Les carlingues des avions seront bientôt en matériau composite, ce qui leur permettra de résister plus que les carlingues en alu aux différences de pression entre l’intérieur et l’extérieur de l’appareil. Avantage : on pourra mieux moduler la pressurisation de la cabine de manière à ménager les tympans des personnes embarquées.
Voilà une bonne nouvelle que j’apprends sur Europe 1.
Mais la brève chronique quotidienne « Innovation » – généralement intéressante – diffusée le 13 février à 7h251 présente une explication des choses plutôt déroutante.
Voulant apporter une explication sur ces différences de pression, le chroniqueur laisse entendre à plusieurs reprises que la pression augmenterait avec l’altitude. Ce qui est faux : plus on monte, plus la pression naturelle baisse puisque la couche atmosphérique est de plus en plus mince. Le dernier cours de physique auquel j’ai assisté remontant aux années 60, je suis incapable de donner les valeurs de la variation, mais je n’ai pas oublié quelques principes fondamentaux2, et j’ai gardé un peu de jugement….
La transcription de la chronique (consultable sur le site et reproduite ci-dessous) ne lève pas le doute. Au sujet de l’intérieur de la cabine d’un avion en altitude de croisière, le chroniqueur dit en effet : « on va pouvoir baisser la pression et se rapprocher des conditions que l’on a au sol ». Mais non ! à haute altitude, on se rapprochera des conditions que l’on a au sol en augmentant la pression à l’intérieur de l’appareil.
La référence aux « 8000 pieds » ne nous éclaire pas davantage : actuellement, dit-il, on met en cabine dès le décollage une pression correspondant à celle qui existe à 2400 m d’altitude (= 8000 pieds), ce qui est « très haut » ! Oui, c’est relativement haut en altitude, mais certainement plus bas qu’au sol en pression !
L’image de la bouteille en plastique qui se recroqueville sur elle-même serait éclairante si elle n’était pas utilisée à contresens… La bouteille se ratatine si la pression extérieure est plus forte que la pression intérieure – ce que les randonneurs en montagne observent à leur retour en vallée lorsqu’ils ont rebouché une bouteille en plastique là-haut après l’avoir vidée de son contenu liquide (et donc remplie d’air à basse pression). Seulement voilà, le chroniqueur met les choses à l’envers en disant que si on pressurisait un avion en alu à l’équivalent de la pression « au niveau du sol » il se recroquevillerait sur lui-même une fois arrivé à l’altitude de 30 000 pieds (= environ 9000 m). Je ne vois vraiment pas comment c’est possible : la pression intérieure étant dans ce cas beaucoup plus forte que la pression extérieure, loin de se recroqueviller l’avion se dilaterait et aurait plutôt tendance à exploser ! Imaginons notre randonneur emportant en ascension une bouteille vide (pression au niveau du sol) bien bouchée : à son arrivée au sommet la bouteille a gonflé.
Et si on écoute la vidéo, l’erreur est réitérée : à 2’24, on nous dit que « avec l’altitude, la pression appuie sur nos tympans » ! À moins qu’il faille comprendre que c’est la pression interne de l’oreille qui appuie sur le tympan…
Donc, l’information est juste : ces nouvelles carlingues permettront de soulager les tympans en leur épargnant des différences de pression. Mais l’explication est fausse : jamais l’altitude n’a fait augmenter la pression, au contraire elle la fait baisser. C’est cette variation de pression naturelle qui fait qu’on doit contrôler la pression artificiellement à l’intérieur de l’avion ; la plus grande résistance des carlingues permettra de mettre en cabine pendant le vol, sans risquer de déformation, une pression intérieure plus forte – proche de celle du niveau du sol et donc plus confortable.
J’ai attendu quelque temps pour commenter cette chronique déroutante, d’abord pour réfléchir sur ce qui me gênait – quelque chose clochait -, puis j’ai espéré trouver a posteriori sur le site une explication plus nette ou une référence permettant de creuser la question, « d’aller plus loin », sinon plus haut. Que l’excellent Anicet Mbida, que j’écoute souvent avec plaisir, sache que je ne le prends pas pour un Diafoirus. Tout le monde commet des erreurs, et quand on doit alimenter une chronique quotidienne on y est très exposé, c’est excusable. Mezetulle, qui pourtant ne travaille pas dans l’urgence, en commet aussi – et remercie ceux de ses lecteurs qui les lui signalent. Mais ici, la structure des médias agit à la manière d’un rouleau compresseur : on passe vite à autre chose, on ne se réécoute pas, on ne se relit pas, on ne rumine pas, on ne doute pas, on « se projette ». Certes il faut informer, mais pour instruire il est bon de s’instruire – ou de se ré-instruire – soi-même en s’interrogeant sur ce qui cloche, afin d’éviter l’erreur et de la corriger, ce qui demande… quelque temps.
