droit d’être athéophobe comme on a le droit d’être islamophobe »3 ne commettent aucun délit.
Ici l’argumentation sémantique rejoint l’argumentation philosophique et juridique : fuir une religion, l’éviter comme la peste, la critiquer, en dire tout le mal qu’on en pense, la caricaturer, la présenter sous des termes grossiers, et même la haïr, rien de tout cela n’est un délit. Il faut soutenir Philippe Val comme il fallait soutenir Henri Pena-Ruiz en 2019.
Cela est parfaitement clair. Quand on écrit « islamophobie » dans un programme politique au lieu d’écrire « haine envers les musulmans », c’est qu’on veut rétablir le délit de blasphème, qui est une variante du délit d’opinion. C’est exactement et délibérément ce que fait le programme du prétendu « Nouveau Front populaire ». C’est ce que cautionnent les déclarations bienpensantes qui invitent à soutenir ce programme en prétextant qu’il faut bien casser quelques œufs (« mettre de côté quelques divergences ») pour faire l’omelette « de gauche » toujours si religieusement désirable.
À quoi bon la liberté d’expression s’il ne faut l’exercer qu’avec modération ?
Mais que dire des soutiens que cette proposition ouvertement liberticide trouve dans des conseils de modération si répandus çà et là ? Je les résume : « certes se déclarer islamophobe n’est pas un délit, mais de telles déclarations [i.e. celle de Philippe Val] sont-elles opportunes maintenant ? dans les circonstances actuelles est-ce bien judicieux » ? Autrement dit : est-il opportun d’exercer la liberté d’expression, n’y a-t-il pas des situations où on ferait bien de ne pas l’exercer et d’attendre que les choses se calment ?
Avec ce type de raisonnement, on pourra toujours trouver que « les circonstances actuelles » rendent inopportune une déclaration comme celle de Philippe Val. En bref : on pourra toujours trouver qu’il vaut mieux se taire, être conciliant, rester modéré, se demander si ça fait avancer les choses, éviter les propos « brutaux ».
Cette position est consternante : elle introduit des degrés dans l’exercice de la liberté d’opinion dont il y aurait de mauvais usages, inopportuns, excessifs, selon les circonstances4.
Or la liberté ne s’use que si l’on ne s’en sert pas : il faut au contraire l’exercer jusqu’à son comble et la mettre à l’épreuve pour qu’elle existe. À quoi bon la liberté d’expression, si elle ne vaut qu’opportunément et pour des propos modérés ? Quelle différence, en l’occurrence, entre un appel à rester mesuré et un appel à ne pas proférer de « blasphème » ? Il faut donc soutenir Philippe Val, comme il fallait soutenir Henri Pena-Ruiz en 2019, précisément parce que leurs propos donnent la mesure de la liberté d’expression, précisément parce qu’ils ne s’en tiennent pas à une déclaration tiède qui accepte toutes les compromissions.
D’autre part, et en l’occurrence, s’il y a risque et absence d’opportunité à se déclarer islamophobe, c’est pour l’auteur de la déclaration, et lui seul, qui s’expose à devenir une cible pour l’islamisme. Mais apparemment il ne serait pas opportun de soutenir Philippe Val (comme il ne l’était pas de soutenir Henri Pena-Ruiz), de s’engager à ses côtés, il serait opportun et judicieux d’être apeuré par une déclaration qu’on n’est pas loin de qualifier d’« irresponsable » ? Il serait opportun et judicieux, devant « la montée de l’extrême droite » de regarder l’islamisme avec modération ? Il serait opportun et judicieux de se pincer le nez doctement en entendant ce que d’autres ont le courage de dire, il serait opportun et judicieux de se demander « si cela fait avancer la question » ? Il serait opportun et judicieux de rester bien tranquille tout en s’offrant le luxe de continuer à lire sans honte Charlie Hebdo ?
« J’ai moins peur des extrémistes religieux que des laïques qui se taisent » disait Charb en 2012. On peut aussi avoir peur des laïques qui conseillent (inspirés par quelle peur ?) à d’autres laïques de se taire et de rester mesurés.
Notes
1– Intégralité du programme téléchargeable sur le site « Nouveau Front populaire ».
2– « Le rire est-il de droite ? » 15 mai 2024 vidéo avec Thibault Gauthier sur le site du Figaro https://video.lefigaro.fr/figaro/video/le-figaro-la-nuit-avec-philippe-val/ la déclaration en question se trouve à 1h30. Cette déclaration lui a valu les foudres de la Grande mosquée de Paris, qui a dit porter plainte contre lui https://x.com/chemshafiz/status/1791774677544669324 … Philippe Val a répondu le 27 mai 2024 dans cette brève intervention sur Europe 1 https://www.youtube.com/watch?v=7DE3WNzfGbI
3 – Voir sur ce site https://www.mezetulle.fr/soutien-a-henri-pena-ruiz-vise-par-une-tribune-dans-liberation/ . Voici la transcription du passage : «Le racisme, qu’est-ce que c’est ? Mise au point : c’est la mise en question des personnes pour ce qu’elles sont. Mais ce n’est pas la mise en question de la religion. On a le droit, disait le regretté Charb, disait mon ami Stéphane Charbonnier, assassiné par les frères Kouachi en janvier 2015. On a le droit d’être athéophobe comme on a le droit d’être islamophobe. En revanche, on n’a pas le droit de rejeter des hommes ou des femmes parce qu’ils sont musulmans. Le racisme, et ne dévions jamais de cette définition sinon nous affaiblirons la lutte antiraciste, le racisme c’est la mise en cause d’un peuple ou d’un homme ou d’une femme comme tel. Le racisme antimusulman est un délit. La critique de l’islam, la critique du catholicisme, la critique de l’humanisme athée n’en est pas un. On a le droit d’être athéophobe, comme on a le droit d’être islamophobe, comme on a le droit d’être cathophobe. En revanche, on n’a pas le droit d’être homophobe, pourquoi ? Parce que le rejet des homosexuels vise les personnes. » publié par Libération le 26 août 2019 https://www.liberation.fr/checknews/2019/08/26/qu-a-dit-henri-pena-ruiz-sur-le-droit-d-etre-islamophobe-lors-de-l-universite-d-ete-de-la-france-ins_1747363/
4 – Je me permets de renvoyer à l’article « La liberté comme forme. Le cycliste et le censeur » en ligne sur le site d’archives http://www.mezetulle.net/article-6304754.html et au développement philosophique qui le sous-tend : « Liberté philosophique et libertés formelles » http://www.mezetulle.net/article-33092130.html
Vous écrivez: « Quand on dit « homophobie », le radical « homo- » désigne les homosexuels : donc le mot « homophobie » ne peut s’appliquer qu’à des personnes.
Quand on dit « christianophobie » cela peut s’appliquer à une doctrine, le christianisme, ou/et à des personnes adeptes de cette doctrine, les chrétiens.
Quand on dit « islamophobie », cela ne peut s’appliquer qu’à une doctrine et jamais à des personnes. »
Or, on pourrait appliquer le même raisonnement à propos de ce que déclarait Peña Ruiz: « .. en déclarant naguère qu’« on a le droit d’être athéophobe »..car « athéophobe » peut s’appliquer à une doctrine mais aussi et surtout à des personnes. C’est ce qui arrive dans certains pays où existe une religion d’Etat et où l’on ne comprend ( voire pire) pas comment quelq’un peut être athée.
Le terme « athéophobie », dans la schématisation en trois balises que je propose, se situe effectivement en position moyenne et ambivalente : peuvent être visés un corpus d’idées et/ou des personnes.
Il faut donc l’interpréter à l’aide du contexte. Or le contexte ne permet pas le doute dans le cas des propos de Henri Pena-Ruiz en 2019, où il est clairement précisé: « La critique de l’islam, la critique du catholicisme, la critique de l’humanisme athée n’en est pas un [i.e. délit] ». Symétriquement l’exemple de la persécution des athées dans certains pays où existe une religion d’Etat est lui aussi parfaitement clair, mais en sens contraire.
bonjour, j’adhère totalement à votre démonstration sur l’islamophobie, et je défend Philippe Val quand il s’affirme islamophobe, je le suis aussi. Je le défend sur ce point même si sous sa direction Charlie Hebdo a rejoint le camp des journaux qui ont soutenu que l’explosion de l’usine AZF était un acte terroriste islamiste. Sans faire la moindre enquête Charlie hebdo a publié quasi in extenso le contenu d’un article paru peu de temps auparavant dans le Figaro qui sans la moindre preuve soutenait la thèse de l’attentat, thèse qui avait les faveurs du directeur des renseignements généraux de l’époque et celle de la défense du groupe Total. Une des victimes de l’explosion mort sur son lieu de travail jusque là totalement inconnu des services de renseignements a été promu membre d’Al Quaida en moins de huit jours. Son seul tort était d’être d’origine maghrébine et de porter le jour de sa mort quatre sous vêtements, preuve pour certains de son appartenance à un groupe islamiste. Dans cette affaire Philippe Val n’a pas fait preuve d’un grand discernement ni d’une grande honnêteté intellectuelle et surtout a publié dans le journal qu’il dirigeait des accusations sans preuve contre des gens dont le seul tort était d’avoir une origine permettant de leur appliquer une équation simple: maghrébin = musulman =terroriste. La cour d’appel de Toulouse a estimé elle que l’explosion de l’usine était bien d’origine accidentelle.
Petite précision au commentaire de jean jacques chiquelin : l’explosion de l’usine AZF s’est produite quelques jours après l’attentat du World Trade Center. C’est le contexte physique et mental réel . J’étais sur place, je suis passé sur le périphérique qui longeait l’usine 30 minutes avant le boum, et dans le centre informatique où je me suis installé tout a volé : les sièges; les faux plafonds, les meubles, etc. On est tous sorti croyant à un attentat, une extension de celui de New York. Il faut bien comprendre la psychologie sociale du moment: tout le monde était persuadé de l’acte terroriste, y compris les journalistes qui parlaient de plusieurs points d’attaque (car le bruit a été entendu comme un choc local jusqu’au nord de Toulouse, AZF étant au sud, et dans plein d’autres quartiers de la ville). Je ne sais pas si Philippe Val (ou Charlie Hebdo) a maintenu son interprétation de l’évènement longtemps après l’explosion, mais la thèse de l’attentat était dans tous les esprits, mais ceux des personnes qui se croient lucides ou plus éveillées que les autres. A cette époque, même les écologistes qui manifestaient depuis des années contre les installations AZF au bord du périphérique partageaient la thèse de l’attentat. C’est toujours facile de déclarer sa lucidité après des décennies d’enquêtes (faites par les autres) , spécialistes de la police ou des services secrets: mais pendant longtemps, la thèse de l’attentat était crédible. Et, à Toulouse, je n’ai jamais entendu ni lu la moindre allusion ciblant des personnes maghrébines, mortes sur place, suspectées d’être les terroristes d’AZF. Je ne sais pas d’où sort cette « maghrébin phobie » supputée (et attribuée, malicieusement à Philippe Val). J’attends encore de croiser l’individu qui me dira, avec preuves à l’appui « moi, je savais que c’était un accident » !
