Archives de catégorie : Revue

Comment juger une réforme de l’école ?

Jean-Michel Muglioni reprend ici sa réflexion sur la nature de l’école. Au moment où une nouvelle réforme pouvait sembler prendre enfin le contre-pied de tout ce qui a été fait depuis un demi-siècle pour détruire l’école, il craint qu’une fois de plus l’idéologie du marché détermine la politique scolaire. Sur quels critères en effet juger une école ? Il faut et il suffit de considérer ce qu’on y enseigne. Qu’apprendra-t-on de la maternelle à l’université ? question à la fois politique – c’est au citoyen et non au consommateur ou au producteur de dire quelle école convient à la République – et philosophique : la définition des contenus de l’enseignement dépend de l’idée qu’on se fait du savoir, c’est-à-dire de la nourriture qui convient à l’esprit. Question qui étrangement est moins souvent posée que celle de savoir ce que doit servir une cantine scolaire.

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Les pédagogies innovantes : heurts et malheurs

Sébastien Duffort part du constat douloureux connu de tous au sujet de l’état du système éducatif français : non seulement le niveau baisse, mais les inégalités d’accès au savoir se creusent. Pour l’expliquer, on met souvent en avant, à juste titre, le manque de moyens, l’absence de mixité sociale à l’école et l’émergence de véritables « ghettos » scolaires.
Mais ces arguments omettent un point central : les dispositifs pédagogiques mis en œuvre dans la classe affectent considérablement et le niveau des élèves et les inégalités face aux apprentissages. On peut s’interroger sur la responsabilité de ceux qu’une doxa pédagogique a privilégiés depuis la fin des années 60.

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Des miracles. Réflexion à partir d’un livre de Y. Nagasawa

Le livre « Miracles. A Very Short Introduction » de Yujin Nagasawa, professeur à l’université de Birmingham et spécialiste de philosophie de la religion, offre une réflexion intéressante sur la question des miracles. Thierry Laisney en propose ici une lecture.

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Réponse aux 30 imams et à quelques autres

Le « Manifeste contre le nouvel antisémitisme » publié le 22 avril par Le Parisien a suscité diverses réactions dont l’une, la tribune rédigée par trente imams « indignés » et publiée par le journal Le Monde le 24 avril 2018 a eu plus d’écho que les autres. Ce texte appelle trois observations, et quelques commentaires.

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Programmes scolaires et enseignement du « fait religieux »

La religion de l’appartenance

Le vocabulaire officiel de l’Éducation nationale associe volontiers « laïcité » et « enseignement du fait religieux », comme si, accréditée par le « Rapport Debray » de 20021 cette association allait de soi. Or, même lorsqu’elle se borne à désigner une intersection entre deux éléments, une telle relation est porteuse de confusions et génératrice d’obstacles pour un enseignement laïque – elle peut même installer une sorte de religion de l’appartenance.

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Croyances religieuses et mythes

L’enseignement du « fait religieux » dans une perspective critique

En précisant et en illustrant les rapports entre croyances religieuses et mythes, Jean-Michel Muglioni apporte un éclairage capital à la question de « l’enseignement du fait religieux » et appelle à rattacher ce dernier, dans une perspective authentiquement critique, à l’usage rationnel des mythes. Dès qu’il est considéré, apprécié et étudié comme mythe, c’est-à-dire dissocié de la croyance en sa vérité factuelle, le mythe garde un sens et véhicule une forme de vérité méditative en la fixant poétiquement. On peut donc réfléchir sur le contenu des croyances pour en faire valoir le sens sans se poser la question de savoir si on y croit ou non. Et pour s’accoutumer à aborder les religions sous cet angle critique et réflexif, le mieux est de commencer par celles auxquelles on ne croit plus.

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La loi esclave des droits ou le libéralisme contre le politique

Lecture du livre de Pierre Manent « La loi naturelle et les droits de l’homme »

Il n’est guère de notion aussi discréditée par la philosophie moderne et aussi méprisée par l’opinion contemporaine que celle de loi naturelle. Pourtant, nous professons l’universalité de droits humains (même si nous la « suspendons » lorsque cela nous conduirait à juger défavorablement les cultures où ils sont bafoués) qui ne seraient rien s’ils ne relevaient pas d’un droit naturel. C’est ce paradoxe que s’efforce de penser le livre de Pierre Manent La loi naturelle et les droits de l’homme (PUF, 2018) en tentant de comprendre ce qui distingue ce droit naturel de la loi naturelle.

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La République laïque et les cultes : reconnaissance, méconnaissance, connaissance ?