Pourtant un doute me vient à l’esprit. Il se pourrait que le chroniqueur ait introduit exprès une erreur afin que « ça cloche », que les auditeurs se posent des questions et qu’ils aillent y voir de plus près. Dans ce cas, bingo et bravo, c’est réussi !
© Mezetulle, 2017
- À consulter et à réécouter sur le site d’Europe 1 à cette adresse http://www.europe1.fr/emissions/l-innovation-du-jour/des-avions-en-plastique-pour-faire-baisser-la-pression-2976212 [↩]
- C’est à la suite de l’expérience de Torricelli que Pascal fait l’hypothèse de la variation de pression avec l’altitude, ce qu’établit l’expérience du Puy de Dôme en 1648. Il suffit de taper « altitude pression » dans un moteur de recherche pour trouver abondance d’explications. [↩]
Vous avez tout à fait raison. le chroniqueur d’Europe 1 a tout mélangé (Si j’étais moins charitable, je dirais qu’il n’a rien compris).
C’est pourtant simple.
Le summum du confort, pour le passager, c’est de faire tout son voyage à une pression quasiment égale à la pression au sol. Ainsi, au niveau de la mer : 1 000 mbar (± 30 mbar).
Or, à l’altitude de croisière des vols commerciaux, vers 9 000 m (± 2 000 m), la pression n’est plus que de 300 mbar (± 70 mbar). Même pour des alpinistes chevronnés c’est une pression très basse, et donc, pour un volume pulmonaire donné, une quantité d’oxygène inspirée à chaque aspiration notoirement insuffisante pour l’organisme. D’où de fréquentes syncopes pour les organismes les moins entraînés.
Donc on « pressurise » la cabine, en faisant remonter la pression intérieure à environ 750 mbar (± 30 mbar), ce qui correspond à la pression externe de l’atmosphère à une altitude d’environ 2 500 m. C’est le moins mauvais compromis entre confort des passagers et résistance de la cabine à la surpression interne (risque d’explosion).
Avec une cabine en matériau plus résistant, la pressurisation consisterait à maintenir une pression interne identique à celle de l’atmosphère au sol, d’où un parfait confort pour les passagers. Mais alors la surpression de la cabine par rapport à l’atmosphère à l’altitude de croisière serait de l’ordre de 700 mbar, soit 700 kg-force par mètre carré de carlingue : on comprend que cela requière des matériaux plus résistants que les actuels alliages d’aluminium.
Le profil de pression en fonction de l’altitude dans l’atmosphère standard de l’OACI :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Atmosph%C3%A8re_normalis%C3%A9e#/media/File:Pression_amosphere_oaci.png
(nota : mbar et hPa c’est pareil)
Merci pour cette explication très claire. Mes souvenirs de physique sont lointains, mais finalement il y a de beaux restes. Dans l’ensemble je vois que j’ai bénéficié d’un enseignement de qualité. Or j’ai fait mes études loin de tout « quartier favorisé » puisque j’ai été élève durant toute ma scolarité secondaire au Lycée de Saint-Denis (93) : l’enseignement y était tout aussi excellent que dans les lycées les plus huppés de la capitale et comme on dit aujourd’hui « le public » (ce qui est une façon d’éviter de dire « les élèves ») n’y était pas spécialement homogène du point de vue social et des « origines ».
Si vous avez fait vos études en filière scientifique, vous avez en effet dû étudier la pression, en classe de première a priori.
Mais, depuis la réforme du lycée de 2010, ce n’est plus le cas : ce point est à présent vu en prépa. Et ce n’est pas le seul : l’induction, l’optique géométrique (même s’il y en a un peu en première), les bases de thermodynamique (vous vous souvenez peut-être du TP où on constate que l’augmentation de température est proportionnelle au temps de chauffage) et l’utilisation de la mécanique du point ne sont plus vus en lycée.
Ce qui motive sans doute ce point de vue :
https://www.sfpnet.fr/depuis-2013-le-bac-s-est-inadapte-aux-etudes-superieures-de-physique-et-de-chimie
Je ne doute pas qu’on puisse trouver des gens qui, au gré de leurs passions et de leur préjugés, viennent qualifier ces physiciens d’infâmes conservateurs plus ou moins mollusques, quitte à pratiquer la censure pour imposer leur point de vue plus facilement.
Mais, sans faire partie du sérail, il me semble quand même qu’ils ont raison sur la mauvaise qualité de cette réforme.