Précision: L’article dont je parle a été publié des années après l’explosion. Avant de m’accuser d’avoir « la lucidité facile des années plus tard » vous auriez pu vous poser la question . Trois semaines après l’attentat contre le world trade center il était logique qu’à Toulouse ville sous le choc l’hypothèse d’un attentat occupe les esprits. pour votre information et contrairement à ce que vous écrivez, trois victimes mortes sur leur lieu de travail dans l’enceinte de l’usine ont fait l’objet d’une autopsie dans les jours qui ont suivi la catastrophe. Deux d’entre elles étaient d’origine maghrébine notamment Hassan Jandoubi que des années plus tard la défense de Total persistait à présenter comme le possible auteur de l’attentat. Autant dire que l’hypothèse de l’attentat n’avait pas été exclue par la police judiciaire contrairement à ce qu’ont prétendu valeurs actuelles, le Figaro, et Charlie Hebdo entre autres. Il se trouve que j’ai suivi le procès en tant que journaliste du nouvel observateur, et que par ailleurs je connais bien Toulouse pour y avoir vécu dix ans dans les années 70. Déjà à cette époque l’Onia comme on l’appelait suscitait quelques craintes.
Vos propos victimaires son étonnants, car vous reprenez exactement ce que je soutenais (si je vous lis bien) : la thèse de l’attentant sur AZF était dans tous les cerveaux, et logiquement liée au contexte international. Donc Philippe VAL n’a pas plus fauté que les autres. Et ce n’est pas le mort maghrébin qui est l’origine de cette situation mentale….
Madame,
Bien que je n’oublierai jamais vos profondes analyses de la laïcité et vos écrits sur Condorcet, j’avoue que j’ai du mal à vous suivre. Je dois reconnaître que, pendant longtemps, je n’ai pas compris le terme d’islamophobie : quel sens pourrait-il bien avoir ? On peut comprendre que l’on soit opposé au racisme – comme vous l’êtes indéniablement – mais, précisément, l’islam ne se confond pas avec un peuple ou un ensemble de peuples (les Arabes) qui, d’ailleurs, peut comporter des non-musulmans. Pourtant, peu à peu, je me suis aperçu qu’il y avait bien quelque chose comme de l’islamophobie, en plus (ou en complément) du racisme ou de l’antisémitisme. Nombreux sont en effet ceux qui confondent l’islam avec l’islamisme en prétendant que cette religion est par nature liberticide pour des raisons théologiques. C’est s’avancer beaucoup de le prétendre car il n’y a guère de religion qui échappe à cette critique d’une part et car, d’autre part, cela revient à supposer que l’adhésion à une religion s’appuie sur des doctrines théologiques bien précises. En ce domaine, c’est plutôt l’ignorance qui domine. J’ai connu des chrétiens qui doutaient de l’immortalité de l’âme ou qui admettent la réincarnation. Mais ce n’est pas sur ces points que reposent leur attachement religieux. Sont-ils inconséquents ? Pas nécessairement si l’on songe au caractère avant tout social du religieux – pour le meilleur ou pour le pire, c’est selon. Par ailleurs, on peut parler d’islamophobie quand certaines tenues sont systématiquement critiquées. Certes, elles reposent finalement sur une conception de la femme qui est plus que critiquable mais il ne faut pas, je crois, exagérer leur signification dans la mesure où certaines musulmanes estiment que cela est lié à leur religion. Je dis certaines car il est bien évident que toutes les musulmanes ne sont pas voilées. Pour autant, toutes celles qui le sont ne sont pas nécessairement des attardées. De toute façon, politiquement, il faut bien admettre que leur tenue dépend de leur choix, contraint ou pas. Autant il est inadmissible que certains pays imposent aux femmes des tenues qui, en réalité, les minorisent et les oppriment, autant, dans un pays démocratique, on ne voit pas pourquoi on les empêcherait de quoi que ce soit, sauf pour la burka, mais cela relève de la sécurité publique et non du religieux comme vous l’avez-vous même amplement montré. Ce n’est nullement contraire à la laïcité dans la mesure où, comme le précise l’article premier de la loi du 9 décembre 1905, « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. » Il est bien écrit que la République « assure » et même « garantit », ce qui est bien plus que « tolère ». Dans ces conditions je ne comprends pas trop comment, à partir de l’opposition à l’islamophobie, on pourrait en déduire que le « Nouveau Front Populaire » désire instaurer un délit de blasphème. Dan son programme, il envisage même d’appliquer la loi de 1905 à l’Alsace-Moselle et réaffirme son approbation de la loi de 2004 portant sur l’interdiction du port ostentatoire de signes religieux dans les écoles.
Je suis par ailleurs étonné par le ton de votre propos concernant le « prétendu » « Nouveau Front Populaire ». Ne peut-on pas penser que ce terme est particulièrement bien choisi ? En 1936, lorsque se constitua un Front Populaire avec des partis politiques aussi différents que celui des communistes, des socialistes ou des radicaux, c’était bien d’abord pour faire échec à une montée de l’extrême-droite tant à l’extérieur des frontières qu’à l’intérieur. Il s’agissait de la stopper. Certes, j’entends bien les inquiétudes : une de ses composantes n’est-elle pas antidémocratique, intolérante, passablement antisémite et amie de la Russie poutinienne ? Mais a) elle ne représente que 10% des voix, pas près de 40 % comme l’extrême-droite, b) tous ses membres ne sont pas totalement alignés derrière leur chef qui n’hésite pas à pratiquer des purges dans ses propres rangs (procédé stalinien s’il en est), c) elle n’est plus majoritaire à gauche : le programme du NFP n’a guère de rapport avec celui de feue la NUPES. Il suffit de le lire.
Avec l’expression de toute ma considération,
Alain Champseix
Cher Alain Champseix,
Je m’efforce d’aborder quelques-uns des points que vous soulevez.
1. L’islam ne se confond pas avec un peuple : bien sûr. Je ne vois pas en quoi cela invalide mon propos. Au contraire. L’islamophobie serait un délit si l’islam devait se comprendre uniquement en termes ethniques. Or l’islam désigne une religion.
2. « Nombreux sont ceux qui confondent l’islam et l’islamisme en prétendant que cette religion est par nature liberticide ». C’est le cas de Boualem Sansal par exemple. Vous pensez qu’ils se trompent. Mais à supposer que ce soit une erreur, ce n’est pas un délit. La question en l’occurrence n’est pas de savoir si c’est vrai ou faux, mais si on s’en prend ou non à des personnes. Ce n’est pas s’en prendre à des personnes que de dire que telle ou telle religion est liberticide par nature, même si c’est faux ou discutable, ce n’est pas s’en prendre à des personnes que de dire qu’on déteste une religion : on parle des idées, de la doctrine. Ce sujet a été abondamment discuté particulièrement avec la persécution à laquelle est livré Salman Rushdie, puis l’affaire dite des caricatures, et l’attaque meurtrière contre Charlie Hebdo. J’y ai consacré quelques articles, notamment celui-ci en 2017 « Du respect érigé en principe » https://www.mezetulle.fr/du-respect-erige-en-principe/
3. « On peut parler d’islamophobie quand certaines tenues sont systématiquement critiquées ». On ne voit pas bien ici en quel sens vous parlez d’islamophobie : cette critique consiste-t-elle à dire qu’on désapprouve le port d’une tenue, qu’on en pense du mal, et même qu’elle nous inspire de l’horreur ? Il n’y a là aucune atteinte directe aux personnes, je peux dire cela sans commettre aucun délit. Certaines jeunes filles dans certaines zones urbaines portent le voile « pour avoir la paix », pour échapper au harcèlement et aux « tournantes », mais le dire serait grave, intolérant et « islamophobe » ?
Où avez-vous vu qu’on empêcherait les femmes de porter le voile ou l’abaya, etc., en France dans l’espace social ordinaire ? Je n’ai jamais souhaité cela, j’ai même écrit un chapitre entier de mon Penser la laïcité exposant la différence entre l’espace de l’autorité publique et l’espace civil partagé. On a le droit de porter le voile dans la rue, dans les lieux accessibles au public, et c’est en vertu de la même liberté qu’on a le droit de dire publiquement tout le mal qu’on pense de ce port : cela n’implique nullement qu’on doive traiter celles qui le portent d’attardées – les unes peuvent y être contraintes, d’autres peuvent le faire par militantisme, par provocation, par dévotion, ou pour d’autres motifs, mais cela ne change pas la nature de cet affichage qu’on a le droit de critiquer, dont on a le droit de déclarer l’horreur qu’il peut inspirer. Il ne suffirait donc pas que la liberté de porter telle ou telle tenue soit assurée, il faudrait en outre qu’on l’applaudisse, qu’on l’approuve ? On n’aurait pas la liberté de dire qu’on désapprouve tel ou tel accoutrement ? Pourquoi la liberté devrait-elle s’exercer à sens unique ?
4. « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. » Je ne vois pas en quoi dire qu’on désapprouve telle ou telle tenue religieuse, en quoi tirer la langue au passage d’une procession, ou citer Boileau « tant de fiel entre-t-il dans l’âme des dévots ? » serait une entrave au libre exercice des cultes. Je ne vois pas en quoi la critique d’un culte ou même son rejet en des termes abrupts serait contraire à son libre exercice. Tout cela relève de la liberté de conscience, qui est première et « assurée » selon la lettre de la loi.
5. Je n’ai pas vu dans le programme du prétendu Nouveau front populaire la proposition dont vous parlez, d’application de la loi du 9 décembre 1905 à l’Alsace-Moselle. Je n’y ai pas vu non plus la réaffirmation de l’application de la loi de 2004 dans les écoles, collèges et lycées publics. Cela m’a peut-être échappé, dites-moi où cela se trouve dans le texte cité en référence à la note 1 de l’article. Ou alors il y a peut-être un autre texte, un autre programme ?
En revanche j’ai lu dans ce programme (j’ai cité cela dans l’article) la déclaration suivante (page 10) :
« Nous nous engageons à :
• Donner à la justice les moyens de poursuivre et de sanctionner les auteurs de propos ou actes racistes, islamophobes et antisémites ».
