Fatiha Agag-Boudjahlat était invitée par David Pujadas dans la deuxième partie de l’émission « L’Info en questions » (LCI) du vendredi 31 mai, au sujet du port de signes religieux par les accompagnateurs scolaires – en l’occurrence les accompagnateurs qu’on appelle « les mamans voilées ». L’invitée, en grande forme, qui a publié récemment un ouvrage intitulé Combattre le voilement1, a magnifiquement argumenté et au passage fait voler en éclats toutes les interventions de Romain Goupil2. On se régalera à revoir l’émission en « replay » sur le site de LCI3.
On aura noté le soutien discret, mais efficace, de la journaliste du Daily Telegraph Anne-Elisabeth Moutet au sujet de l’extension du communautarisme en Grande-Bretagne.
Bien sûr une peau de banane avait été préparée pour gêner l’invitée (qui ne s’est pas laissé intimider) : un petit florilège de « témoignages » faisant état de l’avis de quelques élus sur le port du voile par des accompagnatrices scolaires. Haha, vous voyez bien que c’est d’extrême droite de demander à une « maman » de quitter momentanément un signe religieux ostentatoire pour s’occuper d’élèves, et puis c’est tellement méchant. Et de faire appel, pour la note compassionnelle, à la députée PS Ericka Bareigts, qui lâche une énormité : demander à des « mamans » accompagnatrices de quitter un signe religieux ostentatoire lorsqu’elles encadrent une sortie scolaire, c’est les exclure et « priver les enfants de la présence de leurs mamans ». Comme si l’école avait pour mission de prolonger la vie familiale, en imposant en outre une vision communautaire particulière à l’ensemble des élèves. Mais est-ce une énormité ? N’est-ce pas au fond, exprimée sous forme caricaturale, la doctrine scolaire officielle depuis bientôt 30 ans selon laquelle l’école, devenue « adaptative », n’a pas pour fonction principale d’instruire et d’éduquer (faire sortir l’enfant de son milieu), mais de refléter et d’inclure la société telle qu’elle est ?
Sur ce sujet, plusieurs fois abordé dans Mezetulle, on relira « L’accompagnement des sorties scolaires est-il confié à des « mamans » ? » et les autres textes récapitulés dans le dossier « Les sorties scolaires et leurs accompagnateurs ».
On lira par ailleurs une étude (2017) de Pierre Juston « La laïcité à l’épreuve des parents d’élèves accompagnateurs des sorties scolaires«
Notes
1 – Voir la recension par Jorge Morales pour Mezetulle.
2 – Avançant, entre autres choses fausses, que les sorties scolaires sont des « promenades » !
Merci Catherine de cette référence qui en effet est très utile dans ce combat pour une application des principes du service public au sein de l’école, fut-elle en sortie hors les murs. Je vais la reprendre sur mon propre blog car la musique dominante n’est hélas pas celle là…
L’école républicaine ne connait qu’une seule communauté, c’est la « Communauté éducative » !!!!
Il suffit de lire le code de l’éducation pour le vérifier. Mais qui le fait ?
Pourtant, comme le prévoit notre droit (la loi, dont notre collectivité nationale s’est dotée et qui figure audit code de l’éducation) cette « Communauté éducative », à laquelle appartiennent les parents dès lors qu’ils y collaborent d’une manière ou d’une autre, est soumise au principe de laïcité.
Nous avons démontré dans un article collectif publié par SLATE et qui a bientôt cinq ans que beaucoup (jusqu’au Conseil d’Etat par un étrange oubli) se fourvoient juridiquement sur cette question des mamans voilées lors des sorties scolaires en méconnaissant notre droit pourtant assez clair. Mais pour qui veut enfumer, l’oubli du droit est une sage précaution…
J’y renvoie donc car il n’y a pas une virgule à y changer sur la question de droit que pose cette affaire :
http://www.slate.fr/story/95391/laicite-ecole-parents-signes-religieux
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Merci de m’avoir fait découvrir ce passage. Pour la première fois de ma vie, j’ai regardé un moment LCI et je ne le regrette pas. Madame Boudjahlat a été très claire, très précise. Son argumentaire est très pertinent.
Merci à vous pour votre travaille de pédagogie plus que nécessaire.
