Dans un superbe texte publié par Figarovox.fr1, Fatiha Boudjahlat, secrétaire nationale du MRC à l’Éducation, réagit aux propos prêtés par Le Canard Enchaîné au ministre de l’Intérieur, selon lesquels Bernard Cazeneuve envisagerait un « concordat avec l’islam »2. Même si ces propos ont fait l’objet d’un démenti3, on ne peut que s’interroger, comme elle le fait, sur la fonction « ballon d’essai » de leur contenu : ils s’inscrivent parfaitement dans la longue série de démissions et de compromissions qui ont ponctué les 30 dernières années en matière de laïcité. C’est aussi pourquoi il convient d’examiner de près les récentes propositions de relance ou de création d’une « Fondation » destinée à traiter le financement de l’islam.
Rappel de quelques éléments au sujet d’un régime concordataire
Un « concordat avec l’islam » serait un imbroglio juridique inextricable. Il s’agirait en effet d’étendre illégalement un statut d’exception expressément destiné à disparaître, limité dans l’espace (en France métropolitaine, à l’Alsace-Moselle) et dans ses objets (il ne concerne que quatre religions au sein desquelles l’islam ne figure pas !) – extensions rejetées par le Conseil constitutionnel chaque fois qu’il en a été question4.
Le régime concordataire est contraire à l’égalité dans l’exercice des cultes et à celle des citoyens en général, qui doivent payer pour des cultes qu’ils ne pratiquent pas ou qu’ils réprouvent. La liberté de conscience, qui comprend celle de n’avoir aucun culte, est mise à mal.
Mais il est aussi contraire dans son principe à la liberté religieuse puisqu’il consacre officiellement la légitimité d’autorités désignées par les pouvoirs religieux, et qu’il néglige nécessairement les cultes nouveaux : il lui faudrait sans cesse renégocier s’il voulait être à jour, et étendre le financement public à des niveaux imprévisibles. Où est la liberté des fidèles face à des appareils religieux accrédités par le pouvoir politique, alors qu’ils devraient être seuls à les déterminer ?
Plus généralement, une telle proposition fait comme si le libre exercice des cultes était un droit-créance (que la puissance publique devrait assurer à ses dépens notamment en rétribuant les ministres des cultes), alors qu’il s’agit d’un droit-liberté (que la puissance publique doit garantir : faire en sorte que personne ne soit empêché de l’exercer). On ne peut même pas comparer les cultes à des clubs de foot ou de break dance car ils sont par principe exclusifs sur critère d’opinion. Quant à leur utilité publique, elle ne saute pas aux yeux. En revanche on peut comparer la liberté des cultes au droit de propriété : j’ai le droit d’acheter une voiture de luxe, et si je n’en ai pas les moyens il n’appartient pas à l’État de m’y aider. La liberté des cultes n’est comparable, ni au droit à l’instruction, ni au droit à la santé, ni à aucune prestation sociale. Une autre différence est que la liberté des cultes comprend aussi sa négative : ne pas avoir de culte est une liberté, c’est un droit. Un financement public des cultes pénalise les personnes qui n’en pratiquent aucun.
La puissance publique n’a pas à aider qui que ce soit à pratiquer un culte par une intervention positive, de même qu’elle n’a pas à m’aider à acheter une voiture de luxe. En revanche, elle doit garantir la liberté de culte lorsque celle-ci est menacée, entravée ou remise en question, de même qu’elle doit assurer la liberté de circulation en faisant en sorte que la voie publique soit libre et accessible.
Accoutumance et compromissions
Bien sûr, Bernard Cazeneuve et ses collègues du gouvernement n’ignorent pas ce que je viens d’écrire. Alors pourquoi laisser filtrer de telles énormités qu’on se paie le luxe de démentir, les sachant irréalisables ?
La fonction de ce pesudo-cafouillage ne peut être que politique, ce que Fatiha Boudjahlat souligne fort à propos : il importe que l’idée soit dans l’air, – idée d’un « pacte » avec « les musulmans », idée d’une concession qu’il faudrait accepter en faveur d’une religion, et bientôt en faveur de toutes, et avec elle s’insinue l’idée que, au fond, si on a tous ces ennuis, ce pourrait bien être « la faute à la laïcité » non ? En termes infiniment plus sophistiqués, c’est ce qu’avance Pierre Manent dans son ouvrage Situation de la France – dont on lira la critique dans les colonnes de Mezetulle5.
Ce ballon d’essai sert à tester l’opinion sur une remise à plat (ce qui rime souvent avec un abandon) de la laïcité. Et ce n’est pas nouveau : il s’inscrit dans une longue et tenace ligne politique d’accoutumance à plier l’échine, à s’accommoder de pratiques religieuses à prétentions politiques de plus en plus invasives et à les banaliser. C’est, de plus et en l’occurrence face à des massacres qui se réclament ouvertement d’une option religieuse, une attitude honteuse et politiquement injustifiable : il n’est plus possible d’ignorer à présent que le choix du déshonneur n’évitera pas la guerre6.