Or la justice a déjà, avec la législation existante, les moyens de poursuivre les auteurs de propos racistes, antisémites et de propos visant les personnes au motif de leur appartenance, réelle ou supposée, à une religion, à un groupe. Donc de deux choses l’une. Ou bien « propos islamophobes » signifie « propos anti-musulmans » et alors la proposition est superflue. Ou bien « propos islamophobes » signifie « propos anti-islam », « propos dirigés contre l’islam », « propos s’en prenant à l’islam », et alors il s’agit bien d’une nouveauté à savoir l’introduction d’un délit de blasphème (et uniquement envers l’islam). C’est l’hypothèse que j’ai retenue pour mon article ; en effet je pense que les programmes sont cohérents et qu’ils ne s’amusent pas à répéter inutilement la législation existante. Et puis s’il fallait la répéter, pourquoi utiliser le terme « islamophobe » qui est à la fois ambivalent et restrictif ? la législation actuelle est bien mieux écrite, qui ne se contente pas de protéger uniquement les musulmans contre les attaques fondées sur une appartenance (« réelle ou supposée ») religieuse.
6. Enfin sur le terme « prétendu Nouveau front populaire », je me permets de vous renvoyer à l’article de Guy Konopnicki publié récemment « La gauche se réunit contre tout ce qui la constituait » https://www.mezetulle.fr/la-gauche-sunit-contre-tout-ce-qui-la-constituait-par-guy-konopnicki/.
Madame,
Je vous remercie de votre réponse argumentée. Je m’aperçois, par ailleurs, que je ne disposais pas, en effet, de la version définitive du programme du NFP car je n’étais en possession que d’une version de travail, celle de 4 h 30. Même si c’est un peu lourd, je me permets de reprendre point par point vos arguments.
1) J’ai très bien compris que vous ne commettiez pas cette bévue de confondre l’islam avec un peuple. Si j’ai repris cette distinction c’est qu’au stade de l’analyse où j’en étais, je me demandais ce que pouvait bien signifier le terme d’islamophobie, s’il avait un sens tenable.
2) Je me suis sans doute mal fait comprendre. On a tout à fait le droit de penser que l’islam est une religion liberticide, que ce soit vrai ou faux, peu importe. Seulement ceux qui le font ne se placent rarement que sur le plan théorique, ils s’en prennent le plus souvent à des personnes et non à des idées. Comment être aussi bête pour adhérer à une religion si obscurantiste ? Il y a donc, bien là, une ségrégation, certes non répréhensible par la loi, mais d’ordre au moins moral, peu conforme à l’esprit fédérateur de la République.
3) Même chose : on a bien entendu le droit de critiquer les signes visibles d’une religion pour la bonne raison qu’ils peuvent être considérés comme contraires à l’égalité homme-femme et je me souviens bien en effet que vous apportez des précisions décisives à propos de « l’espace public partagé » : la laïcité ne confine pas le religieux au seul domaine privé. Mais ce n’est pas de ce point dont il est question : bien des personnes en tirent argument pour évoquer jusqu’à une « islamisation » de la France. Vous-même aviez noté que ce que l’on appelait jadis le Front National avait réussi le tour de force de faire croire qu’il se réclamait de la laïcité.
4) Là encore, il y a une différence de niveau entre le droit et le sociologique. Il serait en effet contraire au droit, à la liberté de l’esprit au bout du compte, d’empêcher une critique d’une religion, fût-elle acerbe. On pourrait même ajouter que c’est sain et nécessaire tant les religions prétendent souvent avoir droit à une hégémonie sur l’esprit humain. Mais force est aussi de constater que bien des critiques anti-religieuses ne sont pas mues par l’amour de la vérité et, plus simplement, je me répète, conformes aux principes mêmes de la République réaffirmés par l’article premier de la loi de 1905 : elle suppose que l’on vive ensemble même avec des personnes avec lesquelles on n’est pas d’accord. Le terme de « fraternité » est tout de même le troisième de la devise du pays.
En conclusion, l’on pourrait donc dire ceci. Le programme du NFP commet en effet une grave erreur en confondant ce qui relève des moeurs politiques avec le droit – sur ce point l’on ne peut que partager votre désaccord sur le passage où il est question d’envisager des sanctions de nature juridique contre des « propos ou des actes islamophobes ». On ne peut mettre sur le même plan l’islamophobie et le racisme. Comme toujours dans le domaine politique, il faut savoir mettre le droit au-dessus des opinions. Il reste que cette erreur – c’en est bien une ! – ne saurait remettre en cause l’idée selon laquelle l’islamophobie n’est pas que théorique et qu’elle est contraire à l’esprit républicain. Dans une société libre, l’on doit pouvoir être musulman, chrétien, juif, athée ou agnostique sans estimer que cela nuit à l’unité civile. Bien au contraire, celle-ci ne saurait exister sans la liberté la plus pleine et la plus entière. Cela, au demeurant, vous l’avez toujours fermement soutenu.
Sinon, je trouve complètement nul l’article de Konopnicki qui tendancieusement assimile le NFP à LFI sans tenir compte du résultat des dernières élections et du contenu du programme qui ne se réduit tout de même pas à cette histoire d’islamophobie. Par exemple, le soutien à l’Ukraine et la lutte contre l’antisémitisme ne sont pas des propositions de LFI, du moins de sa direction. Son argument principal consiste à dire que les milieux populaires ne peuvent être évoqués parce qu’ils sont largement acquis au RN comme si « populaire » signifiait « démagogique » ! Il est assez étonnant que l’on considère le NFP comme un danger alors qu’il a dû réaliser un programme en un temps record en raison d’une dissolution de l’Assemblée Nationale précipitée et que les forces de l’extrême-droite sont aux portes du pouvoir.
Donc, merci, vous me rassurez : je ne m’étais pas trompée en citant le passage du programme NFP qui fait des propos islamophobes (et non comme cela serait plus clair, plus correct et moins dangereux, des propos anti-musulmans) un délit passible de poursuites et de sanctions. C’est le point principal. Symétriquement, je constate que vous ne référencez pas les passages, dans ce même programme, qui proposeraient d’étendre la loi de 1905 à l’Alsace-Moselle et de renforcer la loi de 2004 : forcément, puisqu’ils n’y figurent pas. Là non plus je ne m’étais pas trompée.
Vous dites au point 4 que l’islamophobie n’est pas que théorique. Bien sûr que la critique, la caricature, les déclarations de détestation d’une religion ne sont pas que théoriques et qu’elles viennent même choquer de chastes oreilles. Elles font partie de la vie de la cité, et elles ne sont pas nécessairement contraires à l’esprit républicain. L’esprit républicain c’est de les laisser vivre et de considérer que, tant qu’il n’y a aucune atteinte aux personnes ni aucune infraction aux lois en vigueur, chacun doit pouvoir les proférer mais aussi les tolérer. C’est ce que ne souffrent pas les « sensibilités offensées » : certaines de ces saintes-nitouches se sentent tellement offusquées que, hurlant à l' »islamophobie », elles s’arment d’un coutelas pour « exécuter un chien de l’enfer » (1). « l’art d’être choqué » a amplement montré jusqu’où il est capable d’aller : mais apparemment ces pudeurs dévotes ne sont pas un danger important et imminent, si peu qu’on songe au contraire à mettre à leur disposition un outil de sanction contre ceux qui ont l’audace de les « froisser ».
L’article de Konopnicki n’est pas nul. L’auteur sait très bien de quoi il parle, et sa longue expérience en témoigne : je vous invite à plus d’attention à ce sujet. Le texte expose en peu de mots l’imposture que constitue la reprise du terme « Front populaire ». En plus c’est bien écrit. Mais quand une consultation du peuple ne donne pas les résultats espérés, on peut toujours dire, pour y rester sourd, que c’est « démagogique » plutôt que « populaire ». On peut aussi s’asseoir dessus comme on l’a vu avec le référendum de 2005.
(1) Voir le livre de David di Nota et l’article de recension publié sur Mezetulle : « J’ai exécuté un chien de l’enfer. Rapport sur l’assassinat de Samuel Paty » de David di Nota, lu par C. Kintzler
Je vous remercie pour cet échange d’arguments. Une discussion n’est pas un conflit et c’est à chacun de faire le point sur sa propre pensée en écoutant ceux des uns et les autres. Aussi pour terminer, j’aimerais apporter deux précisions.
1) Je ne vous ai pas convaincue mais il ne va pas de soi que la critique de l’islamophobie soit une tentation bigotte. On peut l’expliquer autrement.
2) Lorsque je reproche à Konopicki de confondre le concept de populaire avec celui de démagogie ce n’est pas pour me plaindre qu’une consultation du peuple ne donne pas les résultats escomptés puisque, précisément, je me réjouis, comme je l’explique, de la fin de l’hégémonie de LFI sur la gauche à l’occasion des élections européennes.
Petite remarque sur le commentaire d’Alain Champseix.
La Phobie est une très bonne chose : pratiquant la montagne, j’ai toujours peur de la chute ou de l’accident. C’est elle qui me sauve, pour que je puisse continuer à fréquenter les sentiers et les falaises de mes reliefs. Je suis montagnophobe, comme je suis islamophobe ou christianophobe voire laïcophobe. Contrairement ce qu’affirme M. Champseix, l’islamophobie ne se réduit pas à la peur du Voile: ce n’est pas l’arbre (cachant la forêt) qui importe, c’est ce qu’il y a derrière: l’Iran, l’Afghanistan, l’Etat Islamique, etc. Les gens ne sont pas aussi bêtes, ils font la distinction Je rappelle que les femmes, en France par exemple, portaient un foulard dans les années 60 (voire 70) comme les hommes mettaient un chapeau: sans peur ni agression car derrière (ou dessous) il n’y avait pas une police des mœurs meurtrière . Pour ne plus confondre islamistes et Islam, oui il faut être un minimum islamophobe, et ça vaut pour toutes les religions et toutes les idéologies : je suis bouddhistophobe quand je vois ce que les Bouddhistes ont fait aux rohingyas musulmans de Birmanie.
Quant à l’ironie de l’article sur le NFP, je la défends et la préciserais: ce n’est pas un prétendu NFP c’est plutôt un FP prétendu Populaire. Le programme de ce fourretout politique est une promesse de pauvreté et d’inégalité sociale: il n’a rien de populaire, il est avant tout une somme de postures intellos et abstraites. La France est 21ème en terme de PIB par habitant, et sa dette est abyssale: dès l’arrivée au pouvoir de ce Front, les crédits accordés à notre pays disparaîtront. Et les investisseurs fuiront. Et la pente de la pauvreté débutera, et le temps de travail réel augmentera, et le pouvoir d’achat baissera. Populaire, tout ça ? Avec la démagogie du RN, ça ne sera pas mieux. Mais le RN n’a pas l’étiquette mensongère « Populaire ». Deux petites précisions historiques: d’une part, le FP de Blum a tenu quelques mois, car ses mesures économiques ont effondré la France et elles sont été abandonnées rapidement. D’autre part, c’est bien l’Assemblée Nationale FP qui a voté les pleins pouvoirs à Pétain.