Bonjour
Un accommodement déraisonnable de plus, plutôt même un renoncement de plus : les députés et les sénateurs, réunis en commission mixte paritaire le 13 juin, se sont accordés pour supprimer un amendement visant à interdire le voile pour les femmes lors des sorties scolaires. Les partisans du multiculturalisme crient victoire.
https://francais.rt.com/france/62947-voile-islamique-sera-finalement-autorise-lors-sorties-scolaires
La ministre de l »éducation nationale Najat Vallaud Belkacem avait malheureusement préparé le terrain.
Je lui ai adressé en février 2015 la lettre ci-dessous.
Elle n’a pas souhaité répondre.
Madame la Ministre,
J’ai lu avec intérêt vos discours du 13 et du 22 janvier dernier.
Deux choses ont plus particulièrement attiré mon attention : le fait que vous n’abordez pas la situation des accompagnatrices de sorties scolaires voilées alors que cette question reste primordiale, et votre définition de la laïcité par l’instrumentalisation qui en est faite.
S’agissant tout d’abord des accompagnatrices de sorties scolaires voilées : vous avez déclaré, lors de votre audition par l’Observatoire de la Laïcité le 21 octobre 2014, que « Le principe, c’est que, dès lors que les mamans (les parents) ne sont pas soumises à la neutralité religieuse, comme l’indique le Conseil d’État, l’acceptation de leur présence aux sorties scolaires doit être la règle et le refus l’exception ».
Il faut d’abord s’interroger pour savoir à quel titre ces mamans voilées sont présentes, si elles sont soumises ou non à la neutralité religieuse, car de la réponse à cette question préalable découle la décision d’admettre ou non comme règle leur présence aux sorties scolaires.
La réponse est politique et découle de la conception que la République a des services publics. L’école admet-elles ces personnes en sorties scolaires dans le seul but de leur procurer une activité occupationnelle pour leur propre compte, ou les admet-elle au regard de l’utilité de leur présence envers les enfants ?
S’il n’est pas discutable que ces personnes ne sont pas des agents du service public qui ont « le devoir de stricte neutralité », doivent-elles être assimilées à des usagers de service public qui « ne personnifient qu’eux-mêmes » ? (Étude demandée par le Défenseur des droits le 20 septembre 2013, adoptée par l’assemblée du Conseil d’État le 19 décembre 2013 paragraphe 3.2.1, page 30). Répondre par l’affirmative c’est considérer que leur présence est sans aucun lien avec les enfants, ce qui revient à leur dénier leur qualité d’accompagnatrices qui interviennent au service de l’école, donc dans un but d’intérêt général.
C’est pourquoi le principe doit être que les mamans accompagnant des sorties scolaires sont soumises à la neutralité religieuse et, conséquence pratique, le refus de la présence à ces sorties scolaires de celles qui portent des signes religieux doit être la règle. Sinon l’école ouvre la porte à ce que vous appelez vous-même le « relativisme ambiant ». Ce faisant elle encourage les « replis identitaires, les velléités communautaristes » que vous dénoncez à juste titre et elle fragilise les enseignants.
Le Conseil d’État admet la qualité de collaborateur occasionnel de service public dès lors « qu’une personne privée accomplit une mission qui normalement incombent à la personne publique » : or les accompagnatrice ne suppléent pas les enseignants, elles les secondent. La portée de cette contribution au service public en renfort et non par substitution doit être précisée car la situation actuelle, solution jurisprudentielle qui ne règle que les problèmes de responsabilité du collaborateur occasionnel de service public, ne peut pas être laissée en l’état eu égard aux enjeux d’aujourd’hui.
Dans l’étude précitée, le Conseil d’État relève qu’un tribunal administratif, en 2011, « s’est appuyé sur la notion de participation au service public auquel s’appliquerait le principe de laïcité, pour en déduire que les parents d’élèves, volontaires pour accompagner les sorties scolaires, ne peuvent, dès lors qu’ils participent dans ce cadre, au service public, manifester à cette occasion, par leur tenue ou leurs propos, leur convictions. Ce jugement n’a fait l’objet d’aucun recours » (renvoi 89, paragraphe 3.2.2, page 31)
La puissance publique doit légiférer pour mettre fin aux tergiversations des juges administratifs et judiciaires (affaire Baby Loup pour qui concerne ces derniers), mais également pour mettre fin aux circonvolutions ministérielles car les circulaires n’ont pas la force juridique suffisante pour dire le droit car, si le juge dit le droit, c’est la loi qui fait le droit. C’était le sens de mon courrier posté sur le site de votre ministère le 10 novembre dernier et qui est resté sans réponse.