Fatiha Boudjahlat explique cela très bien :
« Étendre ce qui est perçu avec raison comme injuste dans trois départements de métropole et autant en Outre-Mer à l’ensemble du territoire n’est en rien une avancée: c’est une concession, une compromission qui récompense les offenses et les offensives des radicaux religieux. Le crime paie. Et cette tentation, lancée comme un ballon d’essai, rend brûlante d’actualité cette réplique dans le roman Les Garçons de Montherlant: «C’est une loi de la société, le crime crée l’amnistie». Une loi sociale, faite pour maintenir la paix. Ce Concordat, ou Pacte pour reprendre le terme de Jean Baubérot et de Pierre Manent, tient dans notre contexte de la logique de l’amnistie: espérer au mieux tarir ce qui nourrit le terrorisme en donnant des gages aux tenants du courant le plus radical. Le ministre communiquera pour nier une telle intention, après avoir sondé la réaction de l’opinion publique, tout en capitalisant sur le fait d’être prêt à cette compromission: ce ballon d’essai est moins destiné à la Nation qu’aux responsables politiques et religieux de l’islam en France: «nous sommes prêts à aller jusque-là… laissons l’opinion s’habituer à l’idée». »
La laïcité en proie à un serial killer protéiforme
La série des démissions remonte bien plus haut que Fatiha Boudjahlat n’a pu le dire dans son texte – où elle dénonce à juste titre « l’incapacité structurelle de la gauche à penser et à composer avec le religieux et avec les religieux sur une base autre que celle de la compromission, de l’empathie et des accommodements déraisonnables », en citant l’exemple des accompagnatrices scolaires voilées.
Il est opportun de rappeler, à la fois pour son ancienneté et pour son caractère exemplaire en matière de compromission avec l’islam le plus réactionnaire, la position de Lionel Jospin en 1989 (alors ministre de l’Éducation nationale) sur le port des signes religieux à l’école publique, soutenu par une mémorable déclaration de Danielle Mitterrand7. On se souvient aussi des accords Lang-Cloupet, et des Rapports sur la refondation de la politique d’intégration commandés par Jean-Marc Ayrault. François Hollande déclarant que « La République reconnaît toutes les religions »8 continue donc une brillante tradition, en lui ajoutant toutefois un goût certain pour le pataquès. Et la droite n’est pas en reste : que dire du Rapport Machelon, de la loi Carle, des discours de Nicolas Sarkozy à Latran et à Ryad9, et plus récemment de « l’identité heureuse » d’Alain Juppé, des déclarations haineuses de Benoist Apparu10 ou des propositions de Gérald Darmanin11 ? Quant à nombre d’élus locaux, toutes tendances confondues, on aurait bien du mal à dresser la liste de leurs complaisances communautaristes12.
Parce qu’ils visent à accoutumer l’invasion du politique par le religieux, ces éléments dignes de figurer à l’agenda d’un « serial killer » de la laïcité appellent la vigilance et doivent abaisser le seuil de réaction des militants laïques. Car si nous sommes habitués à quelque chose, c’est à voir depuis longtemps la classe politique et nombre de décideurs avancer des propositions visant à détruire la laïcité13.
Mettre de l’ordre dans la maison « islam », mais pas aux dépens du contribuable !
Il faut donc scruter de près les propositions de relance de la « Fondation des œuvres de l’islam » ou de création d’une nouvelle Fondation avancées récemment par le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur 14.
Certes, il est urgent que le culte musulman s’organise et mène en son sein les réformes que beaucoup de nos concitoyens musulmans appellent de leurs vœux et auxquelles ils sont prêts à travailler. Il est bon que les divisions qui traversent une religion soient l’objet d’un débat critique mené sur la place publique, et qu’on cesse de coaliser ses fidèles autour de ses versions les plus rétrogrades, parmi lesquelles certaines sont meurtrières. Il est bon que la puissance publique encourage cette prise en main et ce débat comme y invite le Premier ministre. Elle pourrait par exemple prévoir de sanctionner les responsables religieux qu’une espèce de « conseil de l’ordre » se chargerait de désavouer – sans oublier que l’article 35 de la loi de 1905 permet bien des choses.