En ce qui concerne les pourcentages évoqués par Alain Champseix, ils sont destinés à prouver quoi ? Les 10% des staliniens de LFI sont négligeables ? Pourquoi donc ? Il y a un accord: LFI demandera que le Premier Ministre du NFP applique l’accord. Et 10% d’agitateurs dans la rue ça bloque l’économie (10 loubards venus interrompre un concert de Renaud dans un Zenith plein de milliers de gens ont eu gain de cause). Et pour finir, la cerise sur le gâteau: les 40 % du RN sont insupportables. A qui la faute ? Aux millions d’électeurs du RN qu’il faudrait rééduquer (avec des Commissaires politiques) ? Pour la faute: relire ce que disait , il y a quelques jours, Ariane Mnouchkine sur le résultat des Européennes. On notera que les 40% d’électeurs du RN ne manifestent pas dans les rues pour faire barrage au NFP, qui (lui) fait tout, avec ses manifs, pour faire passer le RN à 60%…..
Je suis tout à fait d’accord avec votre analyse au sujet du mot « islamophobie » et j’ai toujours affirmé mon islamophobie comme partie intégrante de ce qu’on pourrait appeler « la religiophobie » si ce terme existe.
Par ailleurs j’aimerais bien , afin de bien distinguer l’antisionisme de l’antisémitisme , que soit fait le même type d’analyse au sujet du mot « antisionisme » qui est une position critique par rapport avec une certaine position politique et un certain programme politique .
Il semble bien que « notre » président Macron ne soit pas sensible à ce type d’analyse, lui qui a proclamé, ainsi que E Borne, que « l’antisionisme » c’est « nouvelle forme d’antisémitisme » rejoignant ainsi, ceux et celles qui veulent inclure une référence quelconque à Israël dans « le nouvel antisémitisme ».
Bonjour,
dans l’idéal il faudrait promouvoir et faire adopter par l’usage (et pas seulement par des théories confidentielles) au moins trois termes concernant du moins cette question :
1) islamistophobie (cela est souligné en rouge puisque le mot n’existe apparemment pas) = dénonciation et rejet de l’islamisme, que j’apparente (l’islamisme) à une idéologie d’extrême droite xénophobe et voulant éradiquer ou convertir tous les autres qu’eux ; dans ce cas il est assez clair que tout le monde sauf les islamistes, et islamistophobe
2) islamophobie au sens littéral rappelé par Mme Kintzler dans l’article ci-dessus : rejet ou critique négative de la religion musulmane ou de certaines de ses tendances théoriques et pratiques ; là c’est plus complexes car une religion est toujours composée de multitudes de tendances, significations et attitudes et que pour en faire une bonne critique (je veux dire une critique intellectuellement honnête, non pas une critique favorable), il faudrait démêler l’écheveau. Par ailleurs il me semble aussi que si on rejette en bloc tout l’Islam, on peut avoir (en variant les moments historiques notamment) le même rejet envers toutes les religions instituées et que pour éviter le risque d’être ou de paraître discriminatoire, il faudrait se déclarer religiophobe (mais alors il faudrait tout de même préciser en quel sens du mot religion on entend cela).
3) comme le propose Mme Kintzler et comme je l’ai suggéré sur un autre lieu de discussion, il faudrait un autre terme pour désigner l’hostilité passive et surtout active envers les personnes de religion ou de culture musulmane ou influencée par l’Islam. Cette hostilité est bien plus massive et bien plus exprimée et manifeste que les publications d’intellectuels se déclarant islamophobes au sens strict du terme. Les locutions « antimusulmans » et plus encore « hostiles aux personnes musulmanes » ne sont pas usités et pourraient (du moins la seconde) ne pas être facilement adoptées parce qu’elles relèvent de la périphrase et qu’en parlant ordinairement ou publiquement, la plupart des gens préfèrent faire plus concis et n’employer qu’un seul mot.
J’avais donc des objections au moins partielles au procès qui semble fait aux rédacteurs du programme du Nouveau Front Populaire : pour la plupart des gens (je me répète), le mot islamophobie désigne une xénophobie exprimée voire activement hostile et agressive envers des personnes en raison de leur supposée ou effective appartenance à un groupe plus ou moins unifié autour de croyances traditionnelles.
Peut-être que, comme me l’a (à moi et à d’autres) suggéré Mme Kintzler, certains responsables politiques emploient-ils à dessein un double langage par ce terme d’islamophobie. ce qui relèverait de la duplicité.
Mais je suis à peu près certaine (ce qui ne prouve rien !) que le Nouveau Front Populaire n’a absolument pas pour projet de réinventer ou de réofficialiser la notion de délit de blasphème ni d’attenter à la liberté d’expression.
Je lancerais donc pour finir un éventuel pavé dans la marre : l’actuel pouvoir politique n’a-t-il pas lui, déjà, attenté (certes pas par la législation même) à la liberté d’expression ? Encore une fois, la crédibilité philosophique requiert au minimum de s’abstenir de juger selon le critère du « deux poids et deux mesures », ou d’en donner l’impression. De même donc que ceux qui emploient le terme « islamophobe » ont probablement tort de ne pas spécifier qu’ils n’emploient pas ce terme en son sens littéral, il faudrait que toute personne qui rédige un texte argumentatif, à plus forte raison incriminant un autre texte ou d’autres locuteurs, spécifie in extenso tous ses propos pour éviter les malentendus.
Cordiales salutations
Chère collègue, mes excuses pour cette réponse tardive, je suis un peu débordée.
Je reprends quelques points de votre commentaire, en suivant votre numérotation.
2. Vous proposez de distinguer, dans la critique d’une religion, différents aspects. Cette distinction est tout à fait légitime et même nécessaire dans le contenu d’une discussion, d’une réflexion. Mais si elle devait entrer dans un texte contraignant, dans le discours de la loi, avec pénalisation, à qui faudrait-il s’en remettre pour sonder les reins et les cœurs ? On pourrait sanctionner une « mauvaise » critique, une critique violente, une critique de mauvaise foi, et ne pas poursuivre une critique « intellectuellement honnête » ? c’est un procédé inquisitorial qu’il faudrait alors mettre en place, chargé de sonder les intentions de l’auteur de la critique. La loi est bien moins dangereuse, bien plus bête, généreuse et libérale qu’une inquisition : la critique d’une doctrine, que l’auteur soit ou non de bonne foi, quelle que soit son outrance, relève de la liberté d’expression et son auteur n’a pas à être poursuivi. Pourvu que personne ne soit attaqué, pourvu qu’aucune loi en vigueur ne soit enfreinte, il n’y a aucun délit. Et on a parfaitement le droit de détester telle ou telle religion plutôt que d’autres, et de le dire : cela peut vous sembler incohérent et erroné, mais la loi n’a pas à dire ce qui est vrai et ce qui est faux.
3. Je m’interroge sur le sens de « hostilité passive » (à l’égard des personnes) ; cela veut-il dire « silencieuse, sous-entendue » ou bien « verbale » ? Le « ou » est évidemment exclusif. Ce n’est pas du tout la même chose.
Ensuite
a) Vous décidez que « islamophobie » signifie « une xénophobie exprimée voire activement hostile et agressive en raison de leur appartenance supposée ou réelle à un groupe… » C’est une pétition de principe puisque c’est ce qui est en question. Sur le fond, je remarque que dans votre définition vous vous inspirez des termes d’une loi existante. Effectivement on a déjà les outils juridiques pour poursuivre et sanctionner les auteurs de propos visant une ou des personnes au motif de leur appartenance ou de leur non-appartenance réelle ou supposée à une religion (Article 225-1 du Code pénal). Il est donc superflu de répéter sous forme de proposition (mal écrite, avec un terme à la fois ambivalent et restrictif à une seule religion) ce qui existe déjà sous forme de disposition en vigueur. La législation actuelle est bien mieux écrite, qui ne se contente pas de protéger uniquement les musulmans contre les attaques fondées sur une appartenance ou une non-appartenance (« vraie ou supposée ») religieuse.
Pourquoi répéter alors ? Si ce n’est pas superflu, c’est qu’on entend introduire par là une nouveauté par rapport à la législation existante : c’est l’hypothèse que j’ai retenue dans mon article, l’introduction d’un délit de blasphème (à l’encontre d’une seule religion !). Mais libre à vous de croire que « le Nouveau Front Populaire n’a absolument pas pour projet de réinventer ou de réofficialiser la notion de délit de blasphème ». C’est pourtant écrit noir sur blanc dans le programme, ou alors il faut penser que ce passage est une étourderie mal écrite. Mais une étourderie mal écrite, transformée en loi, a des conséquences.
b) Vous faites remarquer que l’usage ordinaire du mot « islamophobie » désigne spontanément pour beaucoup de locuteurs « déclaration d’hostilité envers les musulmans ».
1° Même cet usage ordinaire englobe aussi la critique – éventuellement violente, caricaturale, outrancière – envers l’islam, donc vouloir introduire les termes « islamophobie » et « propos islamophobes » dans une loi visant leur répression c’est aussi vouloir la répression des critiques de l’islam.
2° D’où le problème abordé par la fin de votre réflexion et que je me permets de reformuler ainsi : la loi doit-elle s’écrire en utilisant les termes les plus courants? Bien sûr, si ces derniers sont suffisamment précis. En l’occurrence, le terme courant ne l’est pas, il est même dangereusement approximatif. Le lexique législatif doit-il s’aligner sur celui de la doxa ? On n’écrit pas la loi comme on parle au comptoir du café du commerce, et tous les locuteurs de langue française sont accessibles au fait qu’il y a différents registres de langue. Votre texte dit bien que non, on n’écrit pas la loi comme on parle, que les termes doivent être précis, et j’ajouterai : peu importe qu’ils soient ou non « peu usités » dans l’usage courant, il faut et il suffit qu’ils soient précis et intelligibles. S’il fallait re-rédiger la proposition NFP il faudrait donc, comme vous le remarquez, employer « antimusulmans », « hostiles aux personnes de confession ou de culture musulmane » (peu usités mais parfaitement clairs, intelligibles par tout locuteur francophone, et sans ambivalence). Mais ce n’est pas nécessaire, puisque alors on retombe dans l’un des cas déjà prévus par l’article 225-1 du Code pénal.
