Archives de catégorie : Revue

« Pronote » ou les ambiguïtés d’un « droit à la déconnexion » pour les professeurs (par Simon Perrier)

Simon Perrier s’interroge sur les dispositions du logiciel « Pronote » dans l’Éducation nationale, qui présente un « droit à la déconnexion » comme une innovation généreuse, soucieuse du confort et de la santé des enseignants débordés par les sollicitations. Il montre comment cette prétendue innovation (déjà bien connue des employés en entreprise) n’a de sens que subordonnée à un devoir de connexion et comment elle nie la libéralité du métier de professeur. Ce faisant, il soulève une question générale qui, traversant l’ensemble du monde du travail, soumet celui-ci à des contraintes de disponibilité accrue. À la faveur du « e-travail », une contractualisation léonine et sournoise permettant le contrôle sans entraves de tous les instants de la vie (« transparence » oblige!) est en passe de se substituer à la définition légale du temps et de la nature du travail.

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« L’Immunité, la vie » de Marc Daëron, lu par C. Kintzler

Proposant une réflexion épistémologique qui puise aux meilleures sources contemporaines mais aussi – et il s’en réclame à juste titre – à la grande tradition française de philosophie des sciences de Claude Bernard à François Jacob, de Gaston Bachelard à Georges Canguilhem et à François Dagognet, le livre de Marc Daëron « L’Immunité, la vie. Pour une autre immunologie » s’adresse aussi bien aux spécialistes de l’immunologie qu’à un grand public éclairé qui ne rechigne pas à l’effort intellectuel et qui même en redemande. En l’occurrence, cela en vaut vraiment la peine car on a affaire ici à un ouvrage de référence qui éclairera et fera penser tout lecteur, que ce soit par la minutie d’un savoir sur un objet « pointu » et que l’actualité ne cesse de mettre en lumière, que par l’ampleur et la profondeur de sa réflexion philosophique.

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Plaidoyer pour le peuple souverain (sur un livre d’A. Bellon et J.-P. Crépin, lu par P. Foussier)

Dialogue autour de la souveraineté populaire et de la citoyenneté, le livre d’André Bellon et Jean-Pierre Crépin « Pour la souveraineté du peuple » (Paris : L’Harmattan, 2021) a parmi ses mérites de s’inscrire dans l’actualité brûlante. Ses auteurs se placent résolument en opposition au néolibéralisme qui dépossède le peuple de sa souveraineté et qui vide la citoyenneté de son contenu. André Bellon et Jean-Pierre Crépin sont loin d’être d’accord sur tout mais de leur échange fécond naissent quelques pistes de réflexion utiles. Le premier est polytechnicien et ancien député, désormais président de l’Association pour une Constituante, le second est un économiste qui s’autodéfinit comme « très indépendant ».

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Comment se construit le progrès moral (sur un livre de P. Kitcher, lu par T. Laisney)

Dans son dernier livre, « Moral Progress », le philosophe Philip Kitcher (né en 1947), professeur émérite à l’université Columbia de New York, défend une conception pragmatiste du progrès en matière morale. Trois exemples emblématiques – l’abolition de l’esclavage, l’extension des possibilités pour les femmes et l’acceptation des relations homosexuelles – lui servent de fil rouge.

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Le bac 2021 et la fin programmée de l’instruction publique (par Martine Verlhac)

Prenant appui sur « l’épisode catastrophique du bac 2021 » avec la généralisation du contrôle continu, Martine Verlhac montre qu’il s’agit là d’une infime partie émergée d’un iceberg qui, depuis près d’un demi-siècle et quelle que soit l’orientation des dirigeants politiques, ne cesse d’enfler et de se durcir pour venir fracasser l’école républicaine  : « Avant d’être celle de l’examen, la question essentielle est celle du contenu des savoirs et de l’instruction dispensés dans les lycées ».

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Mila, l’ivresse de puissance des petits dieux derrière leurs écrans

Le texte qui suit est la version plus développée de la tribune publiée dans « Le Figaro » daté du 22 juin 2021. Initialement intitulé « Mila, notre responsabilité à tous », il dénonce la confusion intellectuelle qui entoure la question du prétendu « blasphème » ; il remarque l’empressement à géométrie variable du pseudo-féminisme auprès de la pécheresse Mila « islamophobe ». Mais surtout, soulignant l’effarante inconscience des nouveaux et bien ordinaires inquisiteurs déchaînés sur les réseaux sociaux, il met en évidence le brouillage délétère entre les différents plans de l’expérience. Un décadrage généralisé dévitalise toute réalité et ôte toute consistance au monde extérieur. Ce n’est pas seulement l’affolement d’une boussole détraquée qu’il faudrait réparer. Il est urgent de retrouver l’idée même de boussole.
Signataires : Sabine Prokhoris, Élisabeth Badinter, Liliane Kandel,
Catherine Kintzler, Jean-Éric Schoettl.