Cependant, il y a un hic. Présenté comme un rempart aux financements issus de l’étranger qu’il s’agirait de bloquer (et il faudrait expliquer comment) le recours à une fondation pose la question des subventions publiques qu’elle pourrait recevoir. S’il est actuellement primordial que les Français musulmans mettent de l’ordre dans leur maison (qui apparemment compte beaucoup de pièces fort disparates…), il est impensable de solliciter le contribuable pour mener à bien ce travail : ce serait à la fois une intrusion publique dans les affaires religieuses et une accréditation du religieux comme tel dans les affaires publiques, en contradiction totale avec la laïcité républicaine. Un culte peut et doit se financer lui-même comme le fait n’importe quelle association, et cela d’autant plus aisément qu’il bénéficie d’un régime fiscal avantageux ; il peut lancer un appel à contributions au-delà même de ses fidèles – ne voit-on pas chez nombre de commerçants des affiches appelant à contribuer au denier du culte catholique ? L’idée d’un prélèvement privé (et non d’une taxe qui supposerait une fiscalisation) sur la certification « halal », déjà ancienne, est régulièrement avancée, puis régulièrement repoussée… Financer un culte reviendrait à transformer la liberté des cultes en droit-créance alors qu’elle doit rester, dans l’intérêt de tous, un droit-liberté.
L’emploi du terme « pacte » n’est pas anodin
Mais revenons à la question de l’accoutumance et de la banalisation : elle tient aussi au vocabulaire employé, aux habitudes linguistiques qui finissent par conformer la pensée. L’emploi emphatique du terme « pacte » n’est pas neutre, c’est un leitmotiv des « déni-oui-oui »15. Or le régime républicain ne comprend pas de deal avec tel ou tel groupe, il ne traite pas avec des lobbies. Le Premier ministre parle d’offrir aux musulmans, au terme d’une négociation s’inspirant de la loi de 1905 (comme si cette loi ne pouvait pas s’appliquer à l’islam et comme si elle se caractérisait par un compromis passé avec l’Église catholique), « la garantie du libre exercice du culte » : mais ils l’ont déjà ! En matière de liberté il n’y a rien à négocier, tous jouissent des libertés communes et tous doivent respecter la législation laïque.
D’ailleurs, et pour être au plus près des concepts, il n’y a pas de « pacte » entre les citoyens et la République, à moins d’entendre par là, comme le faisait Rousseau, qu’on contracte avec soi-même, car ce sont les citoyens, par l’intermédiaire de leurs représentants élus, qui font les lois. Les droits et devoirs fondamentaux ne sont pas produits en vertu d’un traitement particulier reposant sur un échange avec telle ou telle portion des citoyens : ils sont le fruit de décisions universelles, prises au nom de tous et applicables à tous.
Fatiha Boudjahlat a donc raison, en conclusion de son article, de s’adresser aux seuls agents politiques de première main, à savoir les électeurs, en les appelant à la vigilance et à la sanction des élus qui ne sont que leurs représentants temporaires :
« Quiconque l’adjectivise ou l’invective [i.e. la laïcité], quiconque laisse l’adjectiviser ou l’invectiver ne mérite pas de suffrage. Puisqu’ils n’ont pas de conviction, faisons savoir aux élus qu’ils risquent leur place, en cédant sur l’essentiel de ce qui nous a permis d’être ce que nous sommes. C’est le seul rapport de force qu’ils respectent. »
© Catherine Kintzler, 2016.
Notes
1 Article daté du 29 juillet 2016 http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/07/29/31001-20160729ARTFIG00221-concordat-entre-l-islam-et-l-etat-la-trahison-de-trop-de-la-gauche.php
2 Voir notamment la revue de presse sur le site du Comité laïcité République http://www.laicite-republique.org/bernard-cazeneuve-reflechirait-a-un-concordat-avec-l-islam-le-canard-enchaine.html
3 Voir, entre autres, l’article du Huffington Post http://www.huffingtonpost.fr/2016/07/29/concordat-islam-bernard-cazeneuve_n_11261314.html
4 Pour en savoir plus, lire l’article de Charles Arambourou sur le site de l’UFAL http://www.ufal.org/laicite/apres-le-tout-securitaire-la-tentation-bonapartiste-cazeneuve-veut-un-concordat-avec-lislam/
5 Voir sur ce site : http://www.mezetulle.fr/situation-de-la-france-de-pierre-manent-petits-remedes-grand-effet/
6 On aura reconnu la paraphrase d’une répartie célèbre de Churchill, s’adressant en 1938 à Chamberlain au sujet des accords de Munich : « Vous avez eu à choisir entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur, vous aurez la guerre. »
7 « Si le voile est l’expression d’une religion, nous devons accepter les traditions quelles qu’elles soient » Libération du 23 oct. 1989.