Vous avez déclaré : « L’École de la République et ses fonctionnaires ne tolèrent pas l’intolérable ». Emprunter les propos d’Elisabeth Badinter (« parce que nous avons été tétanisés à l’idée que nous risquions d’être intolérants, nous avons alors toléré l’intolérable ») lors de son audition en 2013 par la mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national, ne fait, hélas, que démontrer le temps perdu ! Que de temps perdu en effet, depuis 2010, année où le Haut Conseil à l’Intégration a préconisé qu’au-delà des fonctionnaires, tous les collaborateurs occasionnels du service public soient soumis au même impératif de neutralité.
S’agissant du second point ayant attiré mon attention, la laïcité : vous relevez que « La laïcité n’est pas l’instrumentalisation qui a pu en être faite par certains au service du refus d’une religion, créant une incompréhension ou une défiance chez certains de nos concitoyens. ».
Dois-je comprendre ici ce qui fonde votre position sur la présence des mamans voilées aux sorties scolaires : refuser leur présence c’est instrumentaliser la laïcité ?
Ne pensez-vous pas que votre dénonciation de l’instrumentalisation de la laïcité est partiale et incomplète ? Partiale car vous n’envisagez que celle visant au refus d’une religion ; incomplète car vous ne désignez pas l’espace qui est refusé à la religion (où vous considérez qu’elle pourrait y être admise). Vous ignorez l’ instrumentalisation de la laïcité qui vise l’acceptation de la religion là où elle ne doit pas être ! C’est précisément ce que font les mamans voilées en revendiquant leur présence aux sorties scolaires. C’est à cette même instrumentalisation de la laïcité qu’a recours le Président du Conseil général de Vendée qui défend l’installation d’une crèche dans le hall de l’hôtel de Département en implorant: « Oui au principe de laïcité, non au principe d’absurdité ».
Votre défense de la laïcité est ici vaine car elle n’est pas impartiale : pour être réellement efficace elle doit dénoncer de la même manière l’instrumentalisation de la laïcité qui vise à refuser la religion là où elle peut être, et celle qui vise à accepter la religion là où elle ne doit pas être.
La laïcité n’est pas une valeur qui « se discute, se DÉBAT, s’expérimente » comme vous le déclarez dans votre discours du 13 janvier. C’est un principe intangible qu’il faut défendre et depuis 30 ans la gauche comme la droite l’ont mal défendue.
Annoncer que les correspondants laïcité travailleront en lien permanent avec l’Observatoire de la laïcité augure mal de l’avenir lorsqu’on se rappelle la déclaration de son président en 2012 et que l’on prend connaissance de la récente déclaration de 3 de ses membres au sujet des propositions que l’observatoire a formulé le 14 janvier : elles sont « pour l’essentiel angéliques et pusillanimes, cosmétiques dans le meilleur des cas, tandis que certaines sont clairement anti laïques ».
Je ne suis le représentant d’aucune organisation, et bien qu’elle ne représente que moi, je vous remercie par avance de l’attention que vous voudrez bien porter à ma lettre et, vous rappelant mon précédent courrier, je vous prie d’agréer, madame la Ministre, mes très respectueuses salutations.
Je m’associe à F. Fleury pour remercier la pédagogie de votre site
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N’oublions pas non plus, outre vos arguments politiques que l’on peut suivre, que le code de l’éducation lui même (dispositions législatives) en l’état, sans loi nouvelle ni amendement nouveau, prévoit que c’est la « communauté éducative » toute entière qui est soumise au principe de laïcité et, donc, les parents aussi lorsqu’ils y participent.
Nul besoin d’amendement supplémentaire donc; commençons par appliquer le droit existant. Mais tout le monde l’ignore et y va de son bout de loi. Et, bien sûr, à chaque fois que se pose une difficulté…
Pendant ce temps les islamistes ricanent. A pleurer.