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La démocratie, otage des algorithmes (par J.-L. Missika et H. Verdier)

Jean-Louis Missika et Henri Verdier s’interrogent sur le recours dans le champ politique à des algorithmes mis au point par le marketing numérique. Usagers du web, nous recevons quotidiennement des messages « calés » sur ce qu’une intelligence artificielle « trouve » que nous aimerions voir, entendre, faire, acheter et même plus… si affinités, nous divisant ainsi en « segments » et s’adressant en nous à ce qui est susceptible de prédétermination. Leurs propositions n’ont cure de ce que nous pourrions penser, elles ne nous offrent que ce que nous sommes censés attendre ; elles ne s’exposent pas à la discussion, mais enjoignent des comportements. Le débat et le projet politique seraient-ils réductibles à des demandes calculables qu’il faudrait contenter secteur par secteur ? Ne relèvent-ils pas de sujets libres en relation dialogique inépuisable, délibérant de la conduite et des fins d’une commune association politique ?
Et si le politique vise la pure et simple satisfaction, c’est une étouffante conception de l’être humain comme case à remplir, aspirant à un gouvernement des choses, qui se révèle alors.

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Non, la laïcité n’est pas d’origine chrétienne (par Jean-Pierre Castel)

Jean-Pierre Castel examine une idée répandue qui attribue au christianisme l’origine de la laïcité. Récemment reprise par Jacques Julliard dans un article du Figaro que l’auteur commente, cette idée confond distinction et séparation, et ce faisant elle élude ou détourne de son sens la question fondamentale de l’autonomie du politique. L’auteur expose pourquoi à ses yeux il est plus pertinent, en matière de laïcisation de la pensée, de se tourner vers l’héritage grec plutôt que vers « l’exclusivisme des textes sacrés abrahamiques ».

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« Juger les fous ? »

Le meurtre de Sarah Halimi par un irresponsable pénal : comment faire évoluer la législation ?

François Braize revient sur le meurtre de Sarah Halimi et sur l’excuse du non-discernement dont a bénéficié le meurtrier. En l’état actuel de la législation, il ne s’agit pas d’un déni de droit, mais c’est précisément pour cette raison que l’affaire pose la question d’une évolution souhaitable de la législation en matière d’irresponsabilité pénale. C’est en effectuant un détour juridique inopiné que l’auteur examine cette possibilité.

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Liberté de croyance et liberté d’expression selon François Héran (par Véronique Taquin)

Réviser la laïcité, pourfendre le « privilège blanc » : une nuit du 4 août à l’envers

Véronique Taquin a lu de près le livre de François Héran « Lettre aux professeurs sur la liberté d’expression » . Dans cette analyse critique détaillée et documentée, elle met en évidence, notamment, comment F. Héran appelle de ses vœux un droit multiculturaliste (sous forme d’une diversité juridique surplombante) qui, par l’effet d’une législation européenne fantasmée, obligerait la France à réviser le droit laïque et républicain engoncé dans un « particularisme ».

Au passage quelques énormités et sophismes sont épinglés, tel le présupposé paternaliste selon lequel les immigrés seraient naturellement brimés par la loi laïque et ne pourraient pas en être, comme les autres, les bénéficiaires – cela en dit long sur une conception de la liberté qui consiste à préserver l’identité et les traditions religieuses figées dans une essence. Une analyse approfondie est également consacrée au retour du délit de blasphème par le biais victimaire des sensibilités offensées, ainsi qu’à la notion infalsifiable de discrimination indirecte.

Finalement, pour décider une « nuit du 4 août » à l’envers – événement qui inaugurerait une politique racialiste détruisant le droit national et l’égalité devant la loi – les experts d’un courant identitaire des études postcoloniales seraient-ils plus légitimes que les citoyens ?

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Un regard sur la conscience : « Galileo’s Error » de Philip Goff lu par T. Laisney

Avec cette recension de l’ouvrage de Philip Goff, Galileo’s Error. Foundations for a New Science of Consciousness (Vintage Books, 2020), Thierry Laisney nous plonge dans une tradition un peu déroutante et familièrement étrange – du moins pour nous les « continentaux » – de réflexions que livre la philosophie anglo-saxonne depuis trois siècles.
La conscience pour nous n’est pas un mystère. Mais, si elle est la chose la plus familière, la seule que nous connaissions avec certitude, rien n’est plus difficile que de l’intégrer dans notre image scientifique du monde. Selon le philosophe britannique Philip Goff, c’est dans le panpsychisme que réside la solution à ce problème tellement ardu.

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Faut-il brûler les livres ? Tour d’horizon d’une nouvelle ère de la censure (par Jean-Yves Mollier)

Jean-Yves Mollier propose une réflexion documentée sur les résurgences de la censure un peu partout dans le monde. Après en avoir rappelé les sources au début du XXe siècle et quelques développements ultérieurs, il évoque les ravages provoqués par les « sensitivity readers », et plus généralement les effets négatifs du communautarisme et de la « cancel culture ». Il analyse ce faisant l’émergence d’une prétendue « progressive censorship », conséquence du mouvement « Political correctness » et examine l’affaire « Présumés innocents » survenue à Bordeaux en 2000. En conclusion, ce tour d’horizon insiste sur la capacité des réseaux sociaux à lyncher symboliquement ceux qui sortent des sentiers battus.

