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Esthétique du merveilleux VS esthétique du sensible
8 janvier 2019 à 15:00 - 17:00
Conférence
Cité de la musique-Philharmonie de Paris
Dans la France classique, l’opéra réussit à s’imposer par une poétique du merveilleux au sein d’une esthétique régie par les principes de l’imitation de la nature et de la fiction comme vérité, dominée par la poésie dramatique. Ce « théâtre des enchantements » fait ce que ne fait pas le théâtre parlé, mais il le fait selon les mêmes lois fondamentales. Un monde merveilleux s’y déploie de manière spectaculaire et ludique, avec sa vraisemblance, ses convenances ; musique et danse lui sont consubstantielles. Loin de tourner le dos à l’esthétique classique, l’opéra en grossit les traits.
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’opéra subit l’essoufflement du théâtre classique. Parallèlement, la période voit la forme mathématique et métaphysique du rationalisme supplantée par sa version expérimentale et réaliste, caractéristique des Lumières : ce progrès épistémologique s’accompagne d’une forme de régression poétique. On passe d’une esthétique de la fiction, de l’éloignement et des mondes possibles, à la fois intellectualiste et sensualiste, à une esthétique de la réalité, de l’authenticité, de la proximité et du sentiment.
L’intervention de Jean-Jacques Rousseau révèle les conceptions esthétiques et philosophiques engagées par l’opéra. Rousseau avance une thèse qui est devenue une évidence : l’art aurait pour fonction d’exprimer un état ineffable des passions. La musique devient un modèle représentant l’immatérialité, l’authenticité et la spiritualité du monde moral ; son principe n’est plus la très physique, rationnelle et vibratoire « résonance du corps sonore » par laquelle Rameau faisait entendre l’inouï sur la scène merveilleuse, mais une voix intérieure, fluide, impalpable, passionnée et pneumatique.