Bien cordialement
Désolé, chère Catherine. Je voterai pour le Nouveau Front populaire, bien que je refuse de dénoncer la « prétendue » islamophobie, pour les raisons exposées dans votre article (on doit dire « la haine contre les musulmans »). Je suis en effet un républicain conscient, qui ne veut surtout pas du RN, pas davantage du macronisme qui a fait son lit. Une autre solution ? Il n’y en a pas. Donc, s’en prendre au « prétendu » NFP, c’est reprendre sans examen l’un des tacles politiciens du macronisme. Chacun a certes le droit de voir encore en Macron un « barrage » contre le RN, mais cela relève de l’acte de foi, non de la raison critique ou de la simple vigilance républicaine.
J’en profite pour noter que l’usage polémique et à tort et à travers du terme « antisémitisme » auquel nous assistons depuis 8 mois affaiblit dangereusement le sens de ce mot, et contribue à l’abaisser au même rang que la prétendue « islamophobie », faisant ainsi le jeu des islamistes. Un véritable délit, et un crime historique, se voit réduit à un anathème contre qui a le malheur de critiquer la politique de l’Etat d’Israël, ou simplement d’être horrifié par les dizaines de milliers de morts à Gaza. S’opposer à l’antisémitisme, comme à la haine des musulmans, restera un devoir permanent de tout républicain, quel que soit son choix politique ou la majorité en place : il n’a pas plus commencé à s’imposer le 7 octobre 2023 qu’il ne cessera de le faire le 7 juillet 2024. Bien à vous.
Bonjour Charles. Je commente le premier point, le second n’appelant de ma part aucune remarque particulière, il se trouve d’ailleurs que nombreux sont les citoyens israéliens qui critiquent la politique de l’Etat d’Israël.
Je n’ai pas besoin de recourir au macronisme pour tacler le prétendu « Nouveau Front populaire » en montrant notamment, comme j’essaie de le faire dans l’article, qu’il n’hésiterait pas à introduire un délit de blasphème – uniquement à l’égard de l’islam bien sûr ! Du reste je n’ai pas vu cet argument passer chez les macronistes et on ne peut pas conclure de mon texte que je soutiens le macronisme ni que je vais voter en ce sens.
De même, je n’ai pas besoin de ce recours pour considérer que la coalition « NFP » cautionne, pour ne pas dire plus, l’islamisme sous ses deux formes (terrorisme et infiltration). Je n’ai pas récusé jadis la « gauche caviar » puis naguère la « gauche Terra Nova » toutes deux antilaïques pour consentir maintenant à une « gauche Médine » tirée en l’occurrence par l’attelage Mélenchon-Hollande-Poutou. Elle représente à mon avis un danger grave et imminent, dont la laïcité et les laïques ont tout à craindre, et elle serait fort difficile à combattre (l’attestent les flots de moraline, de leçons en « conscience politique » et de culpabilisation qui se déversent dès qu’on fait mine de ne pas la soutenir) si elle accédait à la direction du pays. L’article que Guy Konopnicki m’a autorisée à publier ci-contre expose très bien et en peu de mots l’imposture révoltante que constitue la reprise du terme « Front populaire ».
Donc, vous l’avez compris, je ne voterai pas « Nouveau Front populaire », cela m’est impossible. Je suis lasse de voir ceux qui votent décennie après décennie, en se pinçant éventuellement le nez, pour une gauche dévote (1) passer ensuite de longues années à déplorer leur choix et à combattre la politique de ceux qu’ils ont hissés en position de pouvoir. D’ailleurs je suis habituée, depuis fort longtemps, à voter comme les non-éduqués, les débiles (noms d’oiseaux entendus lors du référendum de 1992 puis celui de 2005), et avec ceux qui se prononcent « sans examen » : je suis peut-être encore à vos yeux une républicaine, quoique « non-consciente » !
(1) Dévote en deux sens : a) qui se courbe devant les religions – ou plutôt devant une religion, précisément celle qui n’a pas été confrontée par un pouvoir politique fort et démocratique à la contrainte de travailler la séparation entre pouvoir civil et pouvoir religieux, contrainte que le catholicisme a dû affronter et digérer dans la France républicaine de la fin du XIXe et du début du XXe siècle – et b) qui se présente elle-même sous forme religieuse hors de laquelle il n’y a point de salut.
Certes, chère Catherine, j’entends bien que vous déniez toute intention de vote Macron. Nonobstant, ayant fait moi-même partie des supposés « débiles » qui, mais après mûr examen, pardon ! ont voté non en 1992 et 2005, la même lucidité d’analyse m’oblige à constater que Macron, non seulement n’a cessé de renforcer le RN par sa politique depuis 7 ans, mais lui ouvre un boulevard avec la dissolution si témérairement décidée. Je constate donc que toute attaque contre la gauche qui n’appelle pas à voter RN est objectivement une invitation à voter Macroniste (ou LR, soyons charitables). D’ailleurs, c’est l’argument essentiel de la majorité sortante. Inutile de faire Sciences Po pour le voir.
Par ailleurs, quelles que soient les préventions justifiées des laïques contre le terme « islamophobie », il est inexact de lui donner la signification d’un retour au délit de blasphème. Aucun des soutiens du NFP ne l’interprète ainsi : ils pensent naïvement dénoncer la haine des musulmans. C’est en revanche un déplorable abus de langage, qui conduit à un amalgame dangereux. Mais le terme « antisémitisme » ne l’est pas moins, puisque, linguistiquement parlant, les Arabes sont aussi des « sémites » : or la haine des Juifs, qui a produit le génocide historique et imprescriptible de ceux d’Europe, ne tient pas à un groupe linguistique, une prétendue race, ni même une ethnie, mais à une appartenance religieuse « réelle ou supposée » – dont le mot « antisémitisme » ne nous dit rien. Amalgame avec la religion d’un côté, effacement de la religion de l’autre : comme si la haine avait besoin de s’avancer masquée par les dévoiements de la langue.
Cher Charles,
Je reprends une de vos formules : « objectivement une invitation à voter macroniste ». Cet « objectivement » a beaucoup servi, vous le savez, à qualifier des intentions, car c’est alors l’enquêteur analyste qui décide de ce qui est objectif. Autrement dit : en n’appelant pas à voter x, on appelle quand même (mais attention, »objectivement »), à voter x : l’analyste sait mieux que vous ce que vous ne dites pas, et même ce que vous prenez soin de ne pas dire. N’étant pas dans un cabinet de psychanalyse (car y être requiert le consentement de l’analysé), on pourrait s’en tenir à ce qui est dit explicitement .
Je voulais faire remarquer que cela fait des décennies qu’on me fait le coup du « barrage ». « Faire barrage » OK mais en faveur de quelle politique antilaïque, antirépublicaine, en faveur de quel chaos ? Faire barrage en installant sciemment, avec la bonne étiquette morale, ce que l’on combat ? Car depuis des décennies, la gauche ayant étouffé le courant laïque républicain qui était notamment mené par Chevènement, il n’y a aucun redressement, on se contente d’appeler au « barrage » sans tirer d’enseignements du désespoir croissant des citoyens privés d’expression politique. Comme je le dis dans ma précédente réponse, la gauche fait tout le contraire, elle est passée de la gauche caviar à la gauche Terra Nova et maintenant au motif du « barrage » il faudrait consentir à la gauche Médine, quel progrès ! Ces grands clairvoyants sont-ils seulement capables d’entendre, d’analyser le résultat des consultations électorales ? Cela fait des décennies, en se donnant bonne conscience avec de tels « barrages », que la gauche a abandonné les objets politiques républicains, notamment laïcité, sécurité des personnes et des biens, école exigeante et disciplinée centrée sur l’instruction, souveraineté nationale, fonctionnement des services publics : l’extrême droite n’a eu qu’à se baisser pour ramasser ces objets délibérément abandonnés. Travaillons, il est grand temps, au redressement républicain, en écoutant les citoyens qui se prononcent lors des consultations électorales et non en leur servant, à l’abri du « barrage », une louche de plus de la soupe qu’ils rejettent !
Le terme « antisémitisme » est ambivalent, vous avez raison. Mais en tout état de cause, il s’applique toujours à des personnes. Dans mon article, je réfléchis sur une tout autre ambivalence : application à des personnes vs application à une doctrine. J’ai voulu montrer en quoi il est très dangereux d’utiliser subrepticement un terme qui ne s’applique qu’à une doctrine (« islamophobie ») comme devant s’appliquer aussi à des personnes, cela transforme l’islamophobie en délit. Il n’est pas naïf aujourd’hui de donner à ce terme une application qui le transformerait en délit en le rendant passible de sanctions, car tout le monde sait, même les naïfs, que l’accusation d’islamophobie tue. Ce n’est pas « objectivement » et à leur insu que les rédacteurs de ce projet proposent de pénaliser la critique, la caricature, etc. de l’islam, c’est ouvertement, formellement, les yeux grands ouverts.
Chère Catherine, je me doutais bien que mon « objectivement », qui fleure bon le léninisme, vous irriterait. Je maintiens quand même que la déploration de la gauche républicaine passée (un peu mythifiée, non ? voyez les radicaux après 1936), surtout en oubliant les objectifs sociaux qui sont sa raison d’être, est totalement inopérante dans la situation actuelle. Pire, si elle sert à réfuter l’appellation même de « nouveau Front populaire », sur quoi d’autre peut-elle déboucher que sur le vote Macron (accessoirement LR, ou l’abstention, ou le vote blanc) ? C’est un fait, pour le coup, « objectif », puisque ni vous ni moi ne souhaitons voir le RN au pouvoir.
Quant au terme islamophobie, je déplore comme vous qu’il soit mis sur le même plan que l’antisémitisme par le programme du NFP. Je dénonce également l’amalgame qu’il impose entre croyance et croyants. Mais ce n’est pas le sujet de l’heure : il y a quand même le feu ! Paradoxalement, le plus constant opposant à l’usage du terme islamophobie est aujourd’hui… le RN, dont on sait par ailleurs qu’il est un ferme soutien de la France chrétienne et de l’Eglise catholique (il s’est de surcroît récemment proclamé « sioniste » – on croit rêver).
Il faut bien convenir que la laïcité n’est pas le coeur des débats politiques actuels, sauf instrumentalisée par l’extrême-droite contre les musulmans (réels ou supposés). Mais si nous devions parler laïcité, n’oublions quand même pas que Macron est celui qui aura fait le plus de cadeaux financiers à l’Eglise catholique, laquelle reste la principale puissance cléricale, et de loin, dans notre pays.