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Les symptômes d’une société malade, entretien avec Jean-Pierre Le Goff

Propos recueillis par Philippe Foussier

Dans son dernier livre, « La société malade » (Stock, 2021), le philosophe et sociologue Jean-Pierre Le Goff propose un diagnostic des effets de la pandémie de Covid-19 sur notre société mais aussi sur ce que celle-ci n’a pas modifié mais plutôt révélé.

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Inceste : de #Metoo à #Youtoo, Muriel Salmona voyante extra-lucide

Dix signataires – psychanalystes, psychiatre et juristes – s’alarment de la tournure inquiétante prise par certaines formes de prétendue lutte contre les violences sexuelles : en se fondant sur des positions scientifiquement et cliniquement discutables, on envisage sans sourciller l’abandon de la présomption d’innocence, entre autres. Ils examinent ici les déclarations de la psychiatre Muriel Salmona, inspiratrice notoire de cette tendance.

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« Pour une République laïque et sociale » de Charles Coutel (lu par P. Foussier)

Dans son dernier livre, « Pour une République laïque et sociale » (Paris, L’Harmattan, 2021), Charles Coutel propose de ressourcer la cause républicaine à l’aune des grands penseurs des Lumières. C’est en puisant dans ces héritages que les républicains humanistes pourront tracer des perspectives à la hauteur des défis considérables qui nous assaillent.

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Qu’est-ce que l’âme ? Sur un livre de John Cottingham

Auteur très reconnu, le philosophe anglais John Cottingham (né en 1943) défend un spiritualisme qui puisse s’enraciner dans une expérience humaine partagée. Dans son dernier ouvrage, « In Search of the Soul », il étudie une notion particulièrement difficile à définir : l’âme.

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Université et recherche : procès en « conscientisation » et intimidation

Suite du programme de rééducation

Cet article fait suite à celui où, en juin 2020, j’analysais comment une démarche académique ayant pignon sur rue, au motif légitime de faire obstacle à d’éventuelles discriminations, s’engage dans une entreprise d’ordre moral reposant sur l’auto-accusation identitaire. Le recours à un programme expiatoire de culpabilisation comparable dans ses procédés à celui d’une inquisition ou, plus proche de nous, à celui d’une « rééducation » est désormais banal. Non seulement des objets d’étude et d’intérêt deviennent suspects par eux-mêmes, mais encore et surtout, des personnes sont soupçonnées d’être par nature et de manière inconsciente des opérateurs de discrimination et de domination du fait de leur origine, de leur couleur de peau, de leur « ancrage ».

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« Enseigner le fait religieux à l’école : une erreur politique ? », sur le livre d’Aline Girard

Le livre d’Aline Girard « Enseigner le fait religieux à l’école : une erreur politique ? » (Minerve, 2021) ne s’inscrit pas dans le consensus qui, depuis le début des années 2000, entoure la question : il l’examine et montre que, loin de se réduire à une mise à jour pédagogique, les modalités d’introduction de cet enseignement en font un « événement idéologique majeur » qui affecte l’idée même d’école républicaine.
J’ai eu le plaisir de lire ce livre très documenté et argumenté dès son premier jet et d’en écrire la préface que je publie ci-dessous, avec l’aimable autorisation de l’éditeur Minerve. Je la fais suivre d’une brève analyse qui s’appuie sur le parcours du livre.

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L’Éducation nationale ne recrute plus, elle embauche (par G. Pigeard de Gurbert)

Sourd aux nombreuses critiques et protestations, le Ministère de l’Éducation nationale impose une réforme du CAPES qui s’inscrit dans la ligne des précédentes. Instituant ouvertement le déclassement des professeurs en les livrant au caporalisme, elle confirme une politique scolaire qui depuis longtemps s’acharne à réduire la place du savoir. Guillaume Pigeard de Gurbert en analyse ici les contradictions.

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L’avenir d’une désillusion : l’État et la République

Sur le livre de Pierre Birnbaum « La Leçon de Vichy – Une histoire personnelle » (Seuil, 2019)

L’ouvrage de Pierre Birnbaum « La Leçon de Vichy – Une histoire personnelle » (Seuil 2019) est l’occasion pour Sabine Prokhoris de méditer sur la « rupture » qu’il introduit dans le travail de son auteur, historien-sociologue de l’État. Elle souligne la remise en question de la position méthodologique d’un chercheur qui se voulait détaché de toute contingence personnelle, mais aussi celle de nombre d’aspects de la théorie  de l’État qu’il a précédemment élaborée. Cette rupture n’est pas un reniement. C’est par le nœud de l’histoire intime et de l’histoire collective que la question est posée : « comment penser à nouveaux frais les liens, auparavant vus comme consubstantiels en France, de l’État et de la République ? ».

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