8 Voir sur ce site : http://www.mezetulle.fr/francois-hollande-met-la-loi-de-1905-sens-dessus-dessous/
9 Voir sur l’ancien Mezetulle : http://www.mezetulle.net/article-16035588.html
10 Cf. http://www.lexpress.fr/actualite/politique/lr/apparu-sur-la-loi-de-1905-stop-au-totalitarisme-laicard_1639866.html
11 Voir notamment http://www.laicite-republique.org/tourcoing-gerald-darmanin-la-soumission-tranquille-causeur-av-16.html
12 Cf sur ce site : http://www.mezetulle.fr/elus-et-complaisances-communautaristes/ . Voir le livre de Céline Pina Silence coupable (éd. Kéro). On rappellera a contrario l’utile Vademecum laïcité de l’Association des maires de France, en total désaccord avec le clientélisme communautaire http://www.mezetulle.fr/le-vade-mecum-laicite-de-lassociation-des-maires-de-france/
13 Sur les entorses à la laïcité, on lira utilement l’ouvrage de Frédérique de la Morena Les frontières de la laïcité, Issy les Moulineaux : LGDJ – Lextenso, collection « Systèmes » 2016. voir sur ce site : http://www.mezetulle.fr/frontieres-de-laicite-de-f-de-morena/
14 Voir http://www.lejdd.fr/Politique/Manuel-Valls-Reconstruire-l-islam-de-France-800035 et http://www.midilibre.fr/2016/08/01/comment-serait-la-nouvelle-fondation-de-l-islam,1374537.php
15 Terme que j’emprunte à Joseph Macé-Scarron http://www.marianne.net/face-au-terrorisme-islamiste-les-deni-oui-oui-100244624.html
Bravo !
Il n’est pas inutile, dans ce contexte, de se référer aux débats relatifs à la séparation des Eglises et de l’Etat. Le président de la commission de séparation, à la Chambre, Ferdinand Buisson (1841-1932) considérait la laïcité républicaine non comme un contrat ou un pacte conclu entre plusieurs co-contractants – idée aujourd’hui, donc, très à la mode -, mais bien comme un principe a priori garantissant la liberté des opinions réelles et possibles. C’est ce qu’il exprime notamment dans son allocution au congrès radical de Toulouse d’octobre 1904 : pour lui, la séparation « substitue à un partage d’autorité entre deux pouvoirs rivaux, la distinction entre deux fonctions qui n’ont pas lieu de se heurter, la fonction de l’Etat qui représente la souveraineté nationale, et la fonction des associations religieuses qui représente une des formes du droit de toute personne humaine à la liberté de ses opinions et de leur manifestation ». On nous convie donc à revenir sur ce principe…
Logique, Buisson refuse que l’Etat soit lié par une quelconque tutelle, sanctionné par une autorité extérieure. La nation est laïque donc souveraine, autonome. Le pouvoir est « exclusivement civil, puisqu’il n’est que la nation se gouvernant elle-même et elle seule […] » ; c’est que, ajoute-t-il : « légalement et officiellement, la nation n’a ni Dieu ni maître ».
Il s’ensuit que l’Etat doit s’abstenir « de toute immixtion dans la vie intérieure des associations religieuses ; il ne limite leur liberté qu’au point précis où elle entreprendrait sur la liberté d’autrui ». A l’heure où l’Etat veut se mêler de la formation des imams, souvenons-nous de cette phrase du même Buisson : « Il n’appartient ni à l’Eglise de faire de la politique ni à l’Etat de faire de la théologie. »
On sait bien sûr que les grands principes souffrent de multiples entorses, mais l’essentiel est qu’ils soient posés et défendus – or Catherine Kintzler a raison de déplorer que depuis plusieurs dizaines d’années les serial killers qui nous gouvernent, de gauche comme de droite, les canardent avec systématisme -, principes qu’une formule de Léon Bourgeois résume bien : « Les Églises libres dans l’État laïque souverain. »
Clemenceau, monsieur Valls, ne pensait pas autrement ; or si l’on s’en réclame, à défaut d’avoir son tempérament, au moins se doit-on de ne pas trahir sa pensée sur l’essentiel.
Nos « élites » considèrent donc tout cela comme dépassé, archaïque… Bref, la modernité en politique se résume aujourd’hui à une régression vers le Premier empire, en attendant l’Ancien régime. Après la si vieille loi de séparation de 1905, il conviendra donc, pour faire figure d’avant-garde, de s’attaquer à plus archaïque encore : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 – d’autant plus que ses article 1er et 3 nous donnent les fondements de la laïcité républicaine…
« Or, il n’y a pas égalité des droits si l’attachement de tel ou tel citoyen à telle ou telle croyance, à telle ou telle religion, est pour lui une cause de privilège ou une cause de disgrâce. » JAURES, discours de Castres, juillet 1904.
Je n’ai de cesse de mettre un lien vers votre excellent et fort pertinent blog sur l’espace commentaires ouvert aux abonnés du Monde.
Merci !
Celui-ci est excellent : http://www.mezetulle.fr/religion-violence-interpretation/
La laïcité considère qu’ aucun texte religieux en tant que tel ne peut avoir d’autorité en matière de loi civile et que la puissance publique, réciproquement, n’a pas compétence pour mettre son nez dans les affaires internes d’une religion – cela dans le cadre du droit commun qui poursuit toute incitation à la violence quelle qu’en soit la source. Mais le point de vue intérieur guidé par l’analyse critique n’en est pas pour autant disqualifié : il est toujours utile de savoir, toujours inutile d’ignorer, et une société ne serait pas laïque si elle n’assurait pas la liberté du savoir.