Bonjour
Petit complément sémantique .
Je suis entièrement d’accord avec votre démonstration à une précision près .Dans le deuxième paragraphe , vous précisez que le terme PHOBIE peut signifier « critique ». Sans vouloir jouer les linguistes , je ne partage pas cette proposition. Etymologiquement , le terme Phobie vient du grec Phôbos qui exprime la crainte , la peur , inexpliquée et irraisonnée .En épidémiologie , la phobie est même une pathologie psychiatrique .Dans le langage commun , c’est sous cette acception qu’est entendu le terme phobie ….phobie des araignées, des souris , de l’obscurité, de la foule , de l’islam ?.La critique est elle , au contraire souvent argumentée et donc efficace . Cette précision n’est pas futile .En effet, traiter un interlocuteur d’homophobe , c’est jouer sur une double ambiguïté .La première que vous démontrez dans l’article ci avant ( être islamophobe , ce n’est pas s’attaquer à des personnes). ….mais au-delà on pourrait croire au manque de sérieux des propos qualifiés d' »islamophobes » …On a peur de l’islam ou on le redoute de façon irrationnelle . En cela , les propos islamophobes manqueraient de fondement. .Il ne s’agit pas de tiédir les propos critiques à l’égard de l’islam ou de toute autre religion, ni de mettre les débats sous le tapis .Il s’agit bien au contraire de privilégier une critique raisonnée et argumentée donc forte et efficace .Le terme islamophobe constitue une « punch line » , une « phrase choc » qui clôt le débat au lieu de l’ouvrir ., ce genre d’expression qui nuit d’une façon générale aux propos argumentés trop souvent absents de notre monde politique .Il n’est de liberté de critiquer , de blâmer ou de blasphémer sans le devoir d’argumenter avec raison et ce, sans modération…Alors , .je ne revendique pas d’être islamophobe , je n’ai pas la phobie de quelque religion que ce soit et je n’accepte pas d’être traité d’islamophobe mais je reste vigilant et critique .La raison ne s’use que quand on ne s’en sert pas.
Vous avez raison. La précision que je donne au début (i.e. on entend aussi par là une critique) est étymologiquement inexacte et elle n’apporte pas grand-chose telle qu’elle est placée dans l’article. Il est plus exact et éclairant d’introduire la notion de « propos critiques » comme une cible (une victime mais pas du tout collatérale, une victime principale) de la machine anti-islamophobe que je dénonce : c’est ce que j’essaie de faire par la suite.
Bonjour,
Les commentaires que j’ai lus vous rétorquent souvent, soit que dans l’usage qui est fait de ce terme aujourd’hui, « islamophobie » désigne bien plutôt la haine des musulmans que la haine de l’Islam; soit qu’il faudrait remplacer ce mot par « haine des musulmans » ou par une locution équivalente, pour distinguer la haine d’une catégorie de personnes de la haine d’une religion.
C’est la prémisse commune à ces deux positions qui me gêne: on pourrait s’en prendre à une religion sans s’en prendre à ses fidèles, et inversement.
Soyons clairs, je ne souhaite pas voir rétabli le délit de blasphème. La question du blasphème est selon moi morale et pas du tout juridique. D’ailleurs en droit français, le mot « blasphème » n’apparaît nulle part. C’est très bien ainsi. Mais ce n’est pas une raison pour aller insulter le Christ ou les évangiles dans une église, Abraham devant une synagogue ou Mohammed dans une mosquée – et ce, que le lieu de culte soit désert ou rempli de fidèles à l’heure de l’office.
Conceptuellement, votre position est tout à fait cohérente. Je me souviens vous avoir lue la défendre avec brio à l’époque de l’affaire Mila. Vous lisiez cette affaire comme un symptôme parmi d’autres de la réduction du religieux à une question de sentiment, pour ne pas dire de ressenti. Je vous suis sur ce point. Je vous accorde aussi que nous avons besoin, pour la pensée, de distinguer les religions de leurs fidèles et les croyances ou les dogmes des croyants qui les ont et les font vivre. Mais ne nous méprenons pas: la différence entre la croyance et les croyants, ou entre une religion et ses adeptes, existe seulement en pensée. Autrement dit, la distinction est abstraite et nullement réelle. Que serait une croyance sans croyant? Que serait une religion sans fidèle? Inversement, que serait un croyant sans dogme, sans institution de rituel et de prière, sans communauté, sans lieu de culte? Les religions, sont toutes sans exception des pratiques sociales: elles ont besoin de personnes pour exister, et elles ont besoin d’institutions, de dogmes et de lieux de prière pour se définir. Ces dogmes, ces institutions et jusqu’à ces lieux de prière évoluent dans l’histoire selon les désirs et les sentiments (eh oui! le « ressenti » est aussi un moteur de changement, même s’il ne le détermine pas) des personnes croyantes; d’où les changements de rituels (Vatican II), d’où aussi les schismes, les anathèmes et les hérésies. Tout cela fait qu’on ne peut pas séparer la religion en général, ni une religion en particulier, des personnes qui y adhèrent et la suivent. Vous ne pouvez pas haïr un musulman parce qu’il est musulman (haine des musulmans ou islamophobie au sens aujourd’hui dominant) sans haïr l’Islam; vous ne pouvez pas haïr l’Islam sans haïr les musulmans en tant que personnes pratiquant cette religion que vous haïssez ou y adhérant d’une façon ou d’une autre. Les deux sens du mot « islamophobie » sont donc inséparables dans les faits, même s’il est utile de les distinguer pour l’analyse et pour le jugement.
D’où aussi l’abstraction du droit, si l’on comprend comme vous qu’il distingue nettement entre croyants et croyance, fidèles et religion: le blasphème est autorisé (en fait, il n’y en a pas, ça n’existe pas en droit), mais l’insulte à une croyance revient à une injure à la personne et donc, est un délit. Je ne crois pas cette position tenable, surtout aujourd’hui où finalement, Malraux a gagné: le XXIème est religieux – au sens où les personnes, les groupes, les communautés, et souvent les Nations se définissent de plus en plus par une foi religieuse que par tout autre chose.
Je pense donc que, sans rétablir le délit de blasphème, nous avons plus que jamais besoin d’une laïcité de tolérance religieuse, d’une laïcité de respect des croyances, respect et tolérance du fait religieux et de la croyance religieuse dont il faudrait penser à la fois la nature et les limites (car bien sûr tout n’est pas respectable dans les expressions d’une croyance religieuse, et bien sûr il deviendrait vite ingérable de respecter les sacra de toutes les religions à la fois, par exemple les prescriptions alimentaires dans les cantines scolaires).
La laïcité de neutralité religieuse ne correspond plus à notre temps. Elle devient même dangereuse, non seulement parce qu’elle heurte les sentiments des croyants, mais aussi parce qu’elle heurte leurs identités – car l’identité n’est elle-même qu’un sentiment d’un type particulier, un sentiment réflexif nourri de volonté et d’imaginaire – et elle peut alors contribuer à provoquer des violences qui évidemment nuisent à la paix civile et à la concorde sociale.
Enfin, à titre subsidiaire, je m’interroge depuis un moment sur le sens du mot « islamisme ». Que veut-il dire? Qu’apporte-t-il d’autre ou de plus que « djihadisme », « salafisme » ou même « fondamentalisme musulman »? Plus je lis d’articles, de textes où il apparaît, moins je comprends le sens du mot « islamisme », je dois l’avouer, au point que je me demande même parfois s’il en a un. Bien sûr, ce qui est plus que gênant, c’est qu’il ne diffère du nom d’une religion que par quatre lettres, le petit suffixe -isme. Le catholicisme est-il un fanatisme catholique? Ce glissement du nom d’une religion à ses versions les plus extrêmes, violentes et meurtrières est au moins aussi problématique que l’ambiguïté de « islamophobie ». Sans entrer dans une mystique du signifiant, c’est tout de même malheureux qu’on identifie une forme de violence qui se réclame d’une religion à partir du nom de cette religion même. Il y a bien sûr dans « islamisme » une suggestion d’essentialisation; l’Islam ne pourrait par essence que nourrir un fanatisme. Comme on le sait bien par l’histoire de l’Islam et même par sa diversité contemporaine, c’est complètement faux. On parle de « juifs orthodoxes », pas de « judaïcisme »; et de « fondamentalisme chrétien », pas de « christianicisme »: alors pourquoi « islamisme »?
J’espère ne pas vous avoir assommée avec ce long commentaire et ces objections que vous avez sûrement déjà rencontrées. Merci en tous cas pour votre site et pour vos articles, qui donnent toujours à penser et à comprendre sur des sujets en général passionnels. Ils ont le grand mérite de dissoudre la passion pour laisser entrer l’intelligence des choses.
Cordialement,
Marc Pavlopoulos
Cher collègue,
Le point principal, me semble-t-il, de votre commentaire repose sur l’idée selon laquelle il y aurait indissociabilité et même peut-être consubstantialité entre une conviction (ici religieuse) et la personne qui la professe : autrement dit, le fidèle d’une religion s’identifie à sa conviction. D’où le raisonnement : s’attaquer à une conviction, c’est s’en prendre aux personnes qui s’identifient à cette conviction.
Effectivement c’est ainsi que raisonnent les identitaires. Je ne suis rien d’autre que la série adhésive de mes convictions, et quand on attaque ma conviction, je suis choqué, je suis froissé, ma sensibilité est offensée, on m’injurie. C’est tout « l’art d’être choqué » qu’a lumineusement décrit David di Nota dans son livre . On peut être tellement choqué qu’on réclame une législation contre le blasphème (ma conviction doit être défendue contre ceux qui la blessent), et puis la sainte-nitouche prend un coutelas et venge à la fois sa religion, son prophète, ses convictions, et lui-même dans l’exécution d’un « chien de l’enfer ».
Philosophiquement cela rejoint un problème difficile et intéressant : suis-je l’ensemble de mes convictions, suis-je l’ensemble de mes états, suis-je l’ensemble de mes attributs, de mes tags ?
On peut se poser, comme test, la question de savoir si on peut changer de conviction. Or c’est l’un des points essentiels de la laïcité : elle n’identifie pas les personnes et les convictions. On peut croire, ne pas croire, mais aussi changer de croyance, changer de conviction. Si je peux changer de conviction, non seulement je suis toujours « moi », je continue à dire « je », à essayer de faire valoir ce que je pense, mais encore cela montre très simplement qu’on peut, et qu’on doit, dissocier (et pas seulement abstraitement, à des fins subtiles d’analyse, mais vraiment pour protéger la liberté de conscience) la croyance, la conviction d’une part et le croyant d’autre part.