Merci à Braize pour sa clarification limpide qui clôt le débat et à Mezetulle pour le lien de l’émission de LCI
Un seul regret après son audition: pourquoi Fatiha Agag-Boudjahlat ne renvoie elle pas Romain Goupil dans les cordes de l’extrême droite? Car qui est favorable au port du voile en toutes circonstances , à part les idiots utiles interviewés si ce n’est les islamistes.? Et de quel bord politique sont ils? Radicaux socialistes , anarchistes Libéraux républicains ? J’aimerais enfin que quelqu’un m’explique pourquoi, à la surface de la terre, les extrémistes religieux sont classés à l’extrême droite qu’il s’agissent des orthodoxes juifs des puritains protestants des intégristes catholiques , des bouddhistes birmans aux hindouistes indiens; Pourquoi y a t’il une exception concernant les impérialistes mahométans de tous poils?
On ne peut pas reprocher à Fatiha Agag-Boudjahlat ce qu’elle n’a pas dit… car il y a une infinité, toujours, de choses à dire qu’il est souvent facile d’apercevoir quand on est devant sa tv et non sur le plateau. Et franchement elle « fait le job » sans doute mieux que quiconque dans la situation et les conditions très stressantes où elle se trouve.
On peut rappeler que Jean-Marie Le Pen, lors que l’affaire de Creil en 89 avait déclaré « je suis pour le port du voile, mais ailleurs » : excellent résumé de la position communautariste qui segmente l’humanité et différencie droits et devoirs. Sur la similitude entre les « idiots utiles » de gauche et l’extrême droite à ce sujet, je me permets de renvoyer à la symétrie que j’ai naguère soulignée dans plusieurs textes entre les deux dérives du concept de laïcité. Voici un exemple dans cet Entretien pour la Revue des deux mondes : « Ces deux courants se sont relayés et ont offert la laïcité à l’extrême droite, l’un en désertant le terrain laïque pendant de longues décennies, au prétexte de l’assouplir et de le moderniser, l’autre en l’investissant avec des propositions durcies et réactives, les deux en épousant le fonds de commerce des politiques d’extrême-droite, à savoir la constitution fantasmatique de « communautés » (en l’occurrence « les musulmans ») que les premiers révèrent en criant à la « stigmatisation » et que les seconds abhorrent en criant à l’« invasion » ». (https://www.revuedesdeuxmondes.fr/catherine-kintzler-laicite-a-produit-plus-de-libertes-ne-aucune-religion-investie-pouvoir-politique/2/)
Pour la question que vous posez à la fin, il me semble que vous donnez vous-même une réponse en parlant des « idiots utiles » – la classification « à gauche » leur est quasi naturelle ; on ajoutera une pincée de clientélisme lorsqu’il s’agit d’élus..
J’ai bien conscience d’avoir procédé comme ce que les joueurs de bridge appellent le kibitz de base ( celui qui jacasse par dessus l’épaule) et que l’on envoie régulièrement paître en lui faisant remarquer avec justesse que l’on joue toujours mieux dans le dos de quelqu’un
Je n’aurai jamais l’esprit incisif de Fatiha Agag Boudjahlat et n’ai aucun reproche à lui faire . Je ne me complais pas dans l’ attitude du « Si j »avais été là ! » étant bien conscient que si une telle éventualité s’était avancée je n’aurais pu produire qu’un oral balbutiant
Mais le sang du supporter ne fait qu’un tour lorsqu’il entend un contradicteur prompt à reprocher le « prêt à penser » et qui nous assène du » mai 68 a dit que » à l’envie . Ou qui déplore l’omniscience du corps professoral promouvant par inférence un enseignement d’incultes dont il doit être le produit le plus éminent
En ce qui concerne la classification à gauche des complices avérés ou candides des islamistes, je ne peux contester votre analyse ayant moi même le plus grand mal, vis à vis d’individus voire de groupes à définir qui est de gauche ou qui a des idées de gauche ou qui pense à gauche.
Là n’est pas ma cible ni mon inquiétude.Je n’ai jamais entendu aucun journaliste, éditorialiste , philosophe polémiste bref ceux que l’on désigne comme intellectuels, classer les islamistes à l’extrême droite au même titre que les autres intégristes religieux. Ceci n’est peut être qu’une impression mais ça me semble être le produit d’un long travail de sape visant à les exclure de la diabolisation.
C’est ce même bourrage de crâne ( avec effet inverse) qui nous a fait tomber dans le piège de l’islamophobie devenue et pour longtemps un racisme ordinaire alors que vis à vis d’une religion personne n’est obligé de dire amen et a le droit d’en contester les préceptes
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