Ce que j’ai retenu de 1905.
Le rappel à la loi de 1905 est motivé par sa remise en cause permanente, que nous subissons depuis une quinzaine d’années. C’est à une offensive contre la raison que nous assistons, d’autant plus que cette loi était le résultat d’un compromis !
La loi du 9 décembre 1905 concerne la séparation des Églises et de l’État.
Article 1 : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes.
Article 2 : La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte.
Article 19 : Elles [les associations cultuelles ] ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’État, des départements et des communes.
Depuis la Révolution de 1789, nous ne sommes plus des sujets, mais des citoyens. En tant qu’individu à égalité de droits, le citoyen est à la base de la République. C’est cette égalité qu’a renforcé la loi de séparation des Eglises et de l’État votée en 1905.
Cette loi est l’application d’un principe politique s’appliquant à une République une et indivisible. Depuis, notre République est dite laïque. C’est au nom de la liberté, de l’égalité et de la fraternité que la laïcité assure la liberté de conscience et donc de culte, ainsi que leur libre exercice. L’article 1 de la loi de 1905 est conforme, en cela, à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi ».
L’article 2 dispose que la République ne peut reconnaître aucun culte. Cela ne signifie pas une neutralité de l’État envers les religions, mais simplement qu’il les apprécie à l’égalité de n’importe quel mouvement de pensée ou de croyance. Implicitement, l’article 2 fait référence à la situation antérieure à 1905, lorsque les « cultes reconnus » étaient organisés par chacun en tant que « service public du culte ». Toutefois,. Comme la République ne reconnaît pas les cultes, ces derniers ne peuvent plus bénéficier de l’argent public.
Cette laïcité-là ne supporte aucun adjectif. Ceux qui la désirent une, ouverte, ou plurielle ne veulent, en fait, que l’acomoder à la particularité du choix de société qu’impose leur croyance. L’individu-citoyen étant à la base de notre République, celle-ci est incompatible avec le communautarisme, rassemblement de ceux qui se ressemblent par la religion (mot importé des USA).
Sur le problème du financement, l’article 19 dispose que les associations cultuelles, forme juridique de tous les groupes religieux, ne peuvent, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’État, des départements et des communes.
Pour contourner la loi de séparation, les génuflecteurs ont trouvé la parade : créer une association loi 1901, comme un club de boulistes ou une société philosophique.
Ainsi, la municipalité de Rennes (35) a financé la construction de deux mosquées, d’une synagogue et d’un centre bouddhiste sur fonds publics, au prétexte de leur inclusion dans des « centres culturels ». Le système en question est fort simple : il faut ajouter à l’intérieur de la construction une partie ayant une fonction autre que cultuelle. C’est l’argument inverse invoqué pour le financement d’une mosquée dans la construction d’un centre interculturel à Woippy (57). A Evry (91), en plus du lieu de culte lui-même, il existe un musée d’art religieux dans la cathédrale. Dans ces conditions, une partie du bâtiment n’est pas cultuelle, mais culturelle. Les subventions sont arrivées de partout : ministère de la Culture, région, département, commune ont versé l’argent public pour cette magnifique cathédrale. Une Associations Musulmane Culturelle cache toujours une mosquée ou un lieu de prières, tout en devenant un lieu communautaire.
Basée sur la démocratie et les droits de l’Homme, notre république sociale est un principe non négociable. Aussi, la culture ne peut-être un espace de non-respect de ces droits.
En ces temps de confusion galopante qui mène en effet à la régression, un tel article réconforte, donne du courage et de l’énergie.
Combien de fois n’ai-je pas entendu dans les mois précédents : « La laïcité, y en a marre ! » , » Il faut changer aujourd’hui la laïcité, la moderniser, … »
Que de nouveaux problèmes, de nouvelles questions surgissent : soit ! Mais il faut d’abord les identifier, puis les analyser, enfin apporter de nouvelles réponses ou questions.
Un contrat, un pacte ne sont pas des termes qui conviennent à la laïcité. Il n’y a pas égalité entre les parties, mais séparation : « Le maire à la mairie, le curé à l’église, l’instituteur à l’école ».
On assiste actuellement au souhait de « concordatisation » de la France et la télévision nous renvoie sans arrêt des images de gens qui s’aiment et pleurent ensemble, de religions qui ne sont qu’amour et fraternité. C’est vraiment oublier le passé et les luttes de ceux grâce à qui nous jouissons aujourd’hui encore d’ un espace de liberté.
Merci à tous ceux qui, aujourd’hui, se lèvent contre la « mal-pensance » satisfaite et totalitaire.
Annie
« C’est vraiment oublier le passé et les luttes de ceux grâce à qui nous jouissons aujourd’hui encore d’ un espace de liberté. »
Il y a de pieuses légendes sur la laïcité en France, mais quelle est la situation en réalité ?
Il y a certes eu des guerres civiles au XVIe siècle, mais au XVIIIe siècle la religion n’était pas vraiment un problème.