Il se trouve que la question a déjà été abondamment abordée sur le présent site, précisément au sujet de la distinction entre « croyance » et « croyant », et donc je me permets de vous renvoyer à l’un des articles qui l’ont développée (c’est traité principalement à la fin, mais je pense que l’ensemble est susceptible de vous intéresser) :
Du respect érigé en principe https://www.mezetulle.fr/du-respect-erige-en-principe/
Bien cordialement
Chère collègue,
Je vais tâcher de clarifier quelques points car mon commentaire initial était en effet touffu et je ne voudrais pas abuser de votre temps, d’autant que les commentaires pleuvent sur votre article… comme vous vous y attendiez sans doute!
Bien sûr en droit, insulter une religion n’est pas la même chose qu’insulter ses fidèles. Insulter l’Islam ou son prophète n’est pas un délit; insulter les musulmans, si.
D’autre part, je ne pense pas qu’une personne puisse se définir par sa conviction ou par sa foi, pour une raison simple: une personne ne se définit par rien, une personne n’a pas d’essence. C’est une thèse métaphysique, je ne pense pas qu’elle nous soit très utile ici. Elle permet tout de même de s’opposer aux discours identitaires et essentialistes (« ma foi me définit »).
Mais là où, comme d’autres, je suis en désaccord avec vous, c’est lorsque vous écrivez: « Quand on dit « islamophobie », cela ne peut s’appliquer qu’à une doctrine et jamais à des personnes. En effet en français on appelle les adeptes de l’islam « musulmans », et jamais leur nom n’est formé sur le radical « islam ». »
L’argument lexicologique me paraît insuffisant. Je pense que « islamophobie » est exactement comme « christianophobie »: il peut s’appliquer autant à des doctrines qu’à des personnes.
Si quelqu’un déclare publiquement que « tous les prêtres catholiques sont pédophiles », il ne fait pas que diffamer les prêtres catholiques; il attaque aussi le culte et l’église catholiques. De même, celui qui dit que « tous les musulmans sont des terroristes en puissance » insulte les musulmans et l’Islam du même coup. On voit mal aussi comment insulter un culte sans insulter ses fidèles. Si je dis que Mohammed était ivre quand il a écrit de le Coran et qu’en fait ce livre est un délire d’ivrogne, je dénigre une religion mais aussi tous ceux qui croient que le Coran est le recueil de la parole de Dieu, c’est-à-dire tous les musulmans, car j’implique qu’ils croient des fariboles et sont les dupes d’une histoire risible et honteuse.
En droit, on peut séparer le dénigrement et le rejet violent d’une religion du dénigrement et de l’insulte aux personnes qui la suivent (sans forcément s’y identifier!). Mais d’un point de vue moral et même, plus généralement, social et politique, cela n’a pas de sens. Insulter une religion, c’est forcément attaquer et dénigrer ses fidèles. La loi le permet, notamment parce que l’insulte au culte ne retombe pas sur les croyants: ils sont dénigrés quand on insulte leur dogme ou leur Dieu, mais pas insultés ou diffamés eux-mêmes. Mais ce dénigrement a son importance morale et politique, et il a des conséquences sur la cohésion sociale à un âge où de plus en plus de gens se définissent par leur croyance religieuse (même si cela n’a pas de sens, il croient pourtant le faire).
Voilà ma principale objection à votre thèse: la double distinction que vous défendez entre une religion et ses fidèles d’une part, entre une croyance et la personne qui l’entretient de l’autre, est une distinction abstraite. Elle est utile en droit, ou devrait l’être davantage, mais elle ne se retrouve pas dans toutes les dimensions de la vie sociale. Les rapports humains ne se laissent pas si facilement découper.
J’ai conscience qu’en soutenant qu’en soutenant cette objection, je me rapproche des « chastes oreilles » que vous moquez dans un de vos articles, et surtout du discours que vous pourfendez selon lequel il faudrait « modérer » la liberté d’expression, ne pas s’en servir trop ni trop fort. Comme je l’ai déjà dit, je pense que la question de la « modération » de la liberté d’expression en matière religieuse est une question morale, c’est-à-dire en fait une question de conscience; personne n’a à expliquer ce qu’il faut faire en cette matière. Autrement, on tomberait trop vite dans le respect « érigé en principe » (Charb, que vous citez), c’est-à-dire le respect de toutes les particularités, et donc à la fin, la réduction au silence. Mais je suis d’accord que ma critique ne va pas sans poser elle aussi des difficultés: on ne peut pas respecter toutes les croyances tout le temps, or je prétends que le plus souvent, on ne peut pas attaquer une croyance sans attaquer aussi ceux qui y croient.
Le problème est cependant réel.
Bien cordialement à vous,
Marc Pavlopoulos
Cher collègue,
Juste quelques éléments de réponse. Je vous remercie d’alimenter la discussion : elle soulève non seulement des questions juridico-politiques mais aussi une question philosophique majeure.
L’argument lexical vous semble insuffisant, il existe néanmoins et n’est pas négligeable : la langue parle elle-même souvent de manière aussi profonde que ses locuteurs. Il n’est pas le seul : l’article a pour objet de l’ajouter aux arguments de contenu qui ont été abordés ailleurs et à d’autres moments. Le point principal, comme vous le dites bien dans vos deux commentaires, étant la question de la dissociation entre une conviction, une doctrine d’une part et les adeptes de cette conviction ou de cette doctrine de l’autre.
Si le droit ne distingue pas entre les deux, alors c’est un boulevard qui s’ouvre pour l’introduction du délit de blasphème. Voilà, de manière très brève, ce que je veux dire et vous avez parfaitement situé ce point.
Que telle ou telle position morale les confonde, cela est possible et cela ne me gêne pas, mais que cela reste purement moral, une affaire de conscience individuelle.
Reste qu’on ne peut pas ériger cette identification en règle de droit, sauf à faire taire toute critique, toute caricature, toute plaisanterie même à l’égard d’une conviction, notamment religieuse. Dire « la sainte Vierge est la première enceinte acoustique », dire « Jésus est né par GPA », ce n’est pas insulter les catholiques – qui du reste accueillent ce genre de propos avec beaucoup d’humour, quand ils n’en sont pas eux-mêmes les auteurs. Dire « Le Coran est un livre écrit sous l’emprise de la drogue », ce n’est pas insulter les musulmans. Il y a d’innombrables blagues juives extrêmement irrévérencieuses pour le judaïsme, mais hélas je ne connais pas de blague musulmane. En revanche dans l’exemple « tous les prêtres sont des pédophiles », et dans l’exemple : « tous les musulmans sont des terroristes en puissance », on s’en prend aux personnes. Si la distinction était aussi évidente à chaque occurrence, on n’aurait pas besoin de recourir à un juge : mais encore faut-il que la loi la fasse, et il appartient au juge, s’il est saisi pour tel ou tel cas où cela n’est pas évident, d’en juger en se référant à la loi et non à sa propre position morale.
L’expression « insulter une religion » n’a à mon avis pas de sens : on ne peut pas insulter un corpus d’idées, on ne peut insulter que des personnes. On ne peut pas insulter le cartésianisme ; pourtant que d’inepties désobligeantes entend-on et lit-on à son sujet, et moi, cartésienne, je ne suis nullement insultée par ces inepties, Denis Kambouchner a écrit un livre où il démonte quelques-unes de ces inepties, cette réfutation n’est en aucun cas un discours victimaire de « sensibilité choquée » !
« Tout cela est abstrait » dites-vous : je ne m’attendais pas à trouver un tel usage du terme « abstrait » sous la plume d’un professeur de philosophie. C’est si abstrait que, si on ne maintient pas la distinction dont il est question, on ouvre la voie aux chastes oreilles féroces dont j’ai parlé, aux « sensibilités offensées » qui finissent par s’armer d’un coutelas. Cela s’est vu, cela se répète, ce n’est nullement « abstrait ».
Vous avancez l’argument de la cohésion sociale. Cet argument a été utilisé jadis pour maintenir l’esclavage, pour maintenir le droit d’aînesse, il n’y a pas si longtemps pour maintenir les femmes dans un statut de minorité, et il est toujours utilisé aujourd’hui pour soutenir des coutumes contraires aux droits élémentaires de l’individu. Heureusement que le droit « abstrait » écarte ces arguments et permet, bien imparfaitement, à chacun de se libérer des assignations sociales, de s’y soustraire – de s’en abstraire.
Merci beaucoup Madame Kintzler pour cet article encore d’une grande clarté, et pour votre soutien aussi, et enfin pour vos réponses (à des commentaires parfois bien confus!). Vous écouter égrener la petite musique pacificatrice de la laïcité est toujours un grand plaisir.
Chère madame Kintzler, je vous lis régulièrement et vous apprécie depuis longtemps pour votre engagement philosophique laïque antiraciste et votre militance contre le prosélytisme religieux, notamment dans sa (souvent mortifère) virulence islamiste en cours.
Mais si, dans l’urgence de sortir de l’impasse démocratique où le Président Macron nous coince, nous consacrions notre intelligence à dénoncer certains points ou imprécisions de l’improvisation programmatique d’une gauche telle qu’elle s’efforce encore de se rabibocher, si mutilée ou rapiécée soit-elle, et donc la seule, hélas, pour le meilleur et le pire, dont nous disposions, ne nous plaignons pas demain de la droite « nouvelle » (aussi prétendument « populaire » que peu laïque) telle qu’elle saura, elle, prendre le pays en main, pour le pire.
Commentaire au choix de Claustaire.
Le mot est lâché: intelligence. C’est donc elle qui doit guider l’électeur populaire (voire le prolétaire) qui aura le choix (parfois, mais pas partout) entre une « Gauche » qui cumulerait « le meilleur et le pire » et une « Droite » qui, elle, ne cumulerait que « le pire ». Les choses sont tellement claires quand on est équipé d’une intelligence (Universitaire ? Militante ? Avant-Garde éclairée ? etc…) qui filtre bien la réalité et qui sait bien en effacer les côtés dérangeants ! C’est fascinant.
Pourtant, quand on n’a que sa peau (couleur, teint, etc) ou son simple corps (alimenté basiquement) pour juger du racisme, du prosélytisme religieux (dénoncés par ce commentaire), ou du progrès social tout simplement, on s’aperçoit vite que ce ne sont pas les Politiciens dits « de Gauche » (les PDG) , avec leurs solutions-discours-décisions miracles, qui peuvent (le mieux) servir d’outil efficace et pertinent, ou de référents a minima, pour un bulletin de vote en quête de progrès social : c’est même plutôt l’inverse qui se produit dans les milieux d’origine étrangère, ou dans les milieux pauvres. Les réflexions racistes du type « Noir de service », ou « Arabe de service », elles viennent de gens qui défilent avec les organisations prétendues « de gauche » qui acceptent ces insultes sans broncher. Quant à l’antisémitisme, au moins celui à l’égard des Juifs d’Israël, il vient de la prétendue « Gauche ». Il faut apparemment être très intelligent pour ne pas voir ce que d’autres voient….