Après le discours d’Emmanuel Macron au collège des Bernardins le 9 avril et les nombreux commentaires qui ont suivi, François Braize a rédigé cette utile mise au point touchant les relations entre l’État laïque et les cultes. La séparation n’implique pas pour l’État l’ignorance des cultes. La « non reconnaissance » des cultes que la loi de 1905 prévoit, et l’obligation de leur être indifférent, n’est ni une « méconnaissance », une non « connaissance », ni même une « ignorance ». Si cela demande une subtilité que les temps ne portent plus guère, c’est oublier le sens et la portée de la loi de 1905 que de penser le contraire.

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Macron aux Bernardins : la transcendance à l’eau de rose au service d’une politique

Jean-Michel Muglioni s’interroge sur le sens du discours prononcé par le président de la République le 9 avril dernier au Collège des Bernardins. Pourquoi flatter à ce point les catholiques ? On ne peut l’expliquer seulement par la sincérité de l’orateur. Son discours est politique, de même que sa conception du catholicisme et des religions. Malgré les apparences, ce n’est pas pour elle-même que l’exigence religieuse est invoquée ici. Après relecture de ce discours on se demande même s’il n’y a pas du vrai dans ce que dit Marx sur l’opium du peuple : il faut au libéralisme une caution dans l’autre monde pour justifier celui-ci. Catholiques, continuez de croire en l’au-delà, mais laissez-moi conduire tranquillement ma politique ! Peut-être trouvera-t-on ce commentaire trop violent, mais il exprime au moins l’impression fort désagréable d’un lecteur qui par ailleurs et jusqu’alors reconnaissait la tenue des discours du président de la République. Ici, nous avons la transcendance à l’eau de rose au service d’une politique. Et cela pour demander à la fin aux catholiques de dialoguer avec l’islam…

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De quoi le nom de Le Pen est-il le nom ?

Le nom de Le Pen est indissolublement associé au racisme, à l’antisémitisme, au fascisme et au nazisme. Après en avoir parcouru l’histoire et les effets politiques dans la 2e moitié du XXe siècle, André Perrin montre en quoi cette association fonctionne aujourd’hui comme une forme de censure. Elle permet en effet de « nazifier » toute proposition ou toute prise de position soupçonnée, même de très loin, de ressembler quelque peu au discours du Front national, et, bien au-delà, de discréditer en les rejetant hors-rationalité tout propos et toute personne qui, par malheur, seraient cités par ce mouvement.

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« Territoires disputés de la laïcité » de Gwénaële Calvès

Constatant que « les juristes sont assez peu présents » dans l’abondance de publications consacrées ces dernières années à la laïcité, Gwénaële Calvès mobilise dans ce livre son expérience de professeur de droit public pour proposer une réflexion précise et de haute tenue en parcourant 44 « questions (plus ou moins) épineuses » relatives à la laïcité. Ces questions difficiles et quotidiennes, ce « droit mou » où s’entrecroisent les avis et les jurisprudences, forment des « territoires disputés » que le livre expose et éclaire en remontant à leurs enjeux fondamentaux.

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La conscience, du labo à l’école ?

Sur quelques publications de Stanislas Dehaene

Jean-Michel Muglioni a examiné les principales publications de Stanislas Dehaene. Il n’en conteste en rien la validité, mais il fait la critique de l’interprétation que leur donne leur auteur, qui, ayant fait de la conscience un simple phénomène de laboratoire, croit avoir trouvé comment expliquer la pensée. Il suffit de rappeler en quoi le phénomène de la pensée est irréductible au mécanisme, y compris au mécanisme cérébral qui en est la condition chez l’homme, pour retrouver la voie cartésienne. L’étude scientifique de ce mécanisme peut bien avoir une grande utilité, elle ne peut servir de fondement à l’enseignement, à moins de le réduire au dressage. Faudra-t-il que nous passions du Charybde des sciences de l’éducation au Scylla des neurosciences ?

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« Comparing Notes » d’Adam Ockelford : une nouvelle théorie de la musique

Adam Ockelford, professeur de musique à l’université de Roehampton (banlieue sud de Londres), très impliqué, en particulier, dans l’enseignement à de jeunes autistes, vient de publier « Comparing Notes. How we make sense of music » (Londres, Profile Books, 2017), livre important dans lequel il expose ce qu’il présente comme une nouvelle théorie de la musique.

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L’école des illettrés, ou L’école malade d’elle-même

Le niveau de lecture des jeunes Français ne laisse pas d’inquiéter. Cet illettrisme est-il dû à une inadaptation d’enfants de certaines catégories de la population à l’enseignement de la lecture, est-il facilité par la discontinuité de l’attention du fait notamment de la sollicitation permanente des écrans de divertissement ? Au lieu de privilégier certaines causes extérieures matérielles, médicales ou sociales à cet illettrisme rampant – ce qui justifie tous les renoncements pédagogiques –, nous essaierons de pointer la cause scolaire d’un tel échec : l’école crée elle-même des élèves non-lecteurs.