Par contre, au cours de la Révolution a eu lieu un bain de sang anticatholique, bien plus violent que ce qui peut être reproché à l’Eglise catholique en matière de persécution religieuse dans les siècles précédents.
Et l’hostilité envers le catholicisme qui est devenue à cette époque un fort courant idéologique en France a sans doute contribué, parmi d’autres facteurs, à ce qu’on s’aveugle sur les problèmes posés par l’islam jusqu’à la situation actuelle, assez compliquée.
Si la France avait continué à se voir comme un pays de culture catholique, elle aurait sans doute suivi le conseil du général de Gaulle :
« C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. »
et par conséquent nous n’aurions pas tous les problèmes d’intégration actuels.
Donc, je me demande s’il ne faut pas plutôt considérer que l’idéologie laïcarde (ce n’est pas une « déclaration haineuse » de ma part envers la laïcité, comme la description qui est faite du pauvre M. Apparu dans le billet, mais la désignation de l’état d’esprit d’une partie de la gauche) a eu pour résultat de contribuer à réduire notre espace de liberté, au contraire de ce que vous dites.
– Au sujet du « bain de sang » versé pendant la Révolution française et, dans un espace chronologique déterminé, par elle, on peut suggérer une distinction, ce qui n’enlève rien à l’horreur du sang versé, laquelle horreur ne dispense pas de penser par concepts, bien au contraire. Sang versé par une multitude en dehors de toute ligne politique / sang versé par ce qui se présentait explicitement comme une politique et que ses agents ont eux-mêmes nommée « Terreur ».
– Vous faites comme si le régime de laïcité avait été installé par la Révolution française, ce qui est faux. A ma connaissance, le fondement philosophique du concept de laïcité comme régime politique (le mot n’existe pas avant les premières années du XXe siècle) a été vu par Condorcet, en divers endroits de son oeuvre. Mais cela ne signifie pas pour autant que ce régime ait été installé avant les grandes lois laïques de la IIIe République et les Constitutions qui ont suivi.
– Le rapport entre « bain de sang » et laïcité me semble tiré par les cheveux (c’est le moins que je puisse dire). Le régime laïque n’a jamais tué personne : ce qui tue, c’est une religion civile qui érige l’athéisme ou un « Etre suprême » auquel chacun est tenu de croire en position d’Etat, ne mélangeons pas tout. Comme je l’ai montré dans mon dernier livre, il y a diamétrale opposition entre laïcité politique et religion civile, la religion civile étant la seule forme de religion qui soit intégralement contraire au principe politique de laïcité. Je ne vais pas récrire le livre ici, je me permets de vous y renvoyer, en particulier au premier chapitre : Penser la laïcité, Paris : Minerve, 2014.
– Pour ma part, je ne suis pas prête à renoncer aux droits (droits de l’homme, et droits du citoyen) produits par la Révolution française.
Et pas non plus aux droits produits ultérieurement par le régime de laïcité. Cela a été abordé maintes fois sur Mezetulle.
Aucune religion n’a produit, par elle-même et lorsqu’elle est en situation d’autorité politique autant de droits que le régime laïque. Je dis bien par elle-même et lorsqu’elle est en situation d’autorité politique, car il est clair et observable qu’une religion opprimée, pour se libérer, est amenée à réclamer et à défendre des droits qui valent aussi pour d’autres.
– Le texte de de Gaulle. Va pour la culture gréco-latine : mais cela vaut en général, comme le remarquait le philosophe Alain au sujet du catholicisme, c’est beau quand on n’y croit plus ; j’ajouterai que ce qui en reste alors, c’est de la pensée. Mais pour la « race blanche », j’ai un souci : que dire de l’abolition de l’esclavage (tiens, justement… par la Révolution française) que dire des Antillais (dont nombre ne sont pas « de race blanche ») qui sont français depuis plus longtemps que les Savoyards, ce ne sont pas de « vrais Français » ? Et pour la conjugaison « culture gréco-latine » avec « race blanche » que dire de Léopold S. Senghor, entre autres ? Et le peuple français serait « de religion chrétienne », ah bon ? Alors à ce compte je ne fais pas partie du peuple français, et avec moi beaucoup, beaucoup de nos concitoyens. Merci de bien vouloir nous réintégrer…
– Le terme « laïcard » s’autorise d’une approximation de pensée : confusion (volontaire ?) entre l’idéologie de l’extrémisme laïque (qui entend appliquer à la société civile l’abstention qui règne au sein de l’autorité publique) et la laïcité comme organisation politique (qui articule le principe d’abstention dans le domaine qui participe de l’autorité publique d’une part et de l’autre le principe de liberté d’expression partout ailleurs). Là encore, il y a de très nombreux articles sur Mezetulle à ce sujet, je suis lasse de rabâcher, je vous renvoie au chapitre 1 de Penser la laïcité, et en particulier au tableau de la p. 40 qui résume cela.