Pour finir et ne pas faire trop long, je vais évoquer une figure politique qui illustre bien la situation actuelle (et la dégringolade des élites se croyant intelligentes, ou De Gauche, dans les milieux populaires et immigrés) : il s’agit de Lionel Jospin. Sa récente posture de soutien au NFP est cohérente. C’est lui qui a mis Le Pen devant Chirac, il sait donc comment on fait. C’est Vaillant (son ministre de l’Intérieur) qui va à Béziers après un attentat au Bazooka dans la ville et qui annonce aux journalistes (et donc à la France entière): « ce n’est pas un fait de société » ! Il évité de justesse « c’est un fait divers ». Conséquence immédiate de ce mépris de classe : le FN fait un carton dans l’Hérault. Autre fierté de la prétendue Gauche: son soi-disant attachement au progrès social. Parlons en: le taux de croissance était de 5% en France (et en Europe) mais Jospin a souhaité conserver le blocage des salaires. Voilà qui a fait réfléchir pas mal de Prolos en France. Le motif de ce blocage des salaires ? Les 35h ! Quand on gagne 5000€ par mois, la semaine de 4 jours avec un tel salaire, c’est une aubaine. Mais quand on est au SMIC, la semaine courte est une escroquerie, une insulte. La prétendue Gauche s’est donc révélée, de fait, favorable aux inégalités sociales. Et elle s’est même révélée réactionnaire: les 35h se sont accompagnées de mesures de compensation ou des récupération (horaires ou financières ), pour fonctionner ou pour survivre, de la part des entreprises ou des administrations : par exemple, dans mon service en passant aux 35h, j’ai perdu 8 jours ouvrables de congés annuels (soit 10 jours de congés). L’étiquette « de Gauche, ou « Populaire », ou tout autre beau titre de ce genre, peut donc cacher une magnifique imposture. Aujourd’hui, je ne vois rien de Populaire dans le NFP, et le baiser de Jospin sera peut-être celui du tueur.
Merci pour la réponse et les fort légitimes objections proposées à ma petite intervention.
Je n’ignore pas que si la gauche (celle que vous qualifiez de “prétendue”, sans en évoquer une autre ?) désespère plus qu’elle n’inspire, c’est parce qu’elle a non seulement souvent failli (dans ses politiques plus libérales que sociales-démocrates) mais parfois même nui à la paix civile (cf. la gauche ‘décoloniale’, ‘insoumise’, anti-Charlie, ‘woke’, Plenel, etc. pour n’en évoquer que quelques réseaux).
Mais, dans la situation actuelle (vote uninominal à deux tours), le camp qui se présenterait divisé serait d’office éliminé du second tour, comme nous le disent tous les observateurs politiques.
Et comme Macron ( soi-disant dynamique champion d’une démocratie « et de gauche et de droite » pour qui j’ai voté deux fois et qui maintenant range des Hollande et des Jospin dans « l’extrême gauche » !), en même temps qu’il dissolvait l’A.N., a dissous le macronisme, il ne reste, d’ici le 7 juillet qu’un seul camp dont on puisse espérer une résistance possible à la prise du pouvoir par le LRN. Ce campisme, aussi désespérant que fabriqué, ce n’est pas la social-démocratie qui l’a inventé.
Si Jospin a été devancé par Le Pen en avril 2002, c’est sans doute moins à cause de la politique plutôt réussie menée par son gouvernement de ‘gauche plurielle’ qu’à cause des divisions d’une gauche qui, persuadée que Jospin l’emporterait sur Chirac au second tour, avait avant tout voulu envoyer un message de « vraie gauche » à Jospin en oubliant que c’est Le Pen qui ouvrirait l’enveloppe.
En écrivant que nous ne devions pas, en ces quelques jours que le Pouvoir nous laisse pour nous déterminer ou plutôt nous piéger, pointer ce qui nous distingue à gauche, je ne voulais pas mettre en cause l’intelligence de qui le ferait, mais juste dire mon espoir que si nous savions au moins, dans l’immédiat (là où nulle autre médiation n’est possible), rejeter la victoire proposée par Macron au LRN, il nous resterait du temps, ensuite, pour recommencer à gauche et y séparer le social-populisme de la social-démocratie.
Je me permets d’intervenir dans votre échange sur un détail de la présidentielle de 2002 : bien des électeurs de gauche ont sanctionné délibérément la politique de Jospin qui n’était pas si réussie que vous le dites (laïcité accommodante, privatisations). Pour ma part, je n’ai jamais regretté d’avoir voté Chevènement. Jospin de son côté a refusé le désistement que Taubira proposait pour lui donner toutes ses chances : ce fin stratège était tellement sûr de lui ! Or si vous reprenez les résultats, il lui a manqué, pour accéder au second tour, le nombre de voix recueillies par Taubira.
Désolé, cher Claustaire: Le Pen est arrivé devant Chirac à cause de Jospin et non à cause des divisions de la Gauche ! J’ai déjà expliqué pourquoi je suis sûr de ça: attentat de Béziers ignoré, 35h mensongères, insécurité niée, mécanisme de la pauvreté totalement mal compris. Le mépris de cet homme à l’égard des préoccupations des Français était insupportable. Nous sommes dans la même configuration. Grosso Modo : 2024, c’est rebelote 2002. Quand je dis « prétendue » Gauche, je n’ai aucune « vraie » Gauche à vous offrir: d’ailleurs je ne pense pas qu’il faille « offrir » un bon et vrai parti dit « De Gauche » aux gens. Je m’en moque. En bon travailleur pragmatique que je suis, je compte mes sous et je regarde les faits (qui fait quoi) : le NFP contient des racistes et des misogynes, il contient des magiciens qui promettent des fadaises qui vont appauvrir les pauvres (tout ça pour garder, ou obtenir, des postes de députés pas trop mal payés), ils ont une vison du monde international et des migrations qui est totalement infantile et inquiétante (la fascination de Mélenchon pour les dictatures machistes saute au yeux) et son rapport à l’Islamisme me rend légitimement islamophobe. Bien entendu, la déclaration d’amour de Jospin pour le NFP m’a conforté dans ce choix, et l’adhésion de Hollande (l’homme aux 3, ou 4, ou 5, on ne sait plus, retraites) à cette triste mascarade a clôturé le spectacle (au sens de Guy Debord). Je suis inquiet de voir la quantité de gens prêts à gober les promesses économiques de ce NFP et, surtout, à s’allier aux promoteurs de la haine anti-occidentale qui structurent LFI. Moi qui suis d’origine étrangère, ce que j’aime dans la France, c’est qu’elle n’est pas le Vietnam, la Palestine, le Venezuela ou l’Iran (et j’en passe). Et ce que j’aime dans ce pays, c’est qu’il est encore un pays riche, même s’il est devenu 21ème en terme de PIB/habitant. Avec le NFP, qui est un programme anti création (de richesses matérielles ou de richesses artistiques), ce pays va dégringoler encore +. En tant que Prolo, je m’oppose à une organisation pro pauvreté, anti- Prolos, et anti immigrés (quand on voit comment vivent les migrants en France, aujourd’hui, on ne peut qu’être révolté de la collusion idéologique totale entre les fanatiques de l’accueil sans limite et sans filtre des migrants et les capitalistes passeurs de chair humain entre les continents). La fin des étiquettes a sonné. Vous connaissez la blague qui circulait en URSSS: » le capitalisme c’est l’exploitation de l’Homme par l’Homme, le Communisme c’est l’inverse ! « . Et de fait, il y a beaucoup plus de l’esprit « Soviet » en pays capitalistes que dans les pays estampillés soviétiques ou « populaires », ou « socialistes ». Il ne faut plus (je radote) que ‘les fausses Communes débouchent sur des fosses communes »: c’est ce qui disait le père de Raphaël qui a oublié tout ça, malheureusement, en se soumettant à des menteurs. Et avec la sympathie pour Poutine qui circule dans les rangs de LFI et autour de Bénito Mussolenchon, on peut craindre encore d’autres fosses communes en Ukraine si les Sumi de LFI gouvernent notre pays…..
Rappel du 1er tour de 2002 :
Abstentions : 11 700 076 28,4%
Jospin : 4 610 267 16,18%
Chevènement : 1 518 568 5,33%
Aujourd’hui, persister à imputer la défaite de Jospin à Chevènement ( France culture émission philosophique transformée en émission politicienne dans laquelle Jospin a vanté son bilan ) en taisant le fait avéré de la forte abstention , tout en clamant son attachement aux faits, semble donc toujours fonctionner.
Démarche en 3 temps : dissimulation , culpabilisation puis victimisation, reprise dans l’accusation d’islamophobie qui excelle dans l’art de dissimuler comme l’atteste le mot « taqiya ».
Mais assimiler le citoyen à un » idiot utile » alors qu’il nourrit de ses lectures le savoir qu’il tient de son vécu , n’est-ce pas le mépriser en sollicitant plus son épiderme que son cerveau ?
Un autre délit de Blasphème sera t-il possible, plus prochainement ? Celui de la distance prise avec le programme du NFP (qu’il soit écrit, oral, ou secret) de la part des signataires de cet « accord » (entre guillemets, forcément) de circonstance. Concrètement, les organisations politiques, telles Place Publique ou PS, qui ont perdu leur visibilité juste avant les élections, vont-elles avoir le droit (moral, voire…légale, si le programme NFP est signé) de s’écarter de la Ligne après les élections ? Blasphème possible demain, ou « »discipline » acquise ? On ne sait pas, en réalité: en terme de Démocratie, c’et un gros problème. Les dits « Insoumis », largement majoritaires dans ce bloc NFP, ont-ils soumis leurs Camarades en ravalement de façade ? Olivier va t-il subitement devenir Fort pour exister face à Mussolenchon, demain ? Et Raphaël, après les crachats et autres insultes racistes reçus dans la rue, va t-il oser demain rappeler son existence remarquable aux Européennes ? Personne ne le sait, mais les adeptes du Front dit républicain n’ont aucun scrupule à parler de République pour une association de responsables politiques si peu transparente et si peu soucieuse de la démocratie (en interne chez LFI, et en externe dans l’espace public). Le Blasphème, du Livre ou du Chef, a déjà peut-être été interdit par LFI au sein du NFP….