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Faut-il élargir l’objet  social des sociétés au-delà de l’intérêt économique commun des associés ? (par F. Braize, J. Pétrilli et B. Bertrand)

François Braize, Jean Pétrilli et Bruno Bertrand examinent une proposition récente de Nicolas Hulot visant à modifier l’objet social des sociétés pour y intégrer d’autres « intérêts » que « l’intérêt commun des associés ». À travers sa technicité juridique, la discussion soulève un problème général de conception du droit. Vouloir en effet inclure une forme de « bien » dans des objets juridiques dont on ne peut pas déduire ce « bien » revient à leur demander d’inclure quelque chose qui leur est extérieur, autrement dit de changer de nature. Il semble au contraire – comme le suggère cet article – que c’est bien de l’extérieur qu’il faut encadrer et réglementer les actions par des dispositions générales qui empêchent de faire n’importe quoi, de nuire à d’autres droits et qui prescrivent, le cas échéant, de viser un intérêt plus large.

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Jean-Michel Blanquer ou l’impossible dialectique

Comment caractériser la politique du ministre de l’Éducation nationale ? La face « républicaine » de sa politique a son revers néolibéral. On peut même se demander s’il ne s’agit pas de donner des gages aux tenants de la conception républicaine de l’école, trop peu écoutés depuis une bonne trentaine d’années, pour mieux servir les intérêts du néolibéralisme. Marie Perret ne tente pas de résoudre l’énigme ; elle montre la contradiction dans laquelle la politique de Jean-Michel Blanquer est prise et souligne l’ambivalence qui caractérise son action : autant de motifs de vigilance.

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Harcèlement et novlangue

Nul n’est censé ignorer la loi. Celle-ci est exprimée dans une langue officielle qui, pour être parfois technique, n’en est pas moins conforme à l’usage attesté du français et en tout cas ne peut pas lui être contraire. Encore faut-il que ceux qui sont chargés de l’interpréter en cas de litige ne décident pas arbitrairement qu’un mot change de sens selon leur gré. Or les violences et les injonctions faites à la langue sont devenues courantes. Lorsqu’elles se produisent au sein de la fonction juridictionnelle, on peut en craindre les effets pour les droits, pour les libertés. En étudiant l’exemple de la signification du mot « harcèlement », dont il montre qu’elle est malmenée à un point extrême, André Perrin soulève un problème inquiétant.

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Vous avez dit « sélection » ?

Jean-Michel Muglioni n’a pas pris parti publiquement dans les discussions qui portent sur les projets de réforme ministériels : c’est aux professeurs en exercice de se prononcer. Mais il propose une esquisse de réflexion sur la sélection. Il ne s’agit pas de savoir s’il y aura sélection, mais quelle sélection instituer. Sinon la société, sans règle, impose la pire des sélections. On le voit aujourd’hui, la sélection est reine partout, et généralement de manière cachée et par conséquent elle est sociale. Il est étonnant dans ces conditions qu’au nom de l’égalité on craigne de voir organiser une sélection fondée seulement sur la qualité du travail et des connaissances des élèves et des étudiants. Comment sortir de la confusion qui caractérise tous les discours pour ou contre ce qu’on appelle l’élitisme républicain ? Cette analyse est aussi une justification des concours nationaux de recrutement, sélection qui, comme l’agrégation, garantit en outre le niveau scientifique des professeurs.

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GPA et PMA bioéthiques (par Gérard Jorland)

Gérard Jorland propose un point de vue apparemment paradoxal à verser au dossier des discussions sur la PMA et la GPA qui s’ouvrent cette année. Souvent présenté sous un aspect répressif, et souvent utilisé pour soutenir des thèses rétrogrades, le principe du « respect de la vie », dont il donne une définition précise, lui apparaît au contraire comme un point d’appui pour ouvrir des perspectives qu’on n’a pas l’habitude de lui associer.

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Concours de l’enseignement artistique : méfiez-vous des « formateurs » !

Recrute-t-on des musiciens en marginalisant leur relation à la musique ? Aussi absurde que cela puisse paraître, cela a lieu en France et en 2018. À quelques semaines d’une nouvelle session du concours d’assistant territorial d’enseignement artistique, Dania Tchalik constate l’inadéquation entre la haute technicité d’un métier artistique et des épreuves administratives dont les attendus « ne se limitent pas à la discipline choisie ». Ce faisant, il traque les ambiguïtés d’une « formation » qui ne cesse de conformer les épreuves – et le métier lui-même – aux exigences des gestionnaires.

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