– Prétendre que l’état d’esprit d’une partie de la « gauche » (celle « qui réduit notre espace de liberté »), est « laïque » me semble une proposition très approximative ! J’ai passé suffisamment de temps à combattre notamment sa politique scolaire (vaillamment soutenue et relayée du reste par « une partie de la droite ») depuis 30 ans pour savoir qu’elle est anti-laïque…
Je ne dis pas que la laïcité est produite par la Révolution, mais que c’est à cette époque que se constituent des camps, dont un camp anticatholique, qui est la seule et unique raison pour laquelle la IIIe s’est acharnée sur le catholicisme, au delà des doctrines des philosophes (qualifiées d’abstraites par Manent).
La mise en place de la laïcité a avant tout été motivée par une hostilité viscérale, qui venait elle-même plus des nécessités de la politique politicienne que d’un examen de fond des problèmes, comme c’est le cas sur bien d’autres sujets d’ailleurs. C’est la lutte des Riz et des Pruneaux dont parle Bernanos dans les Grands cimetières sous la lune, ne dites pas le contraire…
Je ne dis pas du tout que je voudrais renoncer à la Révolution française, et vu le contexte je ne veux pas non plus renoncer à la laïcité. Cela ne m’empêche pas de me demander si cela n’aurait pas été mieux d’avoir une évolution plus apaisée, et si ceux qui entretiennent la flamme contre le catholicisme (et ce n’est pas de vous que je parle) ne sont pas des irresponsables.
La phrase de de Gaulle dit « avant tout ». Et en effet, c’est bien le cas, y compris avec les habitants des DOM. La question du nombre est très importante : je vous l’avais dit avec la vidéo du pont de Tacoma, et je vous le redis plus clairement :
– s’il y avait 100 000 musulmans en France, la laïcité s’appliquerait et tout le monde serait content.
– inversement, si vous faites venir 20 millions de musulmans modèle saoudien et que vous leur donnez le droit de vote, il n’y aura plus de laïcité. Il n’y en aura plus, tout simplement.
– nous en sommes à 4 millions environ, de culture musulmane, et vous voyez bien que la situation n’est pas bonne, et pas uniquement sur le terrain de la laïcité. Si le nombre de musulmans continue à augmenter, les problèmes augmenteront aussi.
Donc, c’est bien de Gaulle qui avait raison, et il faudrait le prendre en compte pour contribuer à résoudre les problèmes : mieux vaut tard que jamais.
Vous dites que vous n’êtes pas de religion chrétienne. Mais, d’une part, je vous ai parlé de culture chrétienne ; d’autre part, sans le militantisme laïcard (pas vous, a priori), la majorité des gens se définiraient encore comme de religion catholique, comme les Anglais cochent machinalement la case CoE dans les formulaires de recensement ; et enfin, on pourrait sans doute utilement examiner la trace des religions sur la culture des nations (ne se voit-elle pas dans la coupure Europe du Nord / du Sud ?). Je pense qu’à l’insu de votre plein gré, vous êtes de culture catholique, quoi que vous en ayez. Mais ce n’est pas le cas des musulmans, à l’évidence.
Donc je maintiens que nous aurions mieux fait de suivre le conseil de de Gaulle, et que nous devrions le suivre tant qu’il n’est pas trop tard ; et je maintiens aussi que l’hostilité au catholicisme et au maintien de la culture chrétienne en France, qui repose largement sur des préjugés infondés et sur une hostilité laïcarde condamnable en soi, a aussi eu pour effet de contribuer à empêcher de suivre le conseil de de Gaulle.
C’est pour cette raison que je réagissais sur ce sujet, pas parce que j’aurais un avis tranché sur la laïcité en elle-même. (Je n’ai pas encore lu votre livre ; j’ai commencé par celui de Manent, plus d’actualité ; et ars longa vita brevis).
Je vois que j’ai fourni assez d’arguments pour que vous puissiez conclure que « laïcard » est une insulte… je vous remercie donc de m’épargner ce qualificatif. Mais c’est insulter les législateurs qui ont installé le régime de laïcité que d’entretenir le roman selon lequel les grandes lois laïques seraient le fruit de la haine d’une religion : la liberté de conscience comprend la liberté religieuse et la liberté de manifester publiquement ses opinions religieuses, dans le cadre du droit commun.
Je ne vois pas comment on pourrait suivre « le conseil de De Gaulle », sauf à forcer les Français à devenir ou à redevenir catholiques. Quant à cocher « machinalement » une case pour déclarer une religion, c’est à mon avis une chose à éviter! D’abord éviter de cocher une case, car il faut penser à ceux qui ne souhaitent en cocher aucune sur ce sujet (ils sont très très nombreux). Ensuite, il ne me semble pas souhaitable de devoir assumer une culture « machinalement », car une culture faite d’adhésion sans distance, sans recul critique, ne mérite le nom de « culture » qu’au sens anthropologique du terme et non au sens humaniste du terme. Il me semble aussi que le catholicisme dont vous vous réclamez mérite mieux que cela – car on peut notamment y rencontrer des Bernanos !
Alors sur un point je vais vous faire plaisir et je ne vois pas pourquoi il faudrait que je m’en défende : je lis Bernanos avec délices, je mange de la brandade de morue le vendredi saint – on en trouve de la très bonne ce jour-là – et j’ai commenté des dizaines de fois avec mes étudiants le superbe « Jésus guérissant les aveugles » de Nicolas Poussin analysé dans les non moins superbes Conférences de l’Académie royale de peinture (la scène est-elle à Capharnaüm ou à Jéricho?). Donc la culture chrétienne ne se porte pas si mal – ne pas confondre culture et adhésion à une foi. On doit pouvoir être « athée de culture catholique- et gréco-romaine ». On doit pouvoir lire la Bible comme on lit l’Iliade et l’Odyssée, l’Eneide ou Les Métamorphoses (et la Bible, en comparaison, me semble plutôt ennuyeuse et surtout très mal écrite !). Comme le dit Alain « le catholicisme est beau quand on n’y croit plus ». Et c’est ce qu’il faudrait obtenir avec l’islam – qu’on puisse tranquillement et publiquement assumer une culture musulmane tout en étant non-croyant ; cela existe déjà, mais ceux qui ont le courage de l’assumer publiquement ainsi risquent leur vie.
Des arguments énumérés (ceux que vous faites précéder par un tiret) ne suit pas nécessairement qu’il faille revenir à l’uniformité du catholicisme : on peut en conclure que c’est l’affaiblissement du régime laïque, les multiples et honteuses compromissions clientiélistes, qui contribuent aux difficultés dont vous parlez. Et on peut encore moins en conclure qu’un retour au catholicisme résoudrait ces difficultés. Ce point à la fois logique et philosophique est abordé dans l’article critique que j’ai publié sur le livre de Pierre Manent dont vous avez commencé la lecture http://www.mezetulle.fr/situation-de-la-france-de-pierre-manent-petits-remedes-grand-effet/ . Vous avez, si je ne me trompe, vous-même participé aux commentaires très nombreux et substantiels du débat qui a eu lieu sur Mezetulle au sujet de ce livre.
Au sujet de ce qui est improprement nommé « taxe halal » et des difficultés inhérentes à ces projets de prélèvement, on lira avec profit le récent article de Florence Bergeaud-Blackler qui travaille depuis longtemps sur les « normes » islamiques et particulièrement le marché halal :
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/religion/taxer-le-halal-une-mesure-ni-possible-ni-souhaitable_1818066.html
D’autres analyses sont à lire sur le blog de l’auteur :
https://deusexmachina.hypotheses.org/806
Je trouve que la première partie de son argumentation, qui a trait à l’économie, n’est pas très convaincante et est au contraire dangereusement dans l’air du temps.
Elle nous dit en effet qu’il ne serait pas possible de faire gérer cela par l’Etat car des entreprises privées sont déjà sur le marché ou que cela introduirait « une concurrence déloyale ». Mais il est quand même déjà arrivé que l’Etat reprenne des activités initialement gérées par le privé. Certes, le principe même de nationalisation n’est pas dans l’air du temps, mais est-ce un bien…?
Il en va de même lorsqu’elle nous parle dans un autre article de la concurrence européenne qui ne manquerait pas de se manifester dans le secteur de la viande si la France augmentait les taxes sur la viande hallal. Pourtant, on a l’exemple des taxes supplémentaires sur les paquets de cigarette ou sur l’alcool, qui varient selon les pays, et que les douaniers savent gérer.
Naturellement, elle précise plus loin que ces sociétés privées de certification peuvent correspondre à des pratiques rituelles différentes. Mais ce n’est pas un obstacle de nature économique, c’est un autre obstacle « de principe » lié à la laïcité telle qu’elle en parle par ailleurs.
Donc mieux vaudrait s’en tenir à des arguments précisément liés au sujet, plutôt que de faire flèche de tout bois au risque de renforcer la folie néolibérale contemporaine.
En écho aux propos de François Hollande déclarant que la République reconnaît toutes les religions, sa récente déclaration : « «Tuer un prêtre, c’est profaner la République, qui garantit la liberté de conscience »participe à cette confusion que vous dénoncez à très juste titre : utiliser un vocabulaire à connotation religieuse, renvoyant au sacré, pour défendre la République laïque, espace neutre rendant possible toutes les convictions, y compris celle d’en avoir aucune.
La phrase que vous citez peut être lue de deux manières et avoir deux sens, selon qu’on met ou non une virgule après « République ».
Toujours est-il que, quel que soit le sens, la notion de « sacré » s’accorde mal avec la thèse minimaliste de l’immanence du politique, thèse qui selon moi est une des caractéristiques du